Dans la suite du sommet de Bali, le réseau international d’ONG BankTrack, dont les Amis de la Terre sont membres, a publié sa position sur le climat et les banques. Les banques internationales sont les financeurs clés des activités économiques qui contribuent aux changements climatiques. C’est pourquoi elles doivent prendre leurs responsabilités, adopter des politiques et des pratiques rigoureuses, qui réduiront leurs impacts négatifs sur le climat et s’orienter vers des activités économiques sobres en carbone. Dans ce but, les banques doivent faire des choix courageux, particulièrement en ce qui concerne leur implication dans le secteur des énergies fossiles.
Vous trouverez ci-dessous le résumé exécutif de ce positionnement ainsi que le positionnement au complet (en anglais) en document joint à cette page.
Répondre au changement climatique
Le changement climatique global constitue le plus grand défi environnemental auquel la planète fait face. Il menace directement la prospérité, les sources de revenus et la sécurité des peuples à travers le monde entier. Si la tendance actuelle se maintient, les températures moyennes globales pourraient augmenter jusqu’à 6,4°C d’ici la fin de ce siècle, provoquant des effets dévastateurs et irréversibles pour la planète et la plupart de ses habitants. Afin d’éviter les impacts les plus dangereux du changement climatique, les températures moyennes globales ne doivent pas augmenter de plus de 2°C par rapport aux niveaux pré-industriels. Pour rester dans la limite des 2°C d’augmentation, les émissions de gaz à effet de serre (GES) devront être réduites de plus de 80 pour cent d’ici 2050 par rapport aux niveaux de 2000.
Les gouvernements, les individus et les collectivités ont l’obligation de mettre en place des cibles efficaces pour réduire ces émissions de GES et élaborer des cadres politiques dans lesquels ces cibles peuvent être atteintes. Les pays industrialisés depuis longtemps et qui ont produit la majorité des gaz à effet de serre portent la plus grande responsabilité du changement climatique et ils doivent donc agir pour réduire drastiquement leurs émissions et développer des technologies sobres en carbone voire sans carbone, afin de pouvoir laisser aux pays pauvres l’espace nécessaire à leur développement économique, dans les limites d’un régime global du carbone très rigoureux.
Jusqu’à maintenant, les politiques publiques en réponse au changement climatique ont été incohérentes et inadaptées, de nombreux gouvernements refusant de s’attaquer de façon responsable à cette problématique. Mais nous ne pouvons pas attendre que les gouvernements trouvent la volonté politique de s’engager. Chaque individu et chaque institution doit agir pour combattre le changement climatique, chacun dans sa sphère d’influence.
Le rôle des banques commerciales
Ceci est également vrai pour les grandes banques commerciales internationales. A traver leurs prêts à grande échelle, leurs investissements, et leurs autres services financiers, les banques jouent un rôle indispensable dans la mobilisation et l’allocation des ressources financières pour le secteur privé. BankTrack juge que cette position d’influence dans l’économie s’accompagne de la responsabilité particulière pour les banques de jouer un rôle de leadership dans la communauté d’affaires en s’attaquant au défi du changement climatique.
De même, les banques sont dans une position unique soit pour financer les mêmes affaires que par le passé et être ainsi complices de l’aggravation des changements climatiques, soit pour aider à catalyser la transition nécessaire vers une nouvelle économie, avec des émissions minimales de GES issues de programmes globaux d’efficacité énergétique et de l’utilisation d’énergies renouvelables en remplacement des énergies fossiles.
Les banques pourraient ainsi intégrer le changement climatique dans la logique du "business case" pour le développement durable. Il existe assurément des opportunités substancielles pour bénéficier des investissements dans la production d’énergies renouvelables et dans l’efficacité énergétique. Mais les mécanismes de marché et les "business models" traditionnels seuls ne suffiront pas à cette fin. Il reste en effet de trop grandes opportunités pour les banques de maximiser leurs profits à court-terme et la valeur de leurs actionnaires en soutenant les investissements qui contribuent au changement climatique - par exemple dans l’industrie du pétrole et du gaz.
BankTrack appelle les grandes banques commerciales internationales, en consultation avec les organisations de la société civile et les autres parties prenantes, à élaborer une politique climatique ambitieuse et publique qui préciserait clairement comment la banque compte réduire les impacts climatiques de ses prêts et de ses investissements et comment elle entend contribuer à financer la transition vers une économie sobre en carbone. Ce positionnement décrit les éléments nécessaires que l’on devrait retrouver dans une telle politique.
Tout d’abord, les banques devraient prendre des mesures pour se retirer progressivement des activités et projets qui contribuent substanciellement au changement climatique. A cette fin, elles devraient :
• Stopper leur soutien à tout projet d’extraction et de livraison de charbon, de pétrole et de gaz ;
• Stopper leur soutien à tout projet de nouvelle centrale au charbon ;
• Stopper leur soutien à toutes les pratiques les plus émettrices dans les autres secteurs intensifs en GES ;
Dans un second temps, les banques devraient minimiser l’impact de leurs activités et investissements restants sur le climat. A cette fin, elles devraient :
• Evaluer et déclarer les émissions de GES induites par leurs prêts, leurs investissements, et leurs autres services financiers ;
• Etablir des cibles de réduction d’émissions par portfolio et par "business-unit" conformes avec ce qui est jugé nécessaire d’après les données scientifiques disponibles sur la stabilisation du climat ;
• Elaborer une série d’outils pour faire face à la problématique du changement climatique et réduire les émissions à travers toutes les opérations et services financiers fournis.
Dans un troisième temps, les banques devraient augmenter leur soutien pour le développement et l’utilisation de technologies et de processus de production bons pour le climat. Elles devraient donc :
• Augmenter leur soutien pour les technologies de réduction des émissions de GES, pour la production d’énergies renouvelables, et l’efficacité énergétique dans toutes les "business lines" ;
• Elaborer des produits et services pour aider les clients de la banque de détail à s’attaquer au changement climatique.
Pour faire face au défi climatique, le positionnement liste enfin les types de projets énergétiques que BankTrack considère comme les solutions (éolien, petit hydro, solaire, biomasse et d’autres technologies) et ceux considérés comme "fausses solutions" (énergie nucléaire, grand hydro, utilisation continue de gaz, agro-carburants). Le positionnement met particulièrement à l’index l’énergie nucléaire comme voie sans issue pour les banques qui souhaiteraient diversifier leur portefeuille énergétique, une voie dans laquelle elles ne doivent en aucun cas s’engager.
BankTrack - A Challenging Climate