Mis au point à l'Institut Lavoisier, à Versailles, le MIL-101 peut stocker 400 fois son volume de dioxyde de carbone, un gaz à effet de serre. Le MIL-101, poreux à l'extrême, peut stocker deux fois plus de dioxyde de carbone que les produits actuellement sur le marché, donc lutter plus efficacement contre le réchauffement climatique. Par Marc Mennessier http://www.lefigaro.fr/sciences/2008/05/10/01008-20080510ARTFIG00008-une-eponge-chimique-pour-pieger-le-co-.php
Il y a quelques jours, le chimiste Gérard Férey, qui dirige ces travaux prometteurs à l'Institut Lavoisier, a expliqué en détail, devant l'Académie des sciences, à Paris, le mode de fonctionnement de cette fascinante «éponge à CO2».
À l'instar de tous les représentants de la nouvelle famille des «solides hybrides», découverte à la fin des années 1990, le MIL-101 est composé de parties organiques et inorganiques reliées entre elles par des liaisons fortes. L'ensemble forme un squelette qui abrite des cavités de très grande dimension (à cette échelle bien sûr), de l'ordre de 3,5 nanomètres (1) contre 2,2 nanomètres pour les matériaux actuels, sur les parois desquels les molécules de CO2 viennent se fixer par adsorption.
Sept à dix ans d'attente avant la mise sur le marché
Cette poudre qui à l'avantage d'être dénuée de toute toxicité pourrait notamment servir de filtre pour réduire les émissions polluantes des véhicules, qu'il s'agisse du CO2 ou des oxydes d'azote (NOx), également présents dans les gaz d'échappement. «Si des industriels décident de se saisir de ces technologies ils sont les bienvenus, mais il y a encore un gros travail de génie chimique à réaliser», souligne Gérard Férey, qui estime de sept à dix ans le délai nécessaire avant une mise sur le marché.
La firme chimique allemande BASF commercialise déjà, sous la marque Basolite, un autre solide hybride mis au point par l'Institut Lavoisier, le MIL-53, en vue de stocker des gaz et notamment de l'hydrogène.
«Les résultats obtenus dans ce domaine sont supérieurs aux recommandations du Département américain de l'énergie avec un taux d'incorporation d'hydrogène de 8 % en poids mais à une température très basse de - 196 °C très coûteuse à obtenir. L'objectif est d'arriver aux mêmes performances en remontant autour de - 120 °C», poursuit Gérard Férey.
D'un point de vue plus fondamental, les travaux de son équipe, à paraître sur le site Internet de la revue scientifique Langmuir, ont permis d'«élucider les mécanismes de formation des solides hybrides» et donc «de prédire les arrangements atomiques à l'intérieur du squelette».
Ce qui laisse entrevoir la possibilité de fabriquer ces matériaux «sur mesure pour des applications ciblées» aussi bien dans le domaine de l'énergie et du développement durable que de la santé (voir encadré ci-contre). «La chimie, si décriée par le passé, commence à se révéler incontournable pour faire face aux problèmes sociétaux actuels et y apporter des solutions», conclut Gérard Férey.
(1) Un nanomètre = 1 milliardième de mètre