L’opinion publique n’admet plus que les entreprises, principales actrices et bénéficiaires de la mondialisation, agissent de façon « irresponsable » voire « immorale ». Dans un contexte où les actions des entreprises et leurs conséquences deviennent de plus en plus visibles, et parce que les problèmes liés à l’éthique peuvent douloureusement nuire à la fois à l’image de marque et aux perspectives financières des entreprises, la prise en compte des attentes éthiques des parties prenantes s’est incarnée dans le concept de Responsabilité Sociale et Environnementale d’entreprise (RSE).
Il suffit de se remémorer l’impact sur l’opinion publique de scandales comme la découverte l’an dernier d’enfants exploités dans les ateliers de confection de Gap en Inde, ou la catastrophe de Seveso en Italie qui a depuis donné son nom aux sites de productions classés à risque en Europe, ou encore les nombreux cas de saturnisme liés à l’activité industrielle de Metaleurop dans le nord de la France.
Ces exemples montrent combien l’éthique est aujourd’hui un des grands enjeux de la mondialisation, qu’il s’agisse d’environnement, de sécurité alimentaire ou de normes sociales.
C’est pourquoi, sans renier la quête de profits, de rentabilité et d’expansion, les entreprises se positionnent comme « acteur » du développement durable, respectent des démarches de Responsabilité Sociale et Environnementale (RSE), et en informent l'ensemble des parties prenantes : le « consommateur-citoyen », les actionnaires et les salariés.
La Responsabilité Sociale et Environnementale d’entreprise (RSE), une démarche volontaire et éthique.
Dans un contexte où les actions des entreprises et leurs conséquences deviennent de plus en plus visibles, et parce que les problèmes liés à l’éthique peuvent douloureusement nuire à la fois à l’image de marque et aux perspectives financières des entreprises, la prise en compte des attentes éthiques des parties prenantes s’est incarnée dans le concept de Responsabilité Sociale et Environnementale d’entreprise (RSE).
Bien qu’il n’existe pas de définition exacte de la RSE, ce terme peut être entendu comme l’intégration volontaire des préoccupations sociales et écologiques des entreprises à leurs activités commerciales et à leurs relations avec toutes leurs parties prenantes internes et externes (actionnaires, personnels, clients, fournisseurs et partenaires, collectivités humaines…).
L’objectif de cette démarche est de satisfaire pleinement aux obligations juridiques applicables et d’investir dans le capital humain et l’environnement. La démarche de la RSE s’inscrit dans le cadre du développement durable qui prône « un développement qui répond aux besoins des générations du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs », c’est-à-dire la recherche d’un équilibre entre prospérité économique, justice sociale et environnement.
Le concept de RSE d’entreprise se rapproche étroitement de la réflexion éthique appliquée à l’entreprise. Ainsi, l’éthique organisationnelle est la manière dont l’entreprise intègre ses valeurs dans ses politiques, dans ses pratiques et dans ses processus de décision. Cela va de la conformité à la législation à l’adhésion aux règles internes de l’entreprise.
Les investisseurs financiers ont également commencé à prendre conscience de la nécessité d’intégrer dans leurs décisions les impacts sociaux et environnementaux de leurs investissements : c’est ce qu’on appelle l’Investissement Socialement Responsable (ISR).
L’ISR consiste à investir dans des initiatives d'entreprises jugées particulièrement responsables (par exemple, les énergies renouvelables, l’agriculture biologique ou le développement local).
Historiquement, les investisseurs fondaient leurs placements de capitaux sur les nombreux rapports traitant du développement durable et/ou de la démarche RSE et émanant des grands groupes. Mais, souvent, ces rapports étaient plus des opérations de communication que de l’information fiable et objective. Désormais, ce sont principalement les évaluations des agences de notations sociales qui motivent leurs choix.
Le fonds souverain norvégien est un exemple en la matière. Créé en 1996, il recueille la quasi-totalité des recettes pétrolières de l’État et les investit en toute transparence et en suivant des règles d’éthique très strictes. Ainsi, le fonds pétrolier refuse d’investir dans les groupes qui fabriquent des armes chimiques ou nucléaires, qui ne respectent pas les droits de l’homme, l’environnement, ou qui participent à la corruption. Le fonds n’a pas hésité, au nom de ses valeurs, à se retirer de grands groupes internationaux comme Boeing ou Wall Mart. Le choix d’une politique d’ISR n’a nuit en rien à la rentabilité du fonds : deuxième actionnaire du CAC 40, il gère plus de 250 milliards d’euros, soit plus que le plus gros fonds de pension américain, Calpers, qui gère 240 milliards de dollars.
Par ailleurs, si les évolutions actuelles de la société poussent les entreprises à s'engager dans des démarches de RSE, celles-ci peuvent également en retirer des bénéfices tangibles. Ceux-ci se concrétisent soit par une réduction des risques pris par l'entreprise, soit par les nouvelles opportunités qu'elles peuvent tirer de ces approches.
Ces bénéfices peuvent se traduire concrètement par l’amélioration de l'efficacité et par la réduction des coûts à plus ou moins long terme, par une meilleure satisfaction des clients, par le développement de nouvelles activités, par la mobilisation du personnel ou encore par une amélioration des relations avec les investisseurs.
