Le développement durable est-il un réel changement de paradigme ou un simple effet d’annonce ? Selon une étude d'Accenture réalisée auprès de grands groupes français, 82% d'entre eux considèrent que le développement durable est un facteur de différenciation. Les entreprises ont intégré le développement durable comme un facteur de création de valeur en réduisant les coûts par une utilisation plus efficace des ressources, et surtout en développant de nouveaux produits et services. 60% y voient une opportunité de création de valeur et de développement d'activité. Le débat entre éthique et profit est donc largement obsolète.
JCDecaux est un exemple frappant. «Avec Vélib', l'entreprise a pu capter de nouveaux marchés, auprès de nouvelles municipalités, explique Sophie Goldblum, directeur France de l'offre de services développement durable. Elle peut présenter une offre globale et séduire des villes aussi différentes que Marseille, Séville ou Bruxelles.»
Parmi les principales motivations citées par l'enquête d'Accenture, la première est l'attente des clients (citée par 42% des entreprises), qui seraient de plus en plus sensibles aux arguments «écologiques». Ensuite, le développement durable est considéré comme un facteur d'innovation, que ce soit pour de nouveaux produits ou de nouveaux services.
Enfin, il apparaît aussi comme un facteur de réduction des coûts. Par exemple, La Poste , qui est en train de constituer une flotte de voitures électriques, a décidé d'organiser des cours pour les postiers afin qu'ils adoptent une conduite automobile plus douce. La note de carburant pourrait diminuer de 20%.
Pour souligner l'effort de développement durable, 83% des entreprises interrogées ont mis en place une organisation spécifique. Mais, selon l'enquête d'Accenture, une société sur trois seulement a créé une cellule ad hoc, rattachée le plus souvent à la direction générale. L'enquête d'Accenture montre aussi que 5% des entreprises ont du mal, car elles considèrent le développement durable comme une menace.
Aujourd’hui encore, la communication des entreprises traite du développement durable sous l’angle quasi exclusif de la responsabilité éthique ou de la mise en conformité réglementaire. Presque jamais dans une perspective de métier, de marché ou de valorisation financière.
Le développement durable, changement de paradigme ou effet d’annonce ?
Pour le savoir, Accenture a mené une étude exclusive auprès des dirigeants des cent premières entreprises françaises. Les résultats sont éclairants, voire surprenants. Si les contraintes éthiques et réglementaires existent, le développement durable est déjà une réalité industrielle et économique.
Les entreprises ont intégré le développement durable comme un facteur de création de valeur en réduisant les coûts par une utilisation plus efficace des ressources, et surtout en développant de nouveaux produits et services. Dans le cas du développement durable, le débat entre éthique et profit est largement obsolète.
Ce qui compte désormais, c’est de tirer parti d’une tendance de fond qui va, dans ses trois dimensions environnementale, sociale et sociétale, redéfinir non seulement les process et aussi les modèles économiques des entreprises.
Le développement durable est une tendance de fond
Une majorité d’entreprises anticipe une pression croissante des clients et des investisseurs en faveur du développement durable. 86 % des sondés constatent que leurs clients sont déjà demandeurs de produits ou de services respectueux des principes du développement durable et 94 % s’attendent à ce que, dans les trois ans à venir, la communauté financière intègre leurs initiatives de développement durable dans l’évaluation des entreprises (43% aujourd’hui).
Le développement durable constitue un facteur de différenciation et une opportunité de création de valeur
59 % des entreprises interrogées perçoivent le développement durable comme une opportunité, alors qu’elles ne sont que 5% à y voir une menace. 82 % d’entre elles le considèrent comme un facteur de différenciation.
Pour le Groupe JC Decaux, le succès immédiat de Vélo’v à Lyon a permis de se positionner en partenaire de référence des municipalités pour la mise en œuvre d’une solution de mobilité efficace, écologique, agréable, constituant une véritable offre complémentaire de transport urbain. Des opportunités importantes se sont dès lors présentées à Paris, dans une dizaine de ville en France mais aussi à Séville ou à Bruxelles. Le développement durable devient alors un critère clé de différenciation.
Certes, la mise en conformité réglementaire reste le premier moteur des actions de développement durable pour 68 % des répondants, et le choix d’un comportement éthique dans les affaires vient en troisième position (48 %).
Mais les entreprises sont largement mues par des objectifs économiques et financiers : réduction des coûts de consommation de matières premières (56 %), création de nouveaux produits et services (43 %), réponse aux attentes des clients (42 %) et différenciation par l’innovation (38 %).
Ces résultats sont cohérents avec l’une des conclusions les plus remarquables de cette enquête : 70 % des entreprises déclarent que leurs initiatives de développement durable sont souvent, ou le plus souvent, créatrices de valeur financière.
Le développement durable touche le cœur des métiers
La France a aujourd’hui une approche dynamique du développement durable comme levier de croissance : selon les sondés, 63% des initiatives touchent le cœur de métier, dont 28 % les nouveaux produits et services et 35 % l’éco-conception, l’emballage et l’étiquetage.
Ainsi Carrefour a intégré le développement dans son offre dès 1992 avec son premier produit « Engagement Qualité ». Ces filières encadrent strictement les modes de production des filières agricoles et animales. Quinze ans plus tard, Carrefour compte 688 filières de part le monde et les produits « Engagements Qualité » ont des taux de croissance généralement bien supérieurs au taux de croissance de la catégorie. Certaines filières peuvent représenter jusqu’à 90% des ventes (ex : le bœuf en Belgique). Cette tendance est générale, en Europe comme en Turquie, en Chine ou encore en Malaisie.
Quelle feuille de route pour les entreprises françaises ?
La prise en compte du développement durable engage donc une dynamique positive de création de valeur financière à travers le renouvellement des modèles économiques. Même si les pionniers bénéficient d’une longueur d’avance, la conserver face à l’imitation des concurrents et face à la normalisation réglementaire « obligeant » toutes les offres à s’aligner s’avère plus complexe. Enfin, cette démarche suppose la capacité à déployer des indicateurs environnementaux et sociaux, à automatiser le reporting et à créer des liens entre ces indicateurs et la réalité économique de l'entreprise. De cette façon, l'entreprise peut mesurer le retour sur investissement des initiatives autour du Développement durable et en traduire les exigences dans le langage de performance auquel les directions opérationnelles sont habituées.
Par Sophie Goldblum, Directeur France de l’offre de services Développement Durable d’Accenture et Sybille Berjoan, Responsable Accenture Research en charge du projet Développement Durable