Une revue internationale financée par la Fondation Bill et Melinda Gates se consacre aux nouveaux moyens de lutte contre les pathologies des pays les plus pauvres.
Les maladies tropicales négligées méritent toujours leur dénomination, même si de nouveaux acteurs se mobilisent pour essayer de mettre au point des médicaments qui font cruellement défaut. Des signes d'espoir apparaissent. « Une révolution silencieuse est en train de se produire dans l'attention portée à ces maladies », notent Gavin Yameh et Peter Hotez, les deux rédacteurs en chef de la future revue PLOS Neglected Tropical Diseases, dont le premier numéro devrait sortir en octobre prochain. Ce sera la première revue internationale en ligne exclusivement consacrée à ces pathologies.
Le nouveau titre a été financé par la Fondation Bill et Melinda Gates à hauteur de 1 million de dollars. « Ce sera la seule revue consacrée à des maladies tropicales dont 40 % des responsables seront originaires des pays où ces pathologies sont à l'état endémique », précisent Yameh et Hotez dans le British Medical Journal (11 août 2007). Elle permettra de mieux coordonner les recherches sur les traitements et leur donnera plus de visibilité. La première revue PLOS (Public Libray of Science) a été créée en 2003 afin de mettre gratuitement les résultats de la recherche à la disposition de toute la communauté scientifique et surtout des chercheurs des pays du Sud. Aujourd'hui, les différents titres de PLOS sont classés parmi les meilleures revues dans leurs domaines respectifs.
Les maladies tropicales négligées (MTN) ne doivent pas être confondues avec les maladies orphelines. Provoquées par des parasites (protozoaires, vers, bactéries), ces maladies de la misère et du manque d'hygiène frappent un grand nombre de personnes dans les pays pauvres. Parmi les plus courantes, on trouve la maladie du sommeil, la filariose, l'onchocercose ou cécité des rivières, le trachome, la lèpre...
Partenariat public-privé
Ces maladies touchent des personnes ayant un revenu ne dépassant pas un dollar par mois, les grands laboratoires pharmaceutiques n'ont donc pas développé de médicaments faute de perspective de retour sur investissement. C'est ainsi que, pendant longtemps, il n'a existé qu'un seul traitement contre la maladie du sommeil : le melarsoprol qui a l'inconvénient d'être toxique (10 % de décès) et de rencontrer des résistances chez un tiers des patients. Au début des années 1990, on découvrit par hasard que l'eflornithine, un anticancéreux, était plus efficace, avec moins d'effets secondaires. Mais le laboratoire décida d'arrêter sa fabrication en 1995 sous prétexte qu'il était non rentable. Cinq ans plus tard, la firme reprit sa fabrication quand l'eflornithine commença à être utilisé avec succès dans des crèmes dépilatoires aux États-Unis...
On sort peu à peu de cette période sombre. Très sombre même, puisqu'une étude réalisée par une équipe de médecins du CHU de Grenoble a montré que sur les 1393 nouvelles molécules mises au point de 1975 à 1999, seulement seize étaient destinées aux maladies tropicales. Aujourd'hui, la recherche pour la mise au point de médicaments contre les maladies tropicales négligées s'organise autrement. Dans le cadre de partenariat public-privé (PPP), les firmes collaborent avec des acteurs de la recherche publique, en coordination avec des ONG.
C'est ce que font actuellement Sanofi et le CNRS pour la mise au point de la trioxaquine, un nouvel antipaludéen, entreprise dans le cadre de l'Initiative sur les médicaments pour les maladies négligées (Drugs for Neglected Diseases Initiative - DNDI), lancée, entre autres, par Médecins sans frontières.
Deux autres faits majeurs ont aussi contribué à réorganiser le paysage figé des années 1980-1990. D'une part, des pays du Sud dotés de puissants moyens de recherche, comme l'Inde, le Brésil ou la Chine, entreprennent eux-mêmes des recherches sur les traitements. Enfin, la Fondation Gates, qui a déjà versé près de 1 milliard de dollars dans la lutte contre les maladies tropicales, dont le paludisme, est en train de remodeler les actions de santé publique contre les maladies des pays du Sud. L'an prochain, l'OMS devrait tirer les leçons de tous ces changements et évaluer les résultats des recherches menées par les PPP.
La Fondation Gates suit des règles de gestion stricte : ses frais de fonctionnement tournent autour de 3% et sa rentabilité atteint 8.5%.