Le Parlement a adopté mercredi soir le projet de loi sur la nouvelle organisation du marché de l'électricité. Beaucoup de questions déterminantes restent en suspens.
Le Parlement a définitivement adopté dans la nuit de mercredi à jeudi la loi sur la nouvelle organisation du marché de l'électricité (Nome) lors d'un dernier vote en seconde lecture à l'Assemblée nationale. La balle est maintenant dans le camp du gouvernement pour décider des conditions d'application de cette réforme, présentée par EDF comme « la plus importante pour le secteur depuis 1946 ».
Qu'est-ce qui va changer ?
EDF va devoir céder jusqu'à 100 térawattheures par an, soit le quart de sa production nucléaire, à ses concurrents (GDF Suez, Poweo…). Ces derniers ne disposent pas de moyens de production nucléaire en propre. Et, dans l'immédiat, l'Etat n'a pas l'intention de confier la gestion de centrales atomiques à d'autres groupes qu'EDF. Pour contourner cet écueil, Paul Champsaur, l'auteur du rapport qui a donné naissance à la réforme, a proposé de faire comme dans les télécommunications et d'imposer à l'opérateur historique un partage de ses infrastructures.
A quel prix EDF va-t-il céder son électricité ?
C'est toute la question, que le Parlement a accepté d'ignorer pour voter cette loi. « Les députés font un chèque en blanc », regrette un professionnel. En effet, l'impact de la loi dépend totalement du prix auquel EDF vendra son énergie nucléaire à ses concurrents. Son PDG, Henri Proglio, revendique un prix de 42 euros par mégawattheure. Il estime que, en dessous, EDF perdrait de l'argent et se ferait « piller ». Ses concurrents, comme Direct Energie, estiment au contraire que le prix de gros du nucléaire devra être cohérent avec le prix de la part du nucléaire que facture EDF dans les tarifs réglementés de vente, soit 35 euros par mégawattheure, sans quoi ce sont eux qui continueront à perdre de l'argent. La Commission de régulation de l'énergie (CRE) estime le juste prix autour de 37 euros. Le gouvernement veut trancher cette question délicate par décret, début 2011. La Commission européenne veille au grain : elle ne lèvera les procédures d'aides d'Etat contre la France que si la loi répond à ses attentes en matière d'ouverture du marché.
Quel impact sur les tarifs ?
Officiellement, la loi n'aura pas de conséquence sur les tarifs. Mais, selon UFC-Que Choisir, « comme les tarifs réglementés à destination des particuliers seront fonction du prix consenti par EDF à ses concurrents, ce texte va mécaniquement les faire exploser ». L'augmentation de la facture d'électricité sera, selon le niveau retenu, de 7 % à 11 % dès la mise en place de la loi et de 21 % à 28 % d'ici à 2015, estiment l'association de consommateurs ainsi que la CRE.
Quelle régulation ?
C'est une question clef. La loi prévoit que le régulateur décide à terme du niveau du prix de gros du nucléaire, même si, dans un premier temps, c'est le gouvernement qui s'en chargera. La réforme prévoit également que l'Etat renouvelle le collège de la CRE, sachant que l'actuel président, Philippe de Ladoucette, pourrait aussi se succéder à lui-même. Le lobbying pour cette nomination bat son plein.
Thibaut Madelin