A un peu plus de quatre mois de l'accession de la France à la présidence de l’Union, celle-ci n’a toujours pas réagi au dernier avertissement que la Commission européenne lui avait envoyé fin janvier. La Commission l'invitait à faire mettre rapidement les installations de traitement des eaux résiduaires de ses collectivités territoriales aux normes européennes pour éviter d'être poursuivie pour la deuxième fois devant la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) et de se voir infliger une amende -estimée à 300 millions d’euros par un récent rapport de Fabienne Keller, maire de Strasbourg. Selon la Commission, la France ne respecte toujours pas la directive communautaire de 1991 relative au traitement des eaux urbaines résiduaires, bien qu'elle ait déjà été condamnée par la CJCE pour ce motif.
La directive sur le traitement des eaux urbaines résiduaires fait obligation aux grandes villes de l'Union européenne de collecter et de traiter leurs eaux urbaines résiduaires. Le principal traitement des eaux résiduaires prévu par la directive est le traitement biologique ou «secondaire». La date butoir pour la mise en service de ces infrastructures était le 31 décembre 2000. La directive prévoit un traitement «tertiaire» plus contraignant lorsque les eaux résiduaires sont rejetées dans des cours d'eau dits «sensibles», traitement qui passe par l'enlèvement du phosphore et/ou de l'azote. Ce système devait être mis en place pour le 31 décembre 1998 au plus tard.
La Commission avait décidé d’envoyer à la France un dernier avertissement au motif qu’elle n’a pas respecté un arrêt rendu en 2004 par la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) statuant sur le traitement des eaux urbaines résiduaires dans certaines zones sensibles.
En vertu de la jurisprudence, la CJCE a condamné la France pour non-désignation de onze zones comme zones sensibles et pour inadéquation des installations de traitement dans plusieurs localités qui rejettent leurs eaux résiduaires dans ces zones. La CJCE a également constaté que 121 collectivités avaient enfreint la directive en rejetant leurs eaux résiduaires dans des zones ayant déjà été déclarées comme zones sensibles. A noter que la directive utilise le terme technique d'«agglomération», qui désigne une zone dans laquelle la population et/ou les activités économiques sont suffisamment concentrées pour qu'il soit possible de collecter les eaux urbaines résiduaires pour les acheminer vers une station d'épuration ou un point de rejet final.
En 2006, la France avait désigné les onze zones comme zones sensibles. Toutefois, 140 communes – notamment la ville de Paris – continuent de rejeter leurs eaux résiduaires dans ces zones sensibles. En ce qui concerne les 121 localités rejetant leurs eaux usées dans les zones déjà désignées en tant que zones sensibles, la France a procédé à leur réorganisation en 164 localités, ce qui a permis à certaines d'entre elles de ne plus atteindre le seuil de 10.000 habitants à partir duquel la directive s'applique. La Commission estime que la «réorganisation des villes effectuée par la France dans le but d'éviter de devoir se conformer à la directive est inacceptable et demande à la France d'appliquer la directive dans toutes les localités couvertes par l'arrêt de la Cour.»
En mai 2007, la France a notifié à la Commission la situation des localités et son calendrier pour l'exécution de la décision. Il semble que certaines localités ne seront pas dotées d'équipements de traitement des eaux résiduaires avant 2011, soit sept ans après l'arrêt de la Cour et douze ans après le délai fixé par la directive. La Commission juge ce retard «déplorable et demande instamment à la France de construire, dans les plus brefs délais, des installations de traitement des eaux résiduaires dans toutes les localités concernées.»
En octobre dernier, Jean-Louis Borloo avait demandé que soit mis en place un suivi hebdomadaire des six agences de l’eau, afin qu’aucune collectivité ne puisse laisser de côté la question du traitement de ses rejets d’eaux usées. Le plan d’action doit cibler très précisément les 98 stations d’épuration non conformes en fin d’année 2007 (les 68 qui n’ont pas dépassé les études et les 30 qui devraient juste commencer):
- mise en demeure de toutes ces collectivités, en leur demandant la réalisation d’un planning d’investissement et les études de faisabilité dans un délai d’un an;
- consignation des fonds nécessaires sur le budget des collectivités concernées qui n’exécuteront pas les mises en demeure;
- perte des aides à taux plein et de la totalité des primes de bon fonctionnement pour les collectivités qui n’auront pas conventionné en parallèle avec l’agence de l’eau de leur territoire avant la fin de l’année 2007;
- mise à disposition des collectivités moyennes qui auront des difficultés liées à l’augmentation du prix de l’eau d’une enveloppe supplémentaire de 2 milliards d’euros sous forme de prêts bonifiés avec l’aide de la Caisse des Dépôts.
Jean-Louis Borloo souhaitait enfin une «totale transparence dans la mise en œuvre de ce plan et a donc demandé la publication sur Internet de la carte de la conformité de l’ensemble des agglomérations française avant la fin du mois (NDLR:: octobre 2007).» La carte en question n’est toujours pas publiée.
Pour voir les procédures d'infraction visant la France au 31/01/2008 (liste par Etat membre): voir premier lien ci-dessous.
Pour consulter la directive n° 91/271/CEE, voir second lien ci-dessous.
http://ec.europa.eu/community_law/eulaw/decisions/dec_08_01_31.htm
http://admi.net/eur/loi/leg_euro/fr_391L0271.html
Liens complémentaires :
http://ec.europa.eu/community_law/eulaw/decisions/dec_08_01_31.htm
http://admi.net/eur/loi/leg_euro/fr_391L0271.html