Pour CAP 21, parti écologiste présidé par Corinne LEPAGE, la synthèse que viennent de publier les Académies de Médecine et des Sciences et le Centre International de recherche contre le Cancer sur les causes du cancer est consternante.
Le facteur pollution ne serait qu’anecdotique puisqu’il ne serait à l’origine que de 0,5 % des cancers ! Le lien cancer – environnement n’aurait pas de fondement scientifique établi, les Français peuvent être rassurés.
On apprend ainsi au fil des pages que le lien entre pesticides et cancer ne repose sur aucune donnée solide, qu’il est peu vraisemblable que l’exposition aux faibles doses de dioxines communément rencontrées dans nos régions ait un effet cancérogène, qu’il n’y pas de consensus sur le lien entre la pollution atmosphérique et les cancers du poumon, que la cancérogénicité des champs électromagnétiques est possible mais n’est pas encore établie. Le rapport ne parle à aucun moment de la pollution de l’air intérieur dans les bâtiments, ignore totalement certaines substances toxiques comme les métaux lourds, le benzène, les solvants, les polluants organiques persistants, les phtalates, etc… Rien non plus sur la vulnérabilité des enfants et les répercussions de l’exposition à des agents cancérogènes au début de la vie – lorsque le fœtus se développe dans l’utérus ou juste après la naissance.
On peut s’étonner de conclusions aussi brillantes quand on sait que la France ne dispose pas de registre national du cancer, seulement de registres partiels. Selon Marianne Buhler, responsable de la commission santé de CAP 21, le rapport reconnaît que l'on ignore l'origine spécifique de 85% des cancers chez les non fumeurs et se demande donc comment celui-ci peut affirmer dans le même temps que l’environnement n’occupe qu’une part infime !
Répétition de l’histoire, les Académies sont fidèles à la tradition française : malgré des signaux d’alerte, on entretient le doute, on