Leclerc, Carrefour, Intermarché… les grandes surfaces s'intéressent de près aux produits des agriculteurs des pays pauvres. 2,4 milliards d'euros le chiffre d'affaires du commerce équitable dans le monde.
Achetez-en deux et la seconde est à moitié prix. La tablette de chocolat noir 70 % de cacao « équitable » Ivoria, marque d'Intermarché, sera à prix cassé en mai. Elle vaut environ 1,20 euro d'ordinaire. Les Mousquetaires veulent marquer le coup à l'occasion de la Quinzaine du commerce équitable qui a démarré hier. Ils ont même prévu une campagne de pub à la télé. «Baisser les prix, assure Fabienne Alabret, directrice marketing des marques propres chez Intermarché, c'est la seule façon de rendre le commerce équitable accessible au plus grand nombre.» Les centres Leclerc s'y mettent eux aussi avec leur marque Entr'aide. Catherine Gomy, directrice qualité et développement durable chez Leclerc, n'a pas d'hésitation. «Plus les produits de commerce équitable seront achetés en France, dit-elle, plus les petits producteurs pourront profiter du système.»
L'an dernier, les produits équitables ont représenté un chiffre d'affaires de 210 millions d'euros, soit dix fois plus qu'en 2002. Mais c'est encore une goutte d'eau pour la grande distribution qui réalise pourtant 70 % des ventes. Ils ne représentent que 0,2 % du chiffre d'affaires des centres Leclerc dans les produits de grande consommation et de produits frais.
«Nous reproduisons avec le commerce équitable la démarche que nous avons engagée sur le bio et les produits écologiques avec la volonté de les rendre accessibles auprès du grand public, estime Sandrine Mercier, directrice du développement durable chez Carrefour. Cela s'inscrit dans notre politique de marques.» Les grandes surfaces en restent pour l'instant à des produits simples alors les PME pionnières cultivent des produits plus complexes.
Ethiquable vient de lancer une tablette de chocolat au lait sésame-gingembre. Pour fêter ses 10 ans, Alter Eco innove avec un chocolat noir 100 % bio et équitable : les émissions de CO2 qu'occasionne sa fabrication et son transport sont compensées par des plantations d'arbres en Amazonie péruvienne.
Fabrication classique
«Le commerce équitable, c'est d'abord du commerce, souligne Catherine Gomy chez Leclerc. On paie plus cher la matière première mais, pour nous, la marge est la même. C'est le consommateur qui paie la différence.» Chez Carrefour aussi, Sandrine Mercier rappelle que « le consommateur fait un geste de solidarité vis-à-vis des petits producteurs. Carrefour maintient son niveau de marges. » Côté fabrication, la méthode ne change pas. Alter Eco fournit du jus d'orange à Carrefour et Auchan. Malongo pour sa part est derrière le café équitable du Mexique de Carrefour. Sinon, le processus de fabrication est classique. «Nous faisons notre boulot avec nos fournisseurs habituels, précise Yves Barbier, directeur de la Scamark, centrale d'achat de Leclerc. Ce qui change, c'est l'origine de la matière première qui vient de coopératives du Sud que nous ne connaissons pas nécessairement.»Tristan Lecomte, fondateur d'Alter Eco, le déplore. «Faire du commerce équitable sans même connaître le producteur, c'est une dérive», dit-il. «Nous sommes plus puristes que la grande distribution, reconnaît Christophe Eberhart, cofondateur d'Ethiquable. Mais les grandes surfaces, avec leurs marques, contribuent à développer le marché. C'est une bonne chose.»
Une bonne chose qui conduit ces PME à être traitées comme n'importe quel fournisseur de la grande distribution. «Cet été, un distributeur a déréférencé une quinzaine de nos produits, confie Tristan Lecomte. Il refusait nos hausses de tarifs. Pour nous, c'était près de 20 % de chiffre d'affaires en moins d'un coup. Heureusement, nous sommes parvenus à un accord en leur proposant d'autres références.»
Mathilde Visseyrias
25/04/2008 | Mise à jour : 20:05 |
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