Vincent Renauld : "Et si l’écoquartier était une utopie..."
Le Point : Quel mode de vie les écoquartiers attendent-ils de la part des futurs habitants ?
Vincent Renauld : Il s'agit d'abord d'une nouvelle façon d'habiter, car les bâtiments performants énergétiquement supposent des comportements bien spécifiques de la part des futurs usagers. Dans les logements, le type de ventilation (double flux) fonctionne uniquement si l'on n'ouvre ses fenêtres que très rarement, pas plus de quelques minutes en hiver et en demi-saison. C'est donc tout le rapport à la rue qui se trouve modifié. De plus, avec l'isolation par l'extérieur, le recours aux radiateurs diminue. Il s'agit, en se passant de cette source de chaleur, d'accepter 19 °C comme température de confort. Ce changement de comportement est encadré par des séances pédagogiques et la remise d'un "guide de bonnes pratiques" à l'arrivée des habitants. Au nom du développement durable, l'habitant se doit ainsi de préférer la douche au bain ou encore de choisir tel type d'électroménager. À l'échelle du bâtiment, on remarque la présence de balcons en vis-à-vis ou de terrasses sur les passerelles collectives. A l'image des cultures nordiques des premiers écoquartiers, plus favorables au contrôle social, ce sont alors les frontières de l'espace privé qui se trouvent déplacées.
Les usagers font-ils de la résistance ?
Les premiers retours sont essentiellement à l'échelle du bâtiment et montrent des résistances culturelles et sociales importantes de la part des habitants. L'ouverture des fenêtres reste très ancrée dans l'usage quotidien et la culture latine, pour faire entrer le soleil, entendre les bruits de la ville, discuter, s'accouder, sans oublier l'imaginaire social comme l'évacuation symbolique des miasmes au réveil. Le besoin d'aération ressenti par les usagers s'oppose alors à la ventilation technique du bâtiment. Les habitants des écoquartiers reconstituent aussi les frontières de leur espace privé et installent des canisses, plantes ou voilages sur les balcons au vis-à-vis menaçant, afin de se protéger du regard des autres. D'autres abandonnent leur terrasse au profit du stockage ou encore d'un espace purement décoratif. La distance constatée entre les attentes sur les comportements et la réalité des habitudes, culturelles ou sociales, renvoie historiquement les écoquartiers aux utopies urbaines et questionne ainsi leur pérennité.