Il y a deux semaines, l'association Ecologie sans frontières accusait l'organisme responsable de la qualité de l'air en Ile-de-France de «largement sous-évaluer» la pollution de l'air et jugeait insuffisants les dispositifs d'alerte du public. Aujourd'hui, le conseil d'administration d'Airparif se réunit et ces questions devraient être débattues. Des questions d'autant plus brûlantes que l'été arrive, avec ses habituels pics de pollution. Tour d'horizon.
1 Qu'est-ce qu'Airparif ?
C'est une association responsable depuis plus de vingt ans de la surveillance de la qualité de l'air extérieur en Ile-de-France. Son conseil d'administration est composé de représentants de l'Etat, des collectivités territoriales, des associations de défense de l'environnement et des consommateurs, et des émetteurs de pollution (constructeurs automobiles, Aéroports de Paris, RATP...).
2 A-t-elle les moyens de ses ambitions ?
Avec un budget de 4,8 millions d'euros en 2006, Airparif dispose de moyens stables qui ne progressent même pas au niveau de l'inflation «ce qui revient à un lent affaiblissement», selon son directeur, Philippe Lameloise, qui affirme que «l'Etat, les collectivités territoriales et les industriels contribuent chacun à un tiers du budget d'Airparif». En réalité, le bilan 2006 démontre que toutes les entreprises réunies ne fournissent même pas 1 million d'euros, ce qui prouve leur faible degré d'implication. Toutefois, selon Jean-Félix Bernard, conseiller régional (Verts) qui siège au CA, «l'Ile-de-France possède l'un des outils les plus puissants de France, pris en exemple à l'international».
3 Est-elle indépendante ?
Pour Eric Guerquin, président de l'UFC-Que Choisir Ile-de-France, membre du conseil d'administration d'Airparif, «dès l'instant où on est subventionné, on est lié, même si le CA est large et les collectivités nombreuses». De plus, Airparif complète ses subventions avec des études commandées par les villes, et, selon l'UFC, «ne pourrait pas survivre sans ces commandes».
4 Ses études sont-elles du coup biaisées ?
Non. Personne n'émet de doute sur «la véracité des chiffres». En revanche, beaucoup critiquent leur utilisation. L'association Les Amis de la Terre se demande «pourquoi certains éléments sont mis en exergue et pas d'autres». Pour plaire aux commanditaires ? Plusieurs associations dénoncent l'utilisation des études. « Le problème, c'est que celui qui commande l'enquête dispose des chiffres en premier et en sort ce qu'il veut, explique Marc Ambroise Rendu, de l'association Ile-de-France Environnement, membre du CA d'Airparif. En 2006, Bertrand Delanoë a extrapolé sur la baisse de la pollution autour d'un chiffre qui l'arrangeait mais qui ne reflétait pas l'ensemble de l'étude.» Pour l'UFC-Que Choisir, «Airparif devrait, dans ce genre de situation, faire paraître des droits de réponse. Ou mettre à disposition du public l'étude dans son ensemble, ce qu'elle ne fait pas.» Car pour Les Amis de la Terre, « il ne fait pas de doute que la qualité de l'air se dégrade. Il y a peut-être une baisse des émissions, mais pas de la pollution. »
5 Doit-elle changer ses méthodes de mesure ?
Selon Les Amis de la Terre, «le réseau de capteurs est aujourd'hui loin d'être assez étoffé». Ile-de-France Environnement explique : «Actuellement, il y a quelques capteurs, à partir desquels on fait une moyenne. Or, chacun veut savoir ce qu'il en est pour sa rue. Il faudrait une carte précise, comme pour le bruit à Paris. Il y a trois ans, nous avons demandé une étude sur l'air aux abords du périph. Airparif a d'abord fait une étude sur la porte de Bagnolet, mais cela ne suffisait pas vu que le vent, l'orientation et d'autres critères changent selon les lieux. Aujourd'hui, une étude plus précise est enfin en cours, mais c'est long.» Yves Contassot (Verts), adjoint au maire de Paris à l'Environnement, explique: «Je demande depuis 2001 que l'on mesure la pollution sur les grands axes de la capitale et que soit affiché en grand le résultat sur des panneaux.» Selon lui, «des millions de personnes vivent au-dessus des normes de pollution tous les jours sans le savoir». Greenpeace regrette aussi qu'il n'y ait «pas de mesure des particules fines, les plus dangereuses». Les associations estiment que les seuils d'alerte fixés par l'Etat sont beaucoup trop hauts.
6 Doit-elle s'émanciper ?
Pour Franck Laval, président d'Ecologie sans frontières, «Airparif doit faire preuve de courage politique et aller mesurer elle-même l'air dans le métro». Certaines associations évoquent aussi des mesures dans les gares, le métro, les supermarchés, et même les appartements. Question de budget ? Airparif se dédouane: «Nos moyens d'action reposent sur le bon vouloir des autorités.»