Potagers, vergers, fleurs : la végétation s’est une nouvelle fois réveillée un peu plus tôt, obligeant les jardiniers à réviser quelque peu leur planning. Alors, bonne nouvelle ou cri d’alarme de la nature elle-même ?
«Les brefs étés ont souvent des printemps précoces. » À en croire William Shakespeare, l’été pourri que nous avons connu l’année dernière serait la raison du mini-chamboulement que chacun peut observer dans son jardin ou dans les parcs.
Avec quelques jours ou semaines d’avance, de nombreux végétaux sortent en effet ces jours-ci de leur léthargie hivernale. « Les cerisiers et les pruniers sont déjà bien fleuris », remarque Mathieu Lacostes, membre de l’équipe « fruitier » du Centre régional de ressources génétiques (CRRG).
C’est une semaine plus tôt par rapport à l’année dernière. Et « l’an passé, les cerisiers avaient déjà deux semaines d’avance par rapport à l’année précédente ». Côté fleurs, certaines ont eu encore plus d’avance : jusqu’à un mois pour quelques espèces de jonquilles qui ont fait leur grand retour dès la mi-février.
Rien de dramatique à tout ceci. Le seul risque « pour les plantes est une baisse des températures », reconnaît Guillaume Bruneaux, du CRRG.
« Des gelées brûleraient les bourgeons naissants. » C’est d’ailleurs ce qu’a connu Jacques, jardinier amateur à Roubaix : « En février 1956, les températures étaient brusquement descendues jusqu’à -15°C. Beaucoup de végétaux n’avaient pas survécu. » Au centre régional de Météo France, les prévisionnistes affirment que des gelées « sont possibles jusqu’au mois d’avril. Mais au-delà de la mi-mars, elles sont exceptionnelles ». En 1962, il avait même gelé au mois de juin !
Record d’ensoleillement
Mais pas de panique. « Tout ceci reste de l’ordre de l’exceptionnel, affirme Arnaud Bouis, de Météo France. Depuis quelques années, on bat plus régulièrement des records de températures hautes que basses. » Dans les magasins, les produits printaniers fleurissent eux aussi. Simple question de logique commerciale. C’est donc « aux jardiniers de ne pas aller trop vite, à eux de s’adapter aux évolutions du climat et de ne pas brûler les étapes », assure Guillaume Bruneaux.
Si la nature arbore des allures de printemps précoce, c’est bien du côté de la météo qu’il faut chercher des explications. Car cela a peut-être échappé à certains, mais selon Météo France, l’hiver 2007-2008 a battu des records d’ensoleillement ! Plus de 282 heures ont été enregistrées entre décembre et février. « Les derniers records de durée d’insolation dans la région remontent à l’hiver 1948-1949 », confirme Arnaud Bouis. Avec 5,7°C en moyenne sur ces trois mois, la région a également connu cette année le cinquième hiver le plus doux depuis 1944-1945 (le record avait été battu à l’hiver 2006-2007, ndlr). Quant au bilan pluviométrique, il a été déficitaire tout l’hiver, particulièrement dans les Flandres et dans le Dunkerquois.
Conséquences pour l’homme
Aux pollutions du sol, de l’air et de l’eau viennent donc s’ajouter ces aléas climatiques. « Les plantes sont soumises au stress d’adaptation, commente Didier Fontaine de l’association des jardiniers de France de Valenciennes. Il n’y a plus vraiment de régularité dans les saisons. Or, les plantes ne sont pas habituées à des changements de températures trop brutaux. » D’autant que les professionnels s’accordent à dire que les périodes hivernales sont bénéfiques aux végétaux. Les plantes ont besoin de l’hiver pour mettre en place leur processus physiologique.
Des études scientifiques sur les effets du réchauffement climatique sur les plantes montrent que certaines espèces pourront poser problème dans des conditions climatiques futures. C’est le cas par exemple de l’ambroise, une plante déjà régulée en France à cause des allergies qu’elle provoque. Une équipe de Harvard a étudié en serre les effets d’un printemps précoce et d’une concentration de C02 atmosphérique sur la pollinisation de la plante. Les plantes soumises à un printemps précoce (trente jours d’avance) ont augmenté leur production de pollen d’environ 55 % par rapport aux autres. Avec des réactions allergiques plus nombreuses, ce serait cette fois l’homme qui pâtirait d’un printemps avant l’heure.
Nord Eclair - 16/03/2008
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