Jean Ziegler, le rapporteur spécial des Nations Unies pour le droit à l’alimentation, s’est inquiété d’« une hécatombe » à venir, dans un entretien à Libération paru lundi. Aussi des voix se sont élevées pour réclamer un changement de politique agricole. Dans la communauté internationale, les voix se multiplient pour réclamer un changement de politique agricole. La Banque mondiale a décidé de mesures d'urgence.
Sur les ondes d’une radio allemande, Jean Ziegler s’en est pris très durement à la fabrication des biocarburants, l’assimilant à « un crime contre l’humanité ». Car le boom de « l’or vert » que constituent les agro-carburants est en partie responsable de la flambée des cours.
L’auteur de L’empire de la honte, par ailleurs sociologue, a également appelé le FMI à changer sa politique de subventions agricoles et à cesser de soutenir exclusivement des projets visant la réduction des dettes des pays pauvres. Et donc tournés vers les exportations. L’agriculture, estime-t-il, doit être subventionnée dans des secteurs où elle assure la survie des populations.
Le rapporteur spécial de l’ONU a également critiqué l’Union européenne, pour sa politique de subventions, l’accusant de dumping agricole en Afrique.
Un changement de politique, c’est également ce que réclame un rapport qui doit être rendu mardi sur l’état de l’agriculture dans le monde. Il est parrainé par cinq agences de l’ONU, dont l’Unesco. Selon ses auteurs, mandatés lors du sommet de Johannesburg, il y a trois ans, « le statu quo n’est plus une option ».
Ils préconisent que les sciences agricoles « prennent d’avantage en compte la protection des ressources naturelles et les pratiques dites agro-écologiques » : utilisation d’engrais naturels, de semences traditionnelles et une plus grande « proximité entre la production des matières agricoles et les consommateurs auxquels elles sont destinées ». Autrement dit, moins d’intermédiaires.
Pour l’heure, la Banque mondiale, a opté pour des mesures d’urgence. Tout particulièrement en Haïti ou un policier de l’ONU a été tué lundi. Sur l’île, où 80% de la population vit avec moins de 2 dollars par jour, « le prix du riz, du maïs, des haricots, de l'huile de cuisson et d'autres denrées alimentaires de base ont augmenté significativement ces derniers mois », constate la Banque. Le prix d'un sac de 50 kilos de riz, l'aliment de base en Haïti, a en effet doublé pour atteindre 70 dollars.
La Banque mondiale (BM) a donc décidé d’octroyer 10 millions de dollars afin de permettre au gouvernement d’augmenter rapidement les programmes de minima sociaux. « Y compris les repas dans les écoles », explique Yvonne Tsikata, directrice de la région Caraïbes à la BM.
L’institution financière compte également dépêcher des experts afin d’aider les autorités haïtiennes.
Auparavant, dimanche, la Banque mondiale avait appelé les gouvernements des pays membres à intervenir. « Sur la base d’une analyse sommaire, nous estimons que le doublement des prix alimentaires au cours des trois dernières années pourrait pousser plus profondément dans la misère 100 millions d’individus vivant dans les pays pauvres », a fait valoir son président Robert Zoellick.
Selon l’institution financière, l’ensemble des prix alimentaires mondiaux a bondi de 83% au cours des trois dernières années. Les seuls cours du blé se sont envolés de 181%.
Les contributeurs ont discuté du plan de lutte contre la malnutrition lancé au début du mois. Selon Robert Zoellick, le Programme alimentaire mondial (PAM) a déjà reçu plus de la moitié des 500 millions de dollars de contribution demandés à la communauté internationale avant le 1er mai. « Ce n’est pas assez. Il demeure urgent que les gouvernements interviennent », a jugé Robert Zoellick.
La Maison Blanche a indiqué que les Etats-Unis délivreraient sous peu des mesures d’aide d’urgence.