La saisine de la Courde justice européenne pour condamnation de la France, en raison des mauvais traitements infligés à l'eau des rivières bretonnes, est tout sauf une surprise.
La directive fixant à 50 mg/l la concentration maximum en nitrates existe depuis 1975. Les premières mises en garde de Bruxelles datent de 1992 ; la mise en demeure initiale de 1993 ; une condamnation de principe avait été prononcée en 2001. On aura finalement eu tort de ne pas croire à la menace si souvent brandie. Le couperet tombe. Le coup est rude.
L'Europe nous reproche que, tout au long de ces années, rien d'efficace n'a été accompli pour éradiquer un problème dont le ministre de l'Environnement, alors Mme Huguette Bouchardeau, disait, dès 1983, qu'il devait être résolu « urgemment ». En vingt-cinq ans, il est devenu le symbole d'une agriculture industrielle qui ne se maîtrise pas. On ne peut pourtant pas dire que l'État, la Région
Des rivières sont repassées sous la barre fatidique des 50 mg de nitrates par litre d'eau. Pas toutes, malheureusement. L'ensemble de ces actions s'est en fait révélé décevant. Et pour cause : tandis que les uns s'échinaient à réviser des méthodes de travail fautrices de pollutions, d'autres régularisaient les extensions illégales d'élevages, réduisaient les distances d'épandage du lisier de 50 à 15 m
Comme les Shadoks, les Bretons pompaient, pompaient mais les nitrates ruisselaient, ruisselaient...Aussi, ce que sanctionne l'Europe, c'est moins le laxisme, le laisser-aller, que l'incohérence des politiques menées. Cette incohérence aura été le plus puissant allié de la montée des nitrates. La reconquête de la qualité des eaux a trop siégé dans les mots, pas assez dans les champs. Quoiqu'on dise, c'est le développement du potentiel de production, longtemps imposé aux paysans, qui est resté la priorité des priorités, la restauration de l'environnement n'a été invitée qu'à jouer les seconds rôles.Pour sortir les eaux bretonnes du mauvais lit où elles s'épuisent, il faudra de la volonté, un peu d'imagination, beaucoup de suite dans les idées et, surtout, mettre enfin sur une même ligne d'excellence qualité de la production, rémunération du travail des paysans, contrôles efficaces mais pas tatillons, respect des normes sociales et environnementales.
Un chantier si complexe et qui appelle une action d'une telle ampleur qu'il semble avoir été taillé sur mesure pour Nicolas Sarkozy, le président réformateur. Nul autre domaine que l'agriculture bretonne n'a plus besoin aujourd'hui de « changer les méthodes et la manière de raisonner », leitmotiv de son discours programme devant les parlementaires. La confrontation avec le mur des réalités si longtemps repoussée ne peut plus attendre. L'enjeu ? Redonner un modèle économique viable et durable à l'agriculture, dont la Bretagne