La notation sociale, catalyseur de la démarche RSE
C’est dans le cadre de la RSE et de l’ISR que la notation sociale (appelée également notation extra financière) entre en jeu pour apporter des éléments d’arbitrage aux investisseurs. L’objectif est de leur permettre d’inclure ou d’exclure de leur portefeuille d'investissement les actions des entreprises selon que celles-ci répondent ou non à des critères sociaux, environnementaux ou éthiques. Les évaluations sont également destinées aux pouvoirs publics et à l’opinion publique, et peuvent contribuer à modifier l’image de marque d’une entreprise.
La notation sociale évalue les engagements et les performances de l'entreprise dans les domaines sociaux, environnementaux et de gouvernance à partir de l'analyse d’informations communiquées par l’entreprise ou par d'autres parties prenantes (les ONG, les syndicats, les médias, etc.…). Elle replace l’entreprise évaluée dans un contexte global et non purement financier.
Les agences de notation sociale proposent deux types de notation sociale :
- La notation déclarative, réalisée sur la base de documents publiés par l’entreprise. Elle est très demandée par les actionnaires, les banques et les sociétés boursières qui souhaitent être confortés par une source jugée neutre.
- La notation sollicitée, réalisée à la demande de l’entreprise elle-même. Très complète, cette analyse se fonde sur les documents publiés par l’entreprise, mais aussi sur des enquêtes terrain quantitatives et qualitatives, des échantillonnages et des estimations portant tant sur l’entreprise et ses filiales que sur ses fournisseurs et ses clients.
Historiquement, la notation sociale est née aux Etats-Unis dans les années 1960, à la demande de fonds éthiques américains. Le marché s’est développé depuis les années 1980-1990, principalement en Amérique du Nord et en Europe, et depuis une dizaine d’années dans la zone Asie-Pacifique-Afrique. Les principaux organismes qui se partagent le marché français sont Vigeo, CoreRatings et Innovest.
Le marché de la notation sociale a évolué depuis sa création. On observe tout d’abord une diversification des métiers des acteurs de la notation sociale : des activités complémentaires telles que la gestion de portefeuille, le conseil en gestion ou les études de benchmarking viennent peu à peu compléter l’offre initiale d’analyse et de notation. Parallèlement, on observe le développement d’une offre adaptée aux attentes des grandes entreprises non cotées, des PME et des collectivités locales.
Les agences de notation se professionnalisent et se fédèrent au niveau mondial. Ces réseaux internationaux permettent de proposer un référentiel mondial et plus seulement national dans l’évaluation d’une entreprise. En 2004, seize organismes de notation sociale se sont regroupées au sein de l’AICSRR (Association for Independant Corporate Social Responsibility Research), dont l’objectif est de « développer, promouvoir et entretenir des standards, expertises et codes de conduite professionnels de haut niveau pour le secteur de la recherche en RSE ».
Cependant, au delà de quelques recommandations de principe en termes de développement durable et de démarche RSE d’entreprise (lutte contre la pollution, utilisation d’énergies renouvelables, etc.) émises par les instances publiques, il n’existe aucune loi qui valide les critères retenus par les agences de notation sociale. Ce sont principalement des facteurs culturels qui sont à l’origine de grandes divergences au niveau des approches et des objectifs, empêchant ainsi tout consensus autour d’une règlementation ou d’une méthodologie de traitement de l’information extra financière.
Faute de réglementation, la professionnalisation et la pérennisation de l’activité de notation sociale progresse sur un autre terrain, celui de la normalisation. On observe ainsi les prémices d’une harmonisation mondiale avec l’initiative « Global Reporting Initiative ».
Cette structure indépendante collabore activement avec les Nations Unies et souhaite définir un référentiel commun de critères de comparaison fiables entre entreprises dans les domaines économiques, environnementaux et sociaux. Sans créer réellement un cadre législatif (puisque n’ayant aucun caractère contraignant), ces critères pourraient devenir des standards. Les différents pays et les entreprises ont accueilli positivement cette tentative de consensus international.
Le consommateur du XXIe siècle est très sensible aux efforts de RSE des entreprises et des pouvoirs publics. Plus qu’un effet de mode, c’est véritablement une prise de conscience de l’importance de la valeur ‘développement durable’ pour et par la société.
Une standardisation des critères d’évaluation de la notation sociale est à espérer, car ce n’est qu’avec un référentiel partagé et opérationnel que l’évaluation sociale et environnementale viendra compléter efficacement le reporting financier. Ce dernier a évolué vers plus de qualité et de transparence vis à vis du public, des épargnants et des investisseurs grâce aux normes IFRS en vigueur depuis 2006.
Si cette tendance à la standardisation des critères d’évaluation se confirme, cela assurera aux parties prenantes une vision objective de la performance globale des entreprises notées. Cela permettra également aux entreprises de prendre conscience de leur impact concret sur l’environnement et la société et d’intégrer des démarches de RSE quantifiables, efficaces et bénéfiques dans leur stratégie globale.