L'institution estime dans un rapport appelé à faire autorité en France, que la hausse du CO2, liée aux activités humaines, est la cause principale du réchauffement. Claude Allègre parle de «compromis».
L'Académie des sciences a tranché. Dans un rapport de treize pages remis jeudi matin à la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, l'institution conclut que « l'augmentation de CO2 et, à un moindre degré, des autres gaz à effet de serre, est incontestablement due à l'activité humaine ». Un désaveu pour tous les climato-sceptiques particulièrement virulents en France. Saisie au printemps par 600 chercheurs français travaillant dans le domaine du climat, Valérie Pécresse avait chargé l'Académie d'organiser une confrontation entre les climatologues et leurs opposants et d'en tirer des conclusions. Ce qu'elle a fait, à huis clos, le 20 septembre dernier.
Les 600 chercheurs qui avaient interpellé la ministre désiraient en finir avec « les accusations mensongères lancées à l'encontre » de leur communauté. Ils pointaient notamment du doigt « les affirmations péremptoires » de l'ancien ministre Claude Allègre et du directeur de l'Institut de physique du globe de Paris, Vincent Courtillot, qui avaient crié à l'« imposture climatique » (titre de l'ouvrage du premier paru ce printemps) et pointé les erreurs du Giec (Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat), reconnues et minimisées depuis par le groupe d'experts, afin de mettre en doute la pertinence des travaux scientifiques internationaux sur le sujet. Dans ce brûlot d'une rare violence, Claude Allègre avait notamment accusé les climatologues d'avoir « cadenassé les revues scientifiques » à l'aide d'un « système mafieux et totalitaire » pour imposer leurs vues.
Partagée entre le dédain (ne pas faire plus de publicité à ces thèses qu'elles n'en méritent) et l'envie d'en découdre, la communauté scientifique avait finalement opté pour une riposte officielle. « Ces documents, publiés sous couvert d'expertise scientifique, ne sont pas relus par les pairs, et échappent de ce fait aux vertus du débat contradictoire », avaient écrit les climatologues, réclamant à leur ministre l'organisation d'une confrontation « sereine et approfondie ».
Quarante-deux orateurs, disposant de sept minutes et cinq diapos chacun pour s'exprimer, se sont donc succédé sous la coupole le 20 septembre, afin d'exposer l'état des connaissances et des incertitudes sur le réchauffement climatique. Le débat était ouvert à l'ensemble des disciplines : climatologie mais aussi mathématiques, physique, mécanique, sciences de l'univers, chimie, biologie et sciences médicales. Conclusion des experts : « Le réchauffement de la planète s'est bien accéléré entre 1975 et 2003 et la cause en est l'augmentation de la concentration du CO2 dans l'atmosphère », résume Jean-Loup Pugel, le rapporteur. Consensus supplémentaire : le cycle solaire peut avoir joué un rôle dans le réchauffement observé, mais si tel est le cas (les mécanismes restant à prouver), il n'a pu être que mineur, contrairement à ce que défendent les climato-sceptiques.
« Ce document réaffirme clairement les grandes conclusions du Giec », se félicite le climatologue Jean Jouzel, qui le copréside. « Il doit constituer le point de départ d'une réflexion nationale pour rétablir la confiance entre les scientifiques et la société, et donner une nouvelle dynamique au Grenelle de l'environnement. »
Valérie Pécresse a promis hier des moyens : « Les investissements d'avenir sont une opportunité majeure pour renforcer la recherche sur le changement climatique, et ce rapport sera un outil de pilotage de nos choix de financement. » Des incertitudes demeurent en effet sur la compréhension des mécanismes complexes du climat, notamment sur l'effet des glaces polaires et de la réflexion nuageuse sur le réchauffement. « C'est précisément ce que je dis, a insisté jeudi Claude Allègre qui a malgré tout signé le rapport de l'Académie, qualifié de « compromis ». Il y a de grandes incertitudes sur l'avenir du climat et le rôle exact du CO2 et du soleil n'est pas démontré », a-t-il souligné. La polémique ne fait peut-être que rebondir.