Le monde de la recherche universitaire connaîtrait-il lui aussi son Grenelle de l'environnement ? "En économie, en sciences de gestion et même en sociologie, la recherche sur la responsabilité sociale de l'entreprise (RSE) et le développement durable a tendance à devenir un courant dominant", estime José Allouche, professeur à l'Institut d'administration des entreprises de Paris (université Paris-I-Panthéon-Sorbonne), directeur de l'Ecole doctorale en sciences de la décision et de l'organisation (IAE Paris, Ensam, HEC) et président du jury du Prix de la recherche "Finance et développement durable".
Le meilleur baromètre en est le colloque annuel de l'Academy of Management, qui réunit chaque année aux Etats-Unis, durant la deuxième semaine du mois d'août, le gratin de la recherche en gestion. "La proportion de communications sur ces thèmes au cours des dix années passées est en hausse régulière, jusqu'à atteindre près de 15 % des 500 à 600 papiers présentés en 2007", observe M. Allouche.
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Le champ de cette recherche semble également se structurer. Ce sont souvent les mêmes laboratoires européens qui présentent chaque année de nouveaux candidats, avec en particulier l'université d'Helsinki, la London School of Economics (LSE), l'université Erasmus de Rotterdam (Pays-Bas), l'université de Toulouse-I. En France se sont constitués, en 2002, l'Association pour le développement de l'enseignement et de la recherche sur la RSE (Aderse, 150 membres) et, en 2006, le Réseau international de recherche sur les organisations et le développement durable (Riodd).
Mais le domaine reste largement dominé par les universités anglo-saxonnes, si l'on en croit le "palmarès alternatif" réalisé par l'Aspen Institute, un think tank basé à Washington, sur le critère de l'importance des sujets sociaux et environnementaux dans l'enseignement et la recherche des business schools. "
Cette domination n'est pas étonnante, analyse M. Allouche, dans la mesure où une interprétation possible de la montée actuelle des thèmes de la RSE peut être celle d'une résurgence de la morale protestante dans le monde des affaires, qui touche donc principalement les pays anglo-saxons et scandinaves." Dans les pays latins, en revanche, où l'intrication entre la morale et la pratique des affaires est un trait culturel moins marqué, l'intérêt pour la RSE apparaît être davantage de l'ordre de la communication que de la conviction.
Dans les pays de culture protestante, une pratique non responsable a souvent un effet immédiat sur l'opinion et sur les marchés alors qu'elle n'a surtout des conséquences, dans les autres pays, que sur les organisations militantes, qui disposent de peu de relais sur les marchés.
Qui plus est, la recherche académique a montré que si un comportement responsable est ordinairement corrélé à une meilleure performance financière, elle ne peut prouver qu'un lien de cause à effet existe. Il est impossible de savoir si l'entreprise use des marges de manoeuvre que lui confère sa bonne santé financière pour adopter des pratiques responsables ou si ce sont ces pratiques qui lui permettent d'obtenir de meilleurs résultats.
En revanche, l'annonce (et non la réalité) d'une bonne ou d'une mauvaise pratique a bel et bien un impact direct sur la valorisation financière d'une firme, ce qui incite encore plus celle-ci à réserver sa politique de RSE au seul domaine de la communication. "Reste que, observe M. Allouche, les firmes pourraient bien se trouver piégées à terme par leur propre discours qui, en les contraignant à mettre leur pratique en adéquation avec leur "com", deviendrait ainsi autoréalisateur..."
Le jury du prix 2007 de la recherche Finance et développement durable a sélectionné les trois gagnants parmi les auteurs de sept articles (1 Belge, 2 Britanniques, 3 Espagnols, 1 Italien), 11 mémoires de master (1 Belge, 1 Espagnol, 2 Finlandais, 1 Indonésien étudiant en France, 5 Français, 1 Suisse) et 4 thèses (1 Allemand, 2 Français, 1 Néerlandais). Les deux bénéficiaires des bourses de recherche ont été choisis, dans la catégorie Instruments financiers, parmi 5 candidats (1 Espagnol, 3 Français, 1 Russe étudiant au Royaume-Uni) et, dans la catégorie Aspects sociaux, parmi 4 candidats (1 Autrichien, 3 Français). Soit au total 31 candidatures, dont 13 françaises.