.Les bonnes affaires d'Abidjan. Onze mois après le déversement de déchets toxiques à Abidjan, chacun fait ses comptes. Certains s'en sortent bien mieux que d'autres.
L'argent avant la décontamination, l'impunité avant la justice : dix mois après la pollution, l'affaire des déchets toxiques révèle un État ivoirien davantage occupé à réclamer et à se partager des indemnisations qu'à éradiquer la pollution ou à faire justice. Seize personnes avaient péri et plus de 100 000 avaient reçu des soins à la suite du déversement illégal de plus de 500 tonnes de déchets toxiques dans des sites d'Abidjan, les 18 et 19 août 2006.
La présidence ivoirienne, qui a repris le dossier en main en début d'année, ne semble désormais s'intéresser qu'au volet financier de cette sombre affaire. Le 13 février, elle a obtenu de la multinationale Trafigura, affréteur du Probo-Koala - le cargo qui a amené les déchets toxiques à Abidjan -, la somme de 100 milliards de francs CFA (152 millions d'euros), via un accord amiable. Un règlement express auquel Trafigura a dû se résoudre pour obtenir la libération de deux de ses dirigeants français, arrêtés à la mi-septembre à Abidjan, et la fin des poursuites contre elle dans cette affaire.
Exit, par ailleurs, le procès promis en début d'année par le président Laurent Gbagbo. Cet accord semble avoir éteint toute action judiciaire, même pour les inculpés qui n'étaient pas liés à Trafigura. Les 12 personnes arrêtées à la suite de la pollution, y compris les dirigeants de la compagnie locale Tommy qui a déversé les déchets dans Abidjan, ont été libérées. À Abidjan, de nombreux observateurs déplorent désormais une « négation de la justice ».
Les Abidjanais passent pour les « dindons de la farce ». L'État ivoirien a décidé que près des trois quarts du pactole versé par Trafigura serviront ainsi à l'indemniser. Un quart ira aux victimes. Cette annonce a déclenché la colère des associations de victimes.
« L'État a fait sa propre répartition en privilégiant l'administration », dénonce Rachel Gougoua, porte-parole d'une association du quartier d'Akouédo. Les habitants de la capitale économique ivoirienne ne sont pas au bout de leurs peines.
Sur les 9 300 tonnes de déchets et de terre contaminée collectés par Trédi (filiale de Séché Environnement), près de 3 000 tonnes seraient encore à Abidjan. Or la saison des pluies vient de démarrer, fait ressortir les émanations des déchets et multiplie les risques de contamination par ruissellement.