À l’occasion de la visite du président de la Société française de biologie à la station biologique de Roscoff, le professeur Robert Bellé a livré les résultats de plusieurs années de recherches. Ses travaux sur les cellules des oursins démontrent que l’herbicide le plus répandu en Occident est hautement cancérigène.
Les travaux que vous menez depuis des années prouvent que l’herbicide le plus commercialisé en Europe et aux États-Unis peut provoquer le cancer. En quoi ce produit, utilisé par des millions de personnes, est-il cancérigène ?
- En termes scientifiques, nous pouvons aujourd’hui affirmer que ce produit est cancérigène parce qu’il engendre un dysfonctionnement du point de surveillance de l’ADN. Le composant actif qu’il contient, dénommé glyphosate, n’est pas le seul élément toxique de cet herbicide. Ce sont les produits de formulation l’accompagnant qui rendent l’ensemble particulièrement dangereux pour la santé. Pour être efficace, le glyphosate doit pénétrer dans les cellules des plantes. L’herbicide, dont nous parlons, est composé d’une formule qui le permet, affectant l’ADN par la même occasion.
Quel est le rapport avec les risques de cancer chez l’homme ?
- Ce rapport n’est autre que l’oursin. Les travaux que nous menons, mon équipe et moi-même, ont démontré que le gène de l’oursin est le plus proche de celui de l’homme. Sur un embryon d’oursin, l’herbicide en question est, tout simplement, dévastateur. Ses composants, le glyphosate et les produits de formulation, affectent alors l’ADN de l’oursin, jusqu’à inhiber le point de surveillance.
Du coup, certaines cellules échappent à la surveillance de l’ADN, conduisant ainsi aux tumeurs et aux cancers (parfois trois à quatre décennies, après le stress initial). Chez l’homme, le processus et les conséquences sont identiques.
Il suffirait donc d’être en contact avec une goutte de cet herbicide pour être atteint par le cancer ?
- Dès qu’elles seront possibles, les études épidémiologiques permettront de démontrer l’incidence de ce produit sur les différents types de cancer. En particulier sur les cancers des voies respiratoires puisque le produit pulvérisé contient la formulation à des concentrations très supérieures (500 à 2.500 fois plus) à celles qui engendrent le dysfonctionnement du point de surveillance de l’ADN. Des études anglaises tendent ainsi à prouver que cet herbicide présente un danger pour la santé par voie d’inhalation. Le mieux est encore d’éviter de pulvériser ce produit ou tout autre pesticide. Au pire, il est vivement recommandé de se couvrir entièrement en utilisant cet herbicide, que l’on trouve un peu partout.
Propos recueillis par Boris Ivanoff pour le Télégramme de Brest.