Ils démontrent que les eaux rejetées par les forages sont dangereusement radioactives...
Le Wikileaks des gaz de schiste. Vendredi 26 février, le New York Times publiait des données triées parmi 30.000 documents confidentiels produits par l’EPA, l’agence de protection de l’environnement américaine. Ces documents révèlent que les eaux rejetées par les forages de gaz de schiste sont radioactives à des taux qui peuvent atteindre 1000 fois les limites autorisées pour l’eau de boisson.
Selon les documents que s’est procurés le New York Times, les niveaux de radioactivité dans les eaux usées sont tels que les industriels ne peuvent pas les dépolluer complètement. La moitié des eaux serait donc envoyée dans les stations d’épuration traditionnelles, qui n’ont souvent pas les capacités de ramener les eaux à des niveaux correspondant aux normes requises pour l’eau de boisson.
En Pennsylvanie, où l’on compte 71.000 forages actifs, une grande quantité d’eaux usées est rejetée dans la rivière Monongahela, qui alimente plus de 800.000 personnes en eau du robinet notamment dans la ville de Pittsburgh. Des niveaux un peu moins élevés de radioactivité ont été observés dans la rivière Delaware, qui fournit l’eau potable de plus de 15 millions de personnes dans la région de Philadelphie.
A la fin 2008, une sécheresse a fait craindre aux autorités une forte pollution par les eaux usées et les habitants de Pittsburgh ont été incités à consommer de l’eau en bouteille. L’EPA décrit cet incident dans un document interne comme «un des plus grands échecs des Etats-Unis dans la fourniture d’eau potable». Et pour cause: la Pennsylvanie est un des rares Etats américains à avoir autorisé les industries gazières à se décharger de la majorité de leurs eaux usées auprès des stations d’épuration classiques. Ailleurs, les 10 à 40% d’eau chargée en produits chimiques qui remontent des fracturations doivent être enterrées dans des puits sous des roches imperméables.
Les contrôles de radioactivité seraient également trop peu fréquents: selon le New York Times, les eaux de boisson ne sont contrôlées que tous les six à neuf ans, et sur 65 sites testés en Pennsylvanie, aucun n’avait de données plus récentes que 2008, voire 2005 pour la plupart, date à laquelle les extractions de gaz de schiste étaient encore rares.
Le New York Times pointe du doigt l’indulgence des autorités vis-à-vis des industries qui exploitent les 493.000 puits des Etats-Unis. «Pour chauffer la maison, on brûle les meubles», accuse John H.Quigley, ancien secrétaire du département de Conservation des ressources naturelles de Pennsylvanie.
Les scientifiques de l’EPA ont beau s’alarmer, mettant en garde contre une radioactivité dangereusement élevée dans l’eau du robinet, rien n’a été fait pour contrôler le retraitement des eaux issues des forages. Et les autres effets collatéraux des gaz de schiste, notamment la pollution de l’air, inquiètent les chercheurs. «Les impacts de la fracturation hydraulique sur la santé, ainsi que des contaminations de l’air et de l’eau, ont été constatés dans au moins une douzaine d’Etats», témoigne Walter Hang, président de l’entreprise Toxics Targeting, qui collecte des données sur les forages de gaz. Si aucun cas n’a encore été avéré, la contamination au radium des eaux de boisson ou des aliments peut être la cause de cancers. Au Texas, où de nombreux forages ont été creusés ces dernières années, le nombre d’enfants asthmatiques a fortement augmenté dans les villes voisines. Audrey Chauvet