Un tiers de leur bonus sera indexé sur des critères sociétaux. Ce sera notamment la réduction de l'émission de carbone ou l'amélioration de la santé au travail. Taper au portefeuille. Cette solution simple, vieille comme le salariat pour obtenir un changement de comportement d'un employé, est utilisé par le groupe Danone pour inciter ses 900 principaux dirigeants à s'engager corps et âmes dans le virage stratégique, "sociétal", dans lequel s'est engagé le groupe.
Frank Riboud, le PDG de Danone, a dévoilé publiquement les grandes lignes de ce dispositif, qui modifie en profondeur, depuis le début de l'année 2008, l'assiette des bonus des dirigeants en réduisant l'impact des critères financiers au profit d'indicateurs sociaux et environnementaux. latribune.fr dévoile les détails de ce dispositif.
"Jusqu'à présent, 60% du bonus des dirigeants était indexé sur des résultats économiques comme la croissance du chiffre d'affaires, la rentabilité et le cash généré, souligne Florence Saliba, le directeur des rémunérations. Le reste, soit 40%, dépendait de la réussite dans la conduite de projets prioritaires et d'objectifs de management". Mais Danone évolue du géant de l'agroalimentaire, qu'il était, vers le spécialiste qui "apporte la santé par l'alimentation au plus grand nombre" qu'il veut devenir. Pour accompagner cette translation, le groupe colle au plus près avec les valeurs qui émergent chez les consommateurs. Valeurs environnementales, sociétales sont bien éloignées des traditionnels impératifs - financiers - des dirigeants d'un groupe de taille mondiale.
"Sous l'impulsion de Frank Riboud, nous avons transformé ce programme de bonus pour le mettre en parfaite cohérence avec notre double projet économique et sociétal", indique Muriel Pénicaud. Désormais, le bonus dépendra de trois grands facteurs : l'économique, le management et le sociétal. Chacun impactera de manière identique le bonus de ces 900 dirigeants.
La phase technique est ensuite engagée. La plus sensible. Le diable se niche toujours dans les détails les plus triviaux, des critères vagues ou flous n'incitant personne à modifier son approche du business. Les études techniques ne modifient pas les critères financiers. La progression de la croissance de l'unité dirigée, la rentabilité ou le cash généré pèseront pour un tiers dans la définition du bonus. Les critères managériaux, modification d'une organisation, lancement d'un grand projet, ne changement pas et pèsent toujours pour un tiers. "Très individualisés, ils sont définis entre le dirigeant et son responsable hiérarchique, en toute transparence avec la direction des ressources humaines", explique Florence Saliba.
Les équipes RH (ressources humaines) précisent ensuite les critères "sociétaux". Ce qui pourrait sembler d'une complexité sans nom et d'un flou identique est en fait résolu très simplement en classant une série d'indicateurs en deux catégories : l'environnement et les hommes. Au premier chapitre, les dirigeants seront évaluée sur la réduction de la quantité de CO2 émis par l'activité dont ils sont responsables et de la consommation d'eau. Au chapitre "hommes", ces mêmes dirigeants voient une partie de leur bonus indexé sur le taux d'accident de travail et sur l'augmentation du nombre d'heures de formation.
Très déstabilisant pour ces hauts dirigeants habitués à n'être jugé que sur des critères financiers, ce changement a été instillé peu à peu auprès d'eux en même temps que les spécialistes des rémunération du groupe finalisait le projet. "Ce dispositif est à son démarrage et bien sûr sera amené à évoluer avec l'expérience, remarque Muriel Penicaud, DGRH du groupe. Il faut l'expliquer, le nourrir, le faire vivre. Ce dispositif comme l'ensemble des projets RH s'inscrit pleinement dans la stratégie du Groupe".
La Tribune.fr - 04/04/08
Pascal Junghans
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