Dans un contexte économique où le gouvernement souhaite réduire drastiquement le déficit public, la loi de Finances 2011 votée par l’Assemblée nationale a confirmé l’important "coup de rabot" qui pesait sur le financement de l’innovation. Dans ce sens, la première niche fiscale, représentée en 2009 par le Crédit Impôt Recherche (CIR), ne pouvait y échapper ! Le statut de Jeune Entreprise Innovante (JEI) non plus… Thomas Gross et Charles-Edouard de Cazalet, co-fondateurs du cabinet de conseil en financement public pour l’innovation Sogedev, décryptent ces réformes et leur impact sur les entreprises innovantes.
Vers un CIR plus restrictif ? Sogedev revient sur les principaux aménagements :
Un CIR moins avantageux pour les primo-accédant : Les taux, de 50% la première année et 40% la seconde année, seront respectivement ramenés à 40% et 35% au 1er janvier 2012. Par ailleurs, les entreprises devront respecter certaines conditions d’application pour bénéficier de ces taux majorés.
Les dépenses de sous-traitance : des plafonds abaissés
A partir du 1er janvier 2012, les dépenses de sous-traitance seront retenues dans l'assiette du CIR dans la limite de trois fois le montant total des autres dépenses de recherche et développement éligibles et dans la limite du plafond déjà mis en place.
Le remboursement immédiat du CIR : moins de bénéficiaires depuis le 1er janvier 2011
Le remboursement immédiat du CIR est désormais réservé aux PME (au sens européen) et à certaines sociétés qui doivent remplir des conditions très strictes :
- Les sociétés bénéficiant du statut de Jeune Entreprise Innovante,
- Les entreprises créées à compter du 1er janvier 2004 et dont le capital social est composé directement ou indirectement à 50% par des personnes physiques, ou est détenu à 50% par des sociétés de capital-risque, de Fonds Communs de Placements à Risques, des sociétés de développement régional, sociétés financières d'innovation ou unipersonnelles d'investissement à risque (à condition qu'il n'y ait aucun lien de dépendance entre l'entreprise déclarante et les sociétés précédemment citées). Ces entreprises pourront demander le remboursement immédiat du CIR uniquement au titre de l'année de création et des quatre années suivantes.
- Les entreprises ayant subi une procédure de sauvegarde, un redressement ou une liquidation judiciaire, peuvent bénéficier du remboursement immédiat du CIR non utilisé à partir de la date du jugement.
- Les entreprises créées dans les deux ans devront prouver l'existence de leurs dépenses de R&D en apportant les pièces justificatives à leur demande de remboursement immédiat de CIR.
Les autres entreprises devront attendre, quant à elles, 3 ans pour le remboursement de leur CIR, comme le dispositif le prévoyait avant le plan de relance mis en place pour faire face à la crise.
Par ailleurs, les frais de fonctionnement inclus dans l’assiette des dépenses du CIR sont également revus à la baisse à 50% (contre 75%) pour les dépenses de personnel. « Cette réforme est symbolique puisqu’elle devrait permettre à l’Etat d’économiser seulement 100 millions d’euros sur les 2,1 milliards d’euros représentés par le dispositif mais très dommageable pour les entreprises innovantes car ce manque à gagner risque de les freiner dans leur effort de R&D. En effet, ces nouveaux aménagements rendent le dispositif encore plus complexe et peuvent dissuader les entreprises, qui hésitent encore à déclarer le CIR alors que ce dispositif leur est dédié ! D’autre part, ces modifications pénalisent les entreprises primo-accédantes, mais également les PME qui investissent régulièrement en R&D ! » expliquent Thomas Gross et Charles- Edouard de Cazalet.
Une nouvelle application des exonérations sociales du statut JEI, effective depuis le 1er janvier 2011 !
La loi de Finances 2011 prévoit deux principaux aménagements dans l'application du statut JEI : le mode de calcul des exonérations sur les cotisations URSSAF devient dégressif dès la cinquième année d'existence de l'entreprise et un plafonnement des exonérations de charges est également introduit dans le calcul !
La diminution progressive des exonérations : quelle application concrète ?
Totales jusqu'à présent pendant 8 ans, les exonérations sur les cotisations URSSAF ne seront plus que de 75% la cinquième année, 50 % la sixième année, 30 % la septième année et 10 % la huitième année. L'impact sera très significatif pour les JEI entrant dans leurs 7ème et 8ème années en 2011 puisqu’elles passeront d'une exonération de 100% des charges URSSAF à respectivement 30% et 10%. Les modalités seront tout prochainement définies par décret qui viendra préciser les critères et le champ d'application de ce nouveau dispositif.
Le plafonnement des exonérations : quel montant, quelle rémunération à ne pas dépasser ?
Les exonérations sont plafonnées à 103 860 euros par an et par établissement. Par ailleurs, la rémunération brute mensuelle faisant l'objet d'exonération est, quant à elle, plafonnée à 4,5 fois le SMIC par salarié (soit 6 046,97 euros brut / mois). Au-delà de ce montant, les exonérations seront supprimées. « Cette refonte du volet social du statut JEI, qui a pour objectif de réaliser une économie budgétaire de 57 millions d'euros dès 2011, pénalise les JEI dont l’effort de recherche est important alors que leur stabilité financière reste très fragile ! Affirment-ils avant de conclure : « On peut également dire qu’il existe une contradiction entre la volonté gouvernementale de voir les PME et les ETI se développer et ces mesures. Le développement des PME dépend de leur capacité à s’appuyer sur une base solide. Or, avec l’ensemble de ces mesures, le renforcement en fonds propres risque d’être directement impacté ».