Le manchot royal, qui vit dans le sud de l'océan Indien, est menacé d'extinction à cause d'une élévation de quelques dixièmes de degrés de la température de l'eau qui perturbe la chaîne alimentaire, selon une étude publiée par des chercheurs français dans la revue américaine PNAS.
«Les épisodes de chaleur affectent négativement à la fois le succès de l'incubation et la survie des oiseaux marins adultes», ont constaté Céline Le Bohec (Université d'Oslo), Yvon Le Maho (CNRS/Université de Strasbourg 1) et leurs collègues.
Grâce à une étiquette électronique implantée sous la peau des oiseaux, les chercheurs ont suivi durant neuf ans 450 manchots royaux à partir de l'île de la Possession sur l'archipel de Crozet, situé à mi-chemin entre Madagascar et le continent antarctique.
C'est sur cet archipel que se reproduisent les deux tiers des quelque deux millions d'oiseaux que compte l'espèce.
«La zone où ils s'alimentent en été, lorsque le manchot royal se nourrit exclusivement de poisson lanterne, est en moyenne à 400 km au sud de Crozet. Mais selon l'effet du courant chaud El Nino, la distance peut varier entre 300 et 600 km», a expliqué à l'AFP M. Le Maho.
«Quand il y a un réchauffement, les manchots vont plus au sud. Ils ne vont pas forcément trouver moins de nourriture mais ils seront obligés d'aller plus loin», ajoute ce chercheur.
Pendant que le mâle couve durant la dernière phase de l'incubation, la femelle mettra plus de temps à ramener la nourriture, diminuant les chances de survie du poussin, qui peut être nourri par le mâle une dizaine de jours après l'éclosion grâce à des réserves de nourriture qu'il a ingurgitées sans les digérer.
«En hiver, le manchot royal va s'alimenter près de 2000 km plus au sud, dans la limite nord des glaces, où on ne sait pas exactement ce qu'il mange», selon M. Le Maho. «Mais on sait que le krill (un petit crustacé), qui constitue la base de la chaîne trophique (alimentaire) dans cette région, est sensible à des variations de quelques dizièmes de degrés».
Pour entreprendre ce long périple à partir du mois de mai, les jeunes qui auront été mieux nourris auront aussi plus de chances de survie.
Des relevés de température effectués dans la zone d'hivernage (à 56°C de latitude sud) montrent très clairement une corrélation avec les taux de survie observés chez les manchots royaux. Ainsi une élévation de seulement 0,26°C de la température de l'océan diminue ces chances de 9%.
Or «la prévision moyenne du Giec (Groupe intergouvernemental sur l'évolution du climat), c'est 0,4°C d'augmentation pour les 20 prochaines années», rappelle M. Le Maho, qui regrette l'insuffisance de l'effort de recherche jusqu'ici consacré aux conséquences du réchauffement climatique sur la biodiversité.
L'intérêt de l'étude des oiseaux de mer est qu'«en tant que prédateurs, ils se situent au sommet des chaînes alimentaires marines», selon un communiqué du CNRS présentant l'étude.
«Par conséquent, la dynamique de leurs populations est le reflet de l'évolution des ressources marines», poursuit le communiqué.