Avec une volatilité de 60% (20% pour les indices boursiers), gérer le risque de CO2 est au moins aussi nécessaire que gérer les risques de change, de taux ou d'actions. Selon Valérie Villafranca, d'AON Financial, les entreprises vont devoir inscrire ces nouvelles variables financières dans l'assiette globale de leurs risques, et se donner les moyens d'une gestion intégrée du risque environnemental.
Dans sa lettre de mission au Conseil d'analyse stratégique qui a préparé le Grenelle de l'environnement, le Premier ministre soulignait l'importance de "la responsabilisation des entreprises vis-à-vis du développement durable".
La bonne gestion des émissions de CO2 en est un des éléments majeurs. Non seulement parce que les entreprises participent ainsi à la protection de l'environnement et à l'intérêt général, mais aussi parce que les implications financières sont telles que leur impact peut être décisif sur la compétitivité et la rentabilité des firmes concernées.
Depuis 2005, anticipant l'application des accords de Kyoto pour 2008-2012, l'Europe a défini des normes maximales d'émission de CO2 aux entreprises de divers secteurs (énergie, acier, papeterie, cimenterie, etc.). Chaque site industriel se voit allouer un quota annuel d'émission de CO2.
Une société qui pense émettre moins que les quotas reçus peut les vendre à celles qui dépasseront leur allocation. Ainsi est né le marché du carbone, avec un prix de marché et une Bourse au comptant (Powernext). Mais ces quotas peuvent aussi être négociés à terme (ECX à Londres) et être supports d'options.
Ce qu'on appelait à l'origine "permis de polluer" n'a pas été tout de suite compris du grand public. Pourtant, comme l'avait dit Ronald H. Coase, Prix Nobel 1991 d'économie: "la création d'un marché, sur lequel s'échangent les coûts marginaux de dépollution, est la solution la plus efficace pour atteindre l'objectif collectif de réduction des émissions de carbone." Car le prix du quota d'émission se rapproche d'une réalité concrète: le coût marginal de réduction des émissions pour une entreprise. Un industriel peut acheter les quotas qui lui manquent ou réduire ses émissions en investissant. Et, logiquement, le prix du quota se rapproche du coût marginal de réduction des émissions.
Réduire de 5% les émissions de CO2 coûte aujourd'hui environ 15 euros la tonne, et le prix du quota pour la période qui commence le 1er janvier 2008 s'établit à ce niveau. Le prix de la tonne de CO2 s'est révélé plus volatil que les variables financières traditionnelles. Si la volatilité est de 10% pour le change euro/dollar, de 60% pour le pétrole, de 20% pour les indices boursiers, elle est de 75% pour le CO2 ! Gérer le risque de CO2 est donc au moins aussi nécessaire que gérer les risques de change, de taux ou d'actions. Or, les entreprises ne sont pas toujours préparées à ce nouveau type de risque.
Les questions auxquelles elles doivent répondre sont multiples. Comment gérer sa position et calculer les risques ? Faut-il acheter ou vendre des quotas maintenant à 15 euros la tonne, ou plus tard ? Quels instruments de couverture choisir? Quel suivi de la position carbone mettre en place ? Etc. Selon les projections effectuées par Aon à partir de nombreux cas concrets, ce sont plusieurs millions d'euros qui seront en jeu pour nombre d'entreprises soumises à la directive quota. Et si plus de la moitié des sociétés du CAC 40 sont concernées, elles ne sont pas les seules...
Ainsi, la volatilité du prix du CO2, comme celle du prix de l'énergie et des indices climatiques, place la gestion du risque "environnemental" au coeur de la gestion des risques dans les entreprises. A cette gestion des quotas s'ajoute éventuellement celle des "crédits" d'émission, alloués par l'ONU aux entreprises qui ont des projets de réduction d'émission de CO2 dans les pays en développement.
Une entreprise dont les projets sont validés récupère des crédits qui seront transformés en quotas et vendus sur le marché, sous réserve de bonne fin. Les entreprises ont donc tout intérêt à avoir la capacité de déposer des projets performants auprès de l'ONU, de récupérer ainsi des crédits d'émission tout en contribuant à maîtriser les émissions de CO2 dans les pays en développement. On voit ainsi que, confrontées à des facteurs de risque étroitement corrélés - CO2, climat et énergie -, les entreprises vont devoir inscrire ces nouvelles variables financières dans l'assiette globale de leurs risques, et se donner les moyens d'une gestion intégrée du risque environnemental.
Valérie Villafranca, d'AON Financial (Commodities & weather risk management)