Le réchauffement climatique, qui est devenu l’une des principales préoccupations de nos sociétés, a des effets insoupçonnés. Ainsi, le réchauffement climatique est notamment créateur de biodiversité, au niveau des populations de pucerons. Les chercheurs de l'INRA, avec leurs partenaires, évaluent son impact sur les populations de pucerons, insectes majeurs car ils constituent une ressource alimentaire importante des écosystèmes et comptent parmi les principaux ravageurs des cultures en milieu tempéré. Ils ont montré que le nombre d'espèces a augmenté très sensiblement au cours des 40 dernières années avec une espèce par an et par site étudié en moyenne, la cause ? Le réchauffement climatique !
Le deuxième impact majeur du réchauffement concerne la période d'activité des insectes qui s'est allongée d'environ un jour par an en moyenne. L'étude menée s'appuie sur l'exploitation des données du réseau européen EXAMINE, mis en place dès 1968 et auquel participent les chercheurs de l'INRA. Ceux-ci ont retenu pour ce projet 8 sites du réseau dans la région ouest européenne : 4 sites français (Rennes, Colmar, Arras et Montpellier), 3 sites anglais et 1 site écossais. Ces sites de piégeage représentent des situations bio-géographiques contrastées et fonctionnent depuis un grand nombre d'années, entre 28 et 38 ans. C'est ce maintien continu de l'observation des populations de pucerons sur plusieurs dizaines d'années qui a permis aux chercheurs de l'INRA d'obtenir de tels résultats.
Une augmentation de la biodiversité de +20% d'espèces en 30 ans, selon l’INRA. Dans les 8 sites d'étude, 392 espèces de pucerons ont été identifiées, avec un nombre moyen d'espèces par site de 212. Le nombre d'espèces de pucerons a augmenté très sensiblement au cours des 40 dernières années : une espèce par an et par site en moyenne soit environ 8 espèces de plus par degré Celsius supplémentaire.
Quelques espèces sont communes à l'ensemble des sites, d'autres au contraire ont des distributions plus restreintes. Certaines espèces sont observées régulièrement alors que d'autres n'ont été observées que certaines années. Parmi celles-ci, des espèces étaient présentes en début de la période d'observation et absentes en fin de période (ces espèces ne peuvent cependant pas être qualifiées de disparues), d'autres espèces au contraire sont apparues en cours de période puis régulièrement observées et enfin des espèces n'apparaissent qu'épisodiquement.
Les années à forte ou faible température correspondent en général à un nombre d'espèces respectivement fort ou faible. Parmi ces espèces certaines sont abondantes et d 'autres rares. Alors que le nombre des espèces abondantes s'est avéré stable sur 25 ans, les variations annuelles du nombre total d'espèces sont le fait des espèces rares. Ainsi l'augmentation des températures favoriserait l'installation des espèces nouvellement introduites et stimulerait les espèces qui étaient auparavant rares et qui atteignent maintenant des niveaux détectables.
Une activité plus précoce : Le deuxième impact majeur du réchauffement climatique concerne la date des premières migrations de printemps des pucerons. Par exemple, sur le site anglais de Rothamsted, elles se situaient autour du 24 mai dans les années 60, et sont actuellement autour du 7 mai, soit près de 3 semaines d'avance en 40 ans.
Sur la quasi totalité des sites du réseau EXAMINE, l'avance des premières migrations varie selon les espèces et les sites d'un jour tous les 5 ans à plus de 3 jours par an, soit de 1 à 10 semaines depuis les 40 dernières années.
La base de données EXAMINE recèle encore beaucoup d'information. Elle devra permettre de détecter des changements de distribution géographique des espèces (déplacement vers le nord) et de lier leurs différents types réponses au réchauffement climatique à leurs caractéristiques biologiques. Il sera aussi important de resituer ces résultats spécifiques dans les débats scientifiques actuels concernant le fonctionnement des écosystèmes et la répartition de la biodiversité.
Par Pierre Melquiot