La recherche des causes et des remèdes au mal des abeilles n'est pas de tout repos. Entre apiculteurs et firmes phytosanitaires, les relations sont très tendues, les affaires se règlent devant la justice. Une rude bataille se livre également dans les médias, à coups de conférences de presse et de communiqués. Quand un camp dégaine, la riposte se fait rarement attendre.
LE MONDE | 29.08.07
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3244,36-948836@51-948933,0.html
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En France, les apiculteurs ont remporté plusieurs victoires. L'usage de l'insecticide Gaucho est suspendu depuis 1999 sur le tournesol et depuis 2004 sur le maïs. Le Régent, dont la molécule active est le fipronil, est suspendu depuis 2004 sur toutes les cultures. Ces produits appartiennent à la famille des néonicotinoïdes, ils détruisent le système nerveux des insectes. Ils enrobent les semences et agissent pendant la croissance des plantes (on parle de produits systémiques). Mis au point à la fin des années 1980, ils ont remporté un grand succès partout dans le monde, en particulier l'imidaclopride, molécule du Gaucho.
Leurs résidus se mesurent en partie par milliards, soit l'équivalent d'un millimètre sur 1 000 kilomètres
Pour les industriels, les intérêts économiques sont très importants. Le secteur représente 31 milliards d'euros de chiffre d'affaires. Une entreprise met 10 ans pour une mettre au point une molécule, et y investit 200 millions d'euros. C'est aussi une question d'image. Car le questionnement sur le sort des abeilles débouche sur d'autres interrogations : quel est l'impact des traces présentes dans l'air, l'eau, les sols, l'alimentation, sur les écosystèmes et sur l'homme ?
Les firmes ne nient pas l'impact de leurs produits sur les abeilles en cas d'exposition à des doses trop élevées, mais réfutent toute nocivité dans des conditions normales. Elles orientent sur les autres causes possibles : variations climatiques, parasites, déclin de la biodiversité.
Les chercheurs, de leur côté, évoquent des causes "multifactorielles" et regrettent de devoir travailler sur des données parcellaires. Une étude de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa), réalisée pendant trois ans sur vingt-cinq colonies, a montré la présence de traces d'imidaclopride et de fipronil dans le pollen collecté par les abeilles. Mais aucune mortalité n'a été constatée. L'Afssa vient de lancer une étude de toutes les données scientifiques parues sur les mortalités.
Aucun pays n'a réussi à mettre sur pied un réseau de suivi des pertes. Seule l'Allemagne a tenté l'expérience. "Le suivi s'est installé avec les instituts apicoles, les syndicats agricoles, le ministère de l'agriculture et l'industrie phytosanitaire, raconte Karl Rainer Koch, rédacteur du bulletin d'information des apiculteurs professionnels allemands. Mais quand il y a eu des problèmes, aucune recherche n'a été faite sur les produits phytosanitaires. On nous a dit que ce n'était pas nécessaire, qu'on n'avait pas les moyens. Nous avons le sentiment que, pour les firmes, tout cela, c'était des relations publiques."
Article paru dans l'édition du 30.08.07.