Grâce au marquage moléculaire, le géant suisse met au point des semences pour obtenir de nouvelles variétés. Objectif : satisfaire le client final sans nuire aux rendements agricoles.
La pastèque sans pépins qui entre dans le réfrigérateur, la tomate " spéciale salade " ou uniquement " à farcir "... Une nouvelle génération de fruits et légumes apparaît dans les grandes surfaces. Résultat des travaux menés par nombre de semenciers, à l'image de Syngenta. Une révolution pour le géant suisse spécialisé dans les phytosanitaires (pesticides, insecticides, herbicides...) et les semences, qui s'adressait jusqu'ici aux seuls professionnels.
Afin de diversifier ses sources de revenus, il cherche désormais à se rapprocher du consommateur final à travers la mise au point de semences de nouvelles variétés de fruits et légumes, obtenues par la technique dite du marquage moléculaire. Qui n'a rien à voir avec les OGM. Il s'agit juste de faire varier les gènes d'une espèce. Une avancée scientifique, également utilisée par l'américain Monsanto ou le français Limagrain, qui permet de répondre aux attentes des consommateurs, en termes de saveur surtout, sans nuire aux impératifs de rendements des cultivateurs, ni aux exigences de conservation des produits chers aux distributeurs. " Seulement 3 % à 5 % du prix payé par le consommateur revient au semencier. D'où l'intérêt de vendre directement au client final ", estime André Goig, directeur mondial de l'activité légumes chez Syngenta.
UNE VERITABLE REVOLUTION
La promotion de nouvelles variétés destinées à attirer le consommateur ne date pas d'hier. Il y a eu les tomates en grappe, les fraises gariguettes, sans oublier les pommes en tout genre (canada, reinette, granny-smith...). Mais Syngenta y a introduit une stratégie de marques comme, par exemple, Kumato pour sa tomate brune (voir ci-dessous). Le géant suisse ne s'interdit pas non plus d'organiser des animations sur les lieux de vente. Empruntant encore aux techniques du secteur des biens de consommation, il a même créé voilà deux ans aux États-Unis la société Dulcinea Farms pour vendre ses fruits et légumes en partenariat avec la grande distribution. " Il s'agit d'une véritable révolution pour l'organisation de l'entreprise dans la mesure où la recherche et développement (R&D), la production et le marketing doivent travailler ensemble ", explique André Goig. En revanche, l'entreprise n'envisage pas de créer une telle société ad hoc en Europe, tant les goûts sont différents d'un pays à l'autre.
Avec 420 millions de dollars de chiffre d'affaires dans les semences de légumes, l'entreprise bâloise arrive au deuxième rang mondial, derrière Monsanto mais devant Limagrain. " Dans un marché mondial en hausse de moins de 3 %, l'activité semences de légumes de Syngenta affiche chaque année une croissance à deux chiffres, sans doute grâce aux investissements conséquents consentis depuis des années ", souligne André Goig. Là où Syngenta dépense chaque année 10 % (800 millions de dollars) de ses ventes globales en R&D, l'activité semences (toutes cultures confondues) y consacre 14 %. Sans doute aussi le prix de vente au détail de ces nouvelles variétés, en moyenne 2 à 2,5 fois plus élevé au kilo, explique-t-il tous ces efforts.
Les pesticides et autres phytosanitaires représentent plus des trois quarts (6,37 milliards de dollars) des ventes de Syngenta. Mais la protection des plantes est " un marché mature, à l'inverse de celui des semences en général qui progresse chaque année d'au moins 10 %, en particulier dans les biotechnologies végétales ", précise André Goig. Dès lors, on comprend mieux l'ambition du géant suisse de ravir à Monsanto la place de numéro un des semences de légumes.
La technique du marquage
Le marquage moléculaire vise à localiser les gènes d'intérêt, ou plus exactement à identifier les marqueurs responsables de certaines caractéristiques (couleur, saveur, poids, résistance aux virus, teneur en sucre, etc.) dans le génome d'une plante, par exemple. Par la suite, il est possible d'amplifier une des caractéristiques pour obtenir de nouvelles variétés. Cette technique n'a rien à voir avec la transgenèse qui consiste à introduire un gène d'une autre espèce.