Délaissant le soutien au développement, l’enveloppe de l’aide alimentaire de la France sera portée à 60 millions d’euros « dès cette année », a annoncé Nicolas Sarkozy. L’aide publique au développement (APD), est en chute libre depuis son arrivée au pouvoir. Pour la première fois depuis 2001, l’aide française a baissé en 2007, de 15 %, soit 0,39 % du revenu national brut, rompant avec les promesses de Chirac. La France arrive au 18ème rang des contributeurs du Programme alimentaire mondial (PAM) en 2008, avec 5,5 millions de dollars reçus au 13 avril 2008. Vendredi, le PAM avait revu à la hausse (de 500 à 750 millions de dollars) ses besoins pour faire face aux «émeutes de la faim». Des promesses qui ne mangent pas de pain.
Le chef de l’Etat s’adressait aux représentants des 16 principales économies de la planète, réunis à Paris à l’occasion du troisième sommet « MEM » (« Major economies meeting »). Autrement dit les principaux pollueurs, qui cumulent 80% des émissions de gaz à effet de serre.
Nicolas Sarkozy a appelé à la mobilisation, non seulement contre l’urgence climatique, mais aussi contre la crise alimentaire.
La crise « appelle des réponses immédiates », et une « stratégie ambitieuse d'aide pour l'agriculture », a-t estimé le président français. Il a évoqué un « partenariat mondial pour l'alimentation et l'agriculture » pour renforcer la coordination des grands acteurs internationaux, publics, privés et non gouvernementaux.
Selon l'OCDE, l'aide des pays riches aux pays en développement a cependant diminué de 8,4% en dollars constants entre 2006 et 2007, dont 15% pour la France (près de 30% pour le Japon ou le Royaume Uni).
Sur le plan climatique Nicolas Sarkozy a exhorté ses hôtes du jour à parvenir à un accord universel contre le réchauffement.
A l'instar de l'ancien patron de l'ONU Kofi Annan, qui prévenait dès 2006 que le réchauffement posait « une menace à la paix et à la sécurité », le chef de l’Etat a jugé que « si nous continuons dans cette direction, la crise du Darfour ne sera qu'une crise parmi des dizaines d'autres ».
Le groupe international d'experts sur le climat (GIEC) estime que jusqu'à 3,2 milliards d'humains seront exposés à des pénuries d'eau sévère et 600 millions à la faim en raison des sécheresses et de la dégradation des sols d'ici 2080.
Pour prendre «sans attendre» la «mesure» des «drames» de la faim qui se développent sur la planète, la France va doubler son aide alimentaire et la porter à 63 millions d’euros. Yeux rivés sur son discours, Nicolas Sarkozy, lors d’un sommet climatique des 16 pays les plus pollueurs, a usé du registre compassionnel. A l’image d’un George W. Bush qui vient d’allouer 200 millions de dollars à la lutte contre la flambée des denrées de base…
«Y a-t-il un seul parmi nous qui peut rester indifférent à la révolte de ceux qui, au Sud, ne peuvent plus manger à leur faim ?» s’est interrogé le chef de l’Etat français. Salutaire prise de conscience ? Il reste de la marge. Car «la France n’est pas, c’est le moins que l’on puisse dire, un gros donateur d’aide alimentaire, confie à Libération Christiane Berthiaume, porte-parole du Programme alimentaire mondial (PAM). Elle arrive au 18e rang des contributeurs en 2008, avec 5,5 millions de dollars reçus au 13 avril 2008.» Une paille alors que, vendredi, le PAM a revu à la hausse (de 500 à 750 millions de dollars) ses besoins pour faire face aux «émeutes de la faim».
Dire, comme Sarkozy, que face à «l’urgence, […] lutte contre la pauvreté et lutte contre le changement climatique doivent se renforcer l’une l’autre», l’expose à un rappel douloureux.
Le premier instrument de la lutte contre la pauvreté, l’aide publique au développement (APD), est en chute libre depuis son arrivée au pouvoir. Pour la première fois depuis 2001, l’aide française a baissé en 2007, de 15 %, soit 0,39 % du revenu national brut, rompant avec les promesses de Chirac.
Et quand on soustrait les 2,3 milliards de dollars (1,4 milliard d’euros) alloués aux frais de scolarité des étudiants étrangers, à l’outre-mer, et à «l’accueil» des réfugiés, que reste-t-il pour l’aide réelle ? «Pas grand-chose, reconnaît un diplomate. On dépense près de dix fois plus en aide pour le changement climatique dans les pays émergents que sur l’aide à la petite agriculture des plus pauvres.»
Nicolas Sarkozy peut jurer que la France y consacre «750 millions de dollars», il oublie qu’il s’agit de prêts. Comme les 100 millions de dollars à l’Afrique du Sud pour une ferme éolienne.
«L’hypocrisie est totale, note Sébastien Fourmy, d’Oxfam France. D’un côté, Sarkozy parle de solidarité nécessaire et de souveraineté alimentaire. De l’autre, il vante la vocation exportatrice de l’agroalimentaire, qui, à coups de subventions à l’exportation ou d’accords de libre-échange, lamine les petits fermiers africains.»
Parole. Les appels de Sarkozy, hier, à «une stratégie ambitieuse d’aide à l’agriculture» envers les plus démunis, se heurtent à des contradictions. Reste le ministère de la parole. «Ceux qui me diraient que cela ne nous concerne pas, je me poserais des questions sur leur conscience», a dit le chef de l’Etat. Appelant à un «partenariat mondial pour l’alimentation et l’agriculture». Ce qui ne mange pas de pain.