Fin 2009, la France verra son premier parc éolien offshore. Avant l'ouverture et la production, Enertrag France a dû surmonter un nombre d'obstacles administratifs parfois ubuesques. Le premier parc éolien offshore français est sur de bons rails. Trois ans après avoir remporté l'appel d'offres lancé par le ministère de l'Industrie, Enertrag voit se concrétiser le projet du premier parc éolien offshore français au large de Veulettes-sur-Mer, près de Fécamp. Une fois achevé, courant 2009, les 21 éoliennes Multibrid de 5 mégawatts, dont la plus proche sera située à 7 kilomètres des côtes, produiront 330 millions de kilowattheures par an. Mais avant d'en arriver là, la filiale de l'opérateur allemand Enertrag, la Ceca, a du surmonter de nombreuses épreuves.
Le caractère inédit de ce parc a transformé ce chantier en un véritable parcours du combattant pour Phillipe Gouverneur, directeur d'Enertrag France. « Comme toutes les premières, ce type de projet suscite beaucoup de questions d'un point de vue juridique et administratif.
Pour arriver à déterminer qui allait faire quoi et comment parmi les différents services, nous avons mis six mois.
Avec les différentes parties prenantes, nous avons dû résoudre beaucoup de problèmes administratifs qui ne s'étaient jamais posés.
Au final, chaque service, et il y en a beaucoup (sous-Préfecture, DDE, Affaires Maritimes, DRIRE, DIREN, Préfecture Maritime, DRAM...), a joué le jeu, chacun apportant des réponses avec sa sensibilité », mais souvent aussi, de nouvelles questions.
Taxes, une première en mer
Ainsi pour commencer les travaux, Enertrag doit obtenir un permis de construire auprès de la mairie de Veulettes-sur-Mer ! Une première, « que je sache aucune plate-forme pétrolière n'a jamais eu besoin d'un tel permis... de plus si la dernière parcelle littoral s'étend jusqu'à 12 miles nautiques, on se trouve en zone inconstructible selon les règles d'urbanisme, relève Philippe Gouverneur. Un casse-tête juridique et administratif qui s'ajoute aux 7 motifs d'enquêtes publiques menées parallèlement et enfin abouties.
Autre motif d'étonnement, le 23 avril, un arrêté est paru au journal officiel fixant le montant de la redevance sur le domaine maritime, 455 000 euros. Une autre première. Mais contre vents et marées, Philippe Gouverneur reste optimiste : « quand on progresse dans une forêt vierge, chaque pas réalisé ouvre de nouveaux territoires et s'apparente à une victoire. Nous ouvrons le chemin pour les prochains chantiers et je ne doute pas que nous arrivions à terme à un consensus interministériel sur les questions restant en suspens. »
A cette redevance domaniale s'en ajoute une autre, un « succédané » de taxe professionnelle : 12 000 euros par mégawatt installé, soit 1 260 000 € au total. Cette taxe, après les 8 % de prélèvement fiscal, sera répartie entres les ports de pêche et de plaisance et les communes impactées visuellement.
Du côté des pêcheurs, le comité national de la pêche estime que l'impact est négatif, « ce qui reste à prouver », clame Philippe Gouverneur, « autant il est vrai que les pêcheurs perdent une zone de chalut, autant certains métiers de la pêche peuvent y trouver leur compte grâce à l'effet récifal. Par ailleurs, pour la plaisance, le tourisme industriel est à la mode. Naviguer autour des éoliennes peut être une vraie motivation. »
L'offshore pétrolier comme inspiration technique
Une fois le chantier achevé, la capacité produite en 33 kV sera livrée à Veulettes, au poste de livraison et transformation - fabriqué par Areva. « La ligne de transport entre Veulettes et Fécamp, pour un coût proche de 10 millions d'euros, a également été financée par la CECA, et non pas par RTE comme nous l'avons parfois vu écrit. Nous raccordons ainsi au réseau de distribution publique, faute d'autorisation pour opérer une ligne privée », détaille Philippe Gouverneur.
Sur un plan technique, les raccordements de la mer à la terre jusqu'à Fécamp seront enterrés à 1,40 m sous terre et 1,20 m sous la mer. Les éoliennes seront fixées sur des tripodes métalliques en lieu et place de pilier de béton. Pour l'expertise, Enertrag avoue s'être largement inspiré des techniques utilisées par les plateformes pétrolières.
Les travaux terrestres devraient commencer fin 2008 et le maritime l'année prochaine. Selon les disponibilités des ressources techniques et humaines d'Enertrag, pour l'heure affectées au projet éolien Alpha Ventus, proche de l'ile de Borkum (Allemagne), et des conditions météo.
Une bonne nouvelle toutefois pour Philippe Gouverneur, « nous avons calculé très sérieusement le coût de démantèlement. Si le coût de l'acier ne prend ne serait-ce que 15 % en vingt ans, la durée de vie prévue des matériels, nous aurons un solde bénéficiaire. » Un tripode pèse en effet 800 tonnes auxquelles s'ajoutent 800 tonnes pour un mât. Aujourd'hui, la société négocie la tonne à 300 euros. Le chantier coûtera, sauf nouveaux imprévus, 270 millions d'euros.
Fabrice Frossard
@ Rédaction L'Usine Nouvelle