Consommez, c'est pour la bonne cause ! Depuis un peu plus de deux ans, des marques attirent le chaland par un nombre croissant d'opérations promotionnelles dites "de solidarité".
Mardi 3 juillet, le fabricant Hasbro a par exemple annoncé que pour tout jouet Playskool, Play-doh, Monopoly, Trivial Pursuit ou Mon Petit Poney acheté entre le 1er et le 15 octobre, le même jouet sera donné aux Restos du coeur, qui l'offrira aux enfants à Noël. Tablant sur l'envie des parents d'offrir un cadeau qui permettra à un autre enfant de recevoir le même, plus de 150 000 jouets devraient être acheminés début novembre vers les plates-formes régionales des Restos pour une valeur proche de 450 000 euros.
Auparavant, du 15 février au 15 juin, la marque d'eau Volvic répétait son opération "1 litre acheté = 10 litres puisés" en promettant de financer le puisement de 10 litres d'eau potable dans une zone asséchée du Niger, pays le plus pauvre du monde selon le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD). Cette campagne d'achat solidaire opérée par et avec la caution de l'Unicef fut signalée sur les emballages et dans les magasins. Les consommateurs ont répondu présent. En deux éditions, 16 000 personnes dans six villages ont ainsi obtenu un accès à l'eau potable et six écoles ont été équipées de kits d'assainissement d'eau et de latrines.
Le produit-partage est-il l'avenir du don ? S'il contribue aux ressources des associations de façon encore marginale, il permet d'ores et déjà de toucher de nouveaux donateurs, plus jeunes (les 34-41 ans notamment), à moindre coût. Les plus réceptives sont les mères de famille. En 2001, Procter & Gamble a offert pendant dix jours 10 centimes d'euro sur chaque vente de produit Tampax, Pampers, Dash... Résultat : un chèque de 2 millions d'euros a été remis à la Fondation de France qui a financé le programme SOS-Enfance mal logée.
Le consommateur n'est pas dupe. Il sait que ces opérations permettent surtout à l'entreprise de doper ses ventes et,ou, d'améliorer son image. Globalement, cependant, il approuve. Dans ce système du micro-don, tout le monde y gagne. "Nous attirons les gens dans les magasins en tout début de saison de Noël. Et en même temps nous offrons les produits phares de nos gammes via un acte d'achat qui implique notre client", explique Yves Cognard, directeur du marketing d'Hasbro France. Pour les Français, la consommation solidaire, c'est "simple", "non culpabilisant" et "cela peut être fait par tout le monde", si l'on en croit les conclusions d'une enquête réalisée en 2006 par TNS Sofres. Alors que les donateurs traditionnels - surreprésentés parmi les plus de 60 ans ayant des revenus mensuels supérieurs à 1 500 euros - s'essoufflent à force d'être sollicités, il existe un vivier de "gens (qui) veulent donner quand ils en ont envie, en répondant à leurs propres coups de coeur", note Odile de Laurens, reponsable de l'Observatoire de la Fondation de France.
Aussi, les ONG se structurent-elles pour profiter de l'appel d'air. Et souhaitent, à l'instar de l'Unicef, que ces programmes ne soient pas des "coups". Volvic a accepté de s'engager dans la durée, tout comme SFR, qui propose depuis trois ans de transformer des points de fidélité en dons d'argent à Action contre la faim ou à la Fondation de France. "D'ici à 2009, les communes de Yaouri et de Dungass (dans la région de Zinder, au Niger) auront accès à l'eau potable, soit un bassin de 45 000 habitants", assure-t-on chez Volvic. L'entreprise n'hésite pas à proposer aux journalistes de constater sur place la mise en oeuvre du projet.
De fait, les promesses faites aux consommateurs lors de ces achats doivent être facilement contrôlables. L'entreprise, pour être légitime, ne doit pas augmenter son prix de vente et doit payer tous les frais de publicité et de logistique sans exiger de contreparties de la part des ONG. En échange, elle récupère un avoir fiscal à hauteur de 60 % de la somme dépensée dans la limite de cinq pour mille de son chiffre d'affaires. Mieux, en 2004, l'opérateur Neuf Telecom, qui suggérait à ses clients d'abandonner la remise de 5 % à 10 % proposée lors de la signature du contrat commercial au profit de la Fondation de France, a réussi à faire bénéficier le client final de l'avoir fiscal. En multipliant, du même coup, par deux ou trois son taux d'abonnement.