La circulaire du Ministre de l’Ecologie aux Préfets du 8 février 2007 cherche à éviter qu’une ancienne installation classée soit abandonnée par son dernier exploitant sans remise en état.
Le coût particulièrement lourd de la dépollution ne pourra pas toujours être supporté par ce dernier ou ses actionnaires en cas de liquidation économique de l’entreprise. La collectivité doit envisager cette hypothèse et rechercher des modes alternatifs de financement privé pour la remise en état des sites sensibles.
L’ordonnance du 17 juin 2004 fixe le cadre du recours par les collectivités publiques aux partenariats publics privés (PPP). Au nombre des secteurs concernés, la circulaire interministérielle du 30 novembre 2005 inclut les projets d’aménagement urbain et touristique.
Développés dans de nombreux domaines, les PPP ne se sont cependant pas généralisés dans le cas du réaménagement urbain de friches industrielles. Sans être les seules techniques contractuelles envisageables, les PPP feraient pourtant merveille pour le financement de la dépollution des sols, l’entretien ou la valorisation domaniale d’espaces urbains ou péri urbains abandonnés de leurs industries ou de leurs derniers exploitants.
Pour les sites moins sensibles, il existe d’autres types de montages contractuels à la disposition des personnes publiques pour faire face aux charges financières qu’implique le réaménagement d’espaces totalement dépollués.
1. Les PPP : une solution globale à la dépollution des sites sensibles
Le PPP est une variante de “contrat administratif par lequel l’Etat ou un établissement public confie à un tiers, pour une période déterminée en fonction de la période d’amortissement des investissements ou des modalités de financement retenues, une mission GLOBALE relative au financement d’investissements immatériels, d’ouvrages ou d’équipements nécessaires au Service Public, … , ainsi qu’à leur entretien, leur maintenance ou leur gestion et, le cas échéant, à d’autres prestations de services concourant à l’exercice par la personne publique de la mission de Service Public dont elle est chargée”.
A la différence de la Délégation
Pour le cas de friches industrielles, les collectivités publiques sont tenues d’intervenir lorsque les espaces naguère exploités présentent un risque majeur pour la santé publique, la stabilité des sols ou leur pollution. On dénombre environ 180 000 sites sensibles sur l’ensemble du territoire national, des bassins miniers du Nord Pas de Calais aux mégisseries du Tarn ou aux anciennes industries de l’Ariège ou de la Haute Garonne.
Cependant, compte tenu des avancées technologiques constantes en matière de dépollution notamment, le PPP peut être le cadre d’un transfert effectif de ce risque vers le partenaire privé, qui sera d’autant mieux rémunéré qu’une partie de sa rétribution sera assise sur les performances environnementales atteintes.
Afin de maîtriser au mieux les aléas, il est préférable de prévoir un schéma contractuel phasé.
Dans un premier temps, après mise en concurrence préalable conforme au droit communautaire (conformément aux dispositions de la directive marché public du 31 mars, n° 2004/18/CE), une étude de sols complète sera menée.
Après cette première étape, les conditions suspensives afférentes aux autorisations environnementales levées, le PPP se poursuivrait en plusieurs tranches successives.
En fonction du niveau de pollution établi contradictoirement, différents types de clauses contractuelles pourraient être envisagées dans la convention de partenariat : prix de la dépollution sur bordereau avec clause d’expertise, durée augmentée du contrat global, sécurisation des subventions des tiers, adaptation du projet au niveau identifié de pollution, surveillance du niveau de pollution, mesures de prévention, entretien du site, valorisation des terres dépolluées, bio valorisation.
Une option d’achat par le partenaire privé au terme de la dépollution pourra utilement compléter le cadre contractuel de référence, avec une clause limitée de passif environnemental. Sans aller aujourd’hui jusqu’à envisager de recourir au PPP pour le futur démantèlement des centrales nucléaires, la formule du contrat global s’adapte aux sites les plus complexes à traiter, surtout en cas de carence des derniers exploitants.
2. Autres techniques contractuelles au service du réaménagement urbain
En milieu urbain dense, en zone périphérique à fort potentiel de développement immobilier, le PPP n’est pas le seul vecteur contractuel que les opérateurs et les collectivités locales peuvent utilement déployer. En effet, la constructibilité de la zone à développer donne de réelles marges de manœuvre au financement privé de la dépollution.
En substance, les droits à construire qu’autorise le PLU ou le règlement de ZAC servent de levier au financement de la remise en état du site : l’avenir soldera le passé…
Pour y parvenir, plusieurs solutions conventionnelles s’offrent aux collectivités publiques compétentes.
La première, la plus sécurisée juridiquement, est la concession de ZAC qui, après mise en concurrence de l’aménageur, permet d’encadrer la future destination de la zone (les logements sont généralement évités) et le financement des équipements publics à la charge du concessionnaire.
Le Bail Emphytéotique Administratif (BEA) permet lui aussi de répondre au souci de valorisation immobilière, par un partenaire privé, d’espaces en friches ou déshérence ponctuelle.
Plutôt qu’une cession pure et simple, le BEA sera retenu lorsqu’une clause de garantie de passif environnemental ne pourra être envisagée raisonnablement entre les parties pour la cession du terrain considéré. En déconnectant le régime de responsabilité de la valorisation économique du foncier et des volumes à construire puis à céder, la technique du BEA pourrait être le cadre contractuel adapté aux attentes réciproques des collectivités locales, des établissements publics fonciers et de l’ensemble des opérateurs privés.
Dans cette perspective, les freins à la cession des droits à construire valorisant les terrains concernés doivent être levés.
D’une part, le Code Général de la Propriété
D’autre part, et surtout, même si d’importantes avancées ont été constatées pour la valorisation domaniale depuis la loi du 6 février 1994, il est nécessaire d’envisager un assouplissement du droit de l’urbanisme. Celui-ci, conçu comme une police administrative spéciale, ne saurait traditionnellement être l’enjeu de négociations conventionnelles officielles au terme du principe selon lequel la police administrative ne se contractualise pas. Le juge administratif annulerait en effet, sans surprise, tout acte détachable d’un contrat qui viserait à instaurer une contrepartie économique à la modification de la règle d’urbanisme (destination d’une zone, constructibilité de la zone à dépolluer…). Il s’agit d’éviter le détournement de pouvoir et d’éloigner toute prévarication du secteur de l’aménagement foncier et immobilier.
D’autres obstacles, parfois insurmontables, sont ainsi érigés face à des opérations à la fois rentables économiquement et socialement utiles, la durée des procédures réglementaires à suivre étant incompatibles avec l’urgence des projets ou la volatilité du marché.
Le temps étant le principal ennemi des investisseurs, du moins avant la livraison des immeubles, il serait peut-être judicieux d’introduire, sous le contrôle du juge, un espace conventionnel élargi dans le droit de l’urbanisme. En échange d’une amélioration de constructibilité d’une zone, l’aménageur disposerait d’obligations plus strictes au plan qualitatif et environnemental.
Cette contractualisation du droit de l’urbanisme pour les zones de friches industrielles implique une réforme en profondeur non seulement des textes mais des esprits.
Elle serait cependant bienvenue pour éviter à de nombreux acteurs publics locaux de rester longtemps face à des espaces en friches. Elle dynamiserait le tissu urbain et pourrait constituer aussi un élément de réponse à la pénurie de logements sociaux, que chacun déplore à longueur de temps.
William AZAN
Avocat Associé
Lamy Lexel