Donner un prix aux arbres des forêts tropicales pour réduire les émissions de gaz à effet de serre dues à la déforestation: l'idée pourrait faire son chemin à la conférence de Bali, en Indonésie, pays où la déforestation atteint des sommets.
Il s'agit de «trouver un mécanisme qui permette de récompenser les pays qui prennent des mesures pour éviter la déforestation», explique Brice Lalonde, chef de la délégation française à Bali.
La déforestation tropicale est responsable de 20 à 25% des émissions annuelles mondiales de dioxyde de carbone, principal gaz à effet de serre, estiment les scientifiques.
Les arbres stockent de grandes quantités de carbone et en les détruisant, on relâche ce gaz carbonique dans l'atmosphère: freiner la déforestation permettrait de lutter efficacement contre le changement climatique.
Or, dans les régions tropicales, les gouvernements comme les acteurs privés sont plus incités à défricher leur forêts qu'à les laisser sur pied car elles rapportent peu.
D'où l'idée de donner un prix à chaque hectare de forêt préservé.
La conférence de l'ONU sur le climat en 2006 à Nairobi avait commencé les négociations sur la réduction des émissions dues à la déforestation, ou «RED», en envisageant qu'elles puissent être intégrées à un dispositif du type «Mécanisme de développement propre» (MDP) du protocole de Kyoto.
Le MDP permet aux pays industrialisés d'investir dans des technologies «propres» dans les pays en développement pour s'affranchir d'une partie de leurs obligations de réduction d'émissions.
A Bali (du 3 au 14 décembre), plusieurs ateliers techniques devraient creuser l'idée.
«On s'oriente plutôt vers des inventaires forestiers nationaux avec un système d'aides publiques via un fonds spécial», estime M. Lalonde.
Il semble difficile à court terme d'étendre aux forêts le marché de quotas d'émissions de CO2 mis en place pour l'industrie, sous peine d'effondrer le marché avec une arrivée massive de certificats.
A moins de «resserrer la contrainte», avance Christian de Perthuis, le directeur de la Mission Climat à la Caisse des dépôts. Non seulement sur les pays industrialisés (en leur imposant des objectifs plus contraignants) mais aussi «à condition de les élargir aux grands pays émergents».
Le Brésil propose pour sa part des contributions volontaires de la part des pays développés.
L'or vert est exploité de façon anarchique depuis des années soit pour la qualité des essences comme le plus souvent dans le Bassin du Congo en Afrique, où la forêt est dégradée, soit pour laisser place à des plantations plus rentables, comme au Brésil ou en Indonésie, où elle est arrachée.
Intégrer la «RED» dans les mécanismes du protocole de Kyoto pourrait faire de l'Indonésie un géant du MDP en Asie, selon la Banque mondiale.
Hors déforestation, les émissions du pays hôte de la conférence climat de Bali sont modestes (450 M de t de CO2 par an), mais grimpent à 3 milliards de tonnes par an si on intègre la déforestation, faisant de l'Indonésie le troisième pollueur mondial derrière les États-Unis et la Chine.
Cette évolution provoquée par la demande d'huile de palme utilisée dans l'alimentation et les cosmétiques est «une pure aberration en termes de changement climatique», estime Greenpeace dans un rapport dénonçant «l'impact destructeur» de quelques grands groupes industriels sur les forêts d'Indonésie.