Une étude française menée dans l'archipel de Crozet tire la sonnette d'alarme. Un faible réchauffement de la température de la surface de la mer fait baisser le succès reproducteur des manchots royaux (Aptenodytes patagonicus) ainsi que leurs propres chances de survie, selon une étude effectuée à Crozet (Antarctique) qui compte les deux tiers de la population de cette espèce (Pnas, 12 février 2008).
Étant donné que les prédictions du Groupe intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) annoncent une hausse moyenne des températures d'environ 0,4 degré dans l'océan austral pour les vingt prochaines années, cet oiseau est donc sérieusement menacé.
À l'âge adulte, le manchot royal pèse 13 kg en moyenne contre 40 kg environ pour l'empereur rendu célèbre par le film de Luc Jacquet. «Les extrémités et les ailerons longs du manchot royal lui permettent de vivre à 15°C, mais, contrairement à l'empereur il est mal équipé morphologiquement pour les zones de glace compacte, proches du continent antarctique », précise YvonLe Maho, du centre d'écologie et physiologie énergétiques du CNRS (Strasbourg), qui a dirigé l'étude.
Les auteurs ont étudié les courbes de variations climatiques naturelles dues aux répercussions du phénomène El Nino en Antarctique, variations qui sont différentes chaque année et qui affectent la ressource alimentaire des manchots. Une hausse de 0,20 °C des eaux s'est traduite par une baisse de 9 % du taux de survie de la population identifiée au cours de ses allées et venues entre la colonie et la mer. Et ce grâce à une étiquette électronique de 0,8 gramme administrée sous la peau, étiquette activée par des antennes enterrées sur les voies d'accès à la colonie qui permettent également le comptage individuel. Cette identification évite les biais liés au baguage sur l'aileron. Cela gêne la propulsion de l'animal dans l'eau et ses chances de reproduction.
200 km de plus parcourus
L'été dans l'hémisphère Sud (en janvier), le couple se partage à tour de rôle la couvaison et va s'alimenter en mer. Celui des conjoints parti descend vers le front polaire (zone de rencontre entre les eaux subantarctiques et polaires plus froides) pour se nourrir et ramener de la nourriture au poussin. Le front polaire est à environ 400 km au sud de Crozet. Quand l'eau se réchauffe, les manchots poussent à environ 600 km, ce qui les oblige à parcourir 200 km de plus pour atteindre le front polaire. Résultat, la fréquence de nourrissage du poussin est moins grande ainsi que son succès de reproduction.
Au début de l'hiver (en mai), les parents laissent leurs poussins sans nourriture pour assurer leur propre survie. Ils vont à 2 000 km vers le sud, à la limite de la banquise antarctique, là où un faible réchauffement climatique suffit à réduire les populations de krill. À la fin de l'hiver, les parents reviennent s'occuper des poussins qui ont survécu.