Un nouvel appareil permet de transformer l'énergie de la marche en énergie électrique et d'alimenter divers appareils. Un nouveau dispositif expérimental mis au point dans un laboratoire américano-canadien pourrait peut-être bientôt permettre de produire facilement de l'électricité tout en marchant. Et ce suffisamment pour alimenter toutes sortes d'appareils. Les tests réalisés avec un prototype ont montré qu'il était ainsi possible de produire aux alentours de 5 watts de puissance électrique. De quoi alimenter une dizaine de téléphones portables ou deux micro-ordinateurs, ou des lecteurs MP3, des GPS, de l'électronique portée par un soldat…
Mais le but des chercheurs était avant tout médical et leurs travaux (publiés vendredi dans la revue Science) pourraient ainsi permettre d'alimenter des pompes à médicaments, des neurostimulateurs ou des aides à la mobilité de prothèses.
Car le corps humain est une formidable «batterie » d'énergie chimique que nous convertissons, via nos muscles, en énergie mécanique, avec une relativement bonne efficacité puisqu'elle atteint quelque 25 %. Le pari de Max Donelan, de l'école de kinésiologie de l'université Simon-Fraser, et de ses collègues scientifiques, était de pouvoir récolter des «moissons » d'électricité significatives à partir de mouvements du corps sans pour cela lui demander d'efforts supplémentaires. Ils ont donc choisi de s'intéresser à la transformation d'énergie cinétique (engendrée par le mouvement) en énergie électrique. « Ce sont des travaux très intéressants qui vont dans la bonne direction , estime François Lavaste, professeur émérite à l'École nationale supérieure des arts et métiers, chercheur au laboratoire de biomécanique Ensam-CNRS. Nous travaillons également sur les aspects bioénergétiques de la marche.»
Peu d'efforts supplémentaires
Car quoi de plus courant, de plus naturel, que de marcher ? Mais ce dispositif devait être, en un sens, fantôme. On sait produire de l'électricité en mettant une personne sur un vélo fixe et en la faisant pédaler. Là, la production d'électricité devait se faire sans interrompre les activités normales. Et ce n'est pas pour rien si les précédentes tentatives visant le même but ont concerné la marche. Mais l'utilisation de l'énergie de la semelle de la chaussure touchant le sol et comprimée ne produit que peu d'électricité (dix fois moins que ce nouveau dispositif). Autre possibilité : l'utilisation des soubresauts d'un sac à dos porté par un marcheur actif, si elle produit suffisamment de courant (autour de 7 watts), a l'inconvénient de nécessiter la présence sur vos épaules d'un sac de plus de trente kilos ( nos éditions du 9 septembre 2005 ). Idéale pour un soldat costaud et entraîné, la solution ne peut être généralisée.
Ici, le dispositif de production d'électricité est plus léger. Dans une coque d'aluminium fixée à un harnais orthopédique spécial genou, une sorte de toupie sensible au mouvement de la jambe va transmettre son énergie à un générateur d'électricité. L'ensemble pèse 1,6 kg. Et il faut en porter deux. Un à chaque genou. Mais les auteurs de ces travaux précisent que ce poids, déjà modeste, pourrait être encore bien réduit. Son coût n'a pas été évalué. Un tel dispositif produit en moyenne une puissance de 5 watts. Toutefois, l'un des volontaires l'ayant testé en courant en a produit dix fois plus.
La «beauté » scientifique du dispositif réside dans le peu d'efforts supplémentaires qu'il exige de la personne qui le porte. Ainsi, grosso modo, la dépense d'énergie du porteur des générateurs d'électricité est limitée aux quelque 3 kg qu'il porte en plus.
Cela ne va pas loin. Et c'est parce que le générateur de courant est placé sous la coupe d'une puce électronique qui va commander les moments où l'électricité est produite. Il ne va fonctionner que pendant la fin du pas, ce que l'on appelle la phase pendulaire. C'est-à-dire le moment où l'ensemble genou-jambe ralentit. Et non pendant le moment, au début du pas, où il accélère sous l'effet de la contraction des muscles. «L'idée est bonne et le résultat est prometteur, estime François Lavaste. Mais la puissance produite est encore insuffisante. Cela suffit pour des batteries de faible puissance, comme dans un téléphone portable, mais pas pour des prothèses asservies dont sont équipées des personnes amputées.»
Jean-Luc Nothias