La Nano, présentée hier au Salon de New Delhi par Tata, connaîtra-t-elle le même succès que la Fiat 500, qui a symbolisé pendant deux décennies le miracle italien de l'après-guerre ?
Le 4 juillet 1957, les ingénieurs de Fiat présentent au Salon de Turin une voiture révolutionnaire. Elle est la plus petite, moins de 3 mètres de long, et la moins chère du marché. La Fiat 500 connaîtra un succès considérable durant quinze ans et se vendra à plus de 3 millions d'exemplaires.
La Nano, présentée hier au Salon de New Delhi par Tata, connaîtra-t-elle le même succès que son aînée italienne, qui a symbolisé pendant deux décennies le miracle italien de l'après-guerre ? Elle lui ressemble en tout cas beaucoup, et pas seulement par sa forme, entre le pot de yaourt et le bonbon acidulé, mais surtout par ses ambitions : convertir aux charmes de la voiture les millions de motocyclistes indiens (qui casent une famille entière sur le deux-roues), avec un véhicule deux fois moins cher que la concurrence. Puis, si tout va bien, partir à la conquête du monde.
Le parallèle serait tentant entre les miracles italien et indien, n'étaient l'ampleur du phénomène et sa rapidité. Un pays de 1,1 milliard d'habitants, dont la moitié subsistent avec moins de 2 dollars par jour, et dont le potentiel de croissance est considérable. Plus de 1 million de voitures vendues l'an dernier, trois fois plus vers 2015, c'est-à-dire l'équivalent du marché français. A cette date, la Chine sera, de son côté, le premier marché automobile mondial.
Dès lors, il n'est pas étonnant de voir émerger dans ces pays des industriels qui ne se contentent pas de vouloir inonder le monde de tee-shirts ou même d'ordinateurs, mais aussi d'automobiles et, demain, d'avions. Face à la croissance forte de leur classe moyenne, qui représentera bientôt en Chine l'équivalent de l'Europe de l'Ouest, ils montent en gamme dans des secteurs nouveaux.
Absents du marché automobile il y a une dizaine d'années, les constructeurs chinois et indiens entendent avant cinq ans venir proposer leurs voitures en Europe et aux Etats-Unis.
Finalement, il se produit le même phénomène qu'avec les Japonais dans les années 1970, puis les Coréens vingt ans plus tard. Offensive dans les modèles bas de gamme d'abord, puis concurrence à tous les niveaux, jusqu'à Toyota, qui vient chasser désormais sur les terres de Mercedes et BMW. Il est donc faux d'imaginer que la vieille Europe et la vieille Amérique s'en sortiront uniquement en se réfugiant sur des marchés de plus en plus haut de gamme et sophistiqués.
Les labos et le luxe au Nord, les ateliers et le bas de gamme au Sud. La mondialisation ne s'arrêtera pas à la division du travail, mais instaure une concurrence mondiale, à tous les niveaux.
C'est la leçon du probable rachat par le même Tata de Jaguar et de Land Rover. Pour l'instant, le bilan est positif pour les Renault, PSA, Volkswagen, Fiat et Toyota. Ils sont tous présents en Inde et en Chine, et y trouvent un relais bienvenu au marasme des marchés européen et américain.
Mais ils savent déjà qu'ils devront accueillir plus de convives pour partager un gâteau aussi important. Et se battre autant sur les « pots de yaourt » que sur les grosses berlines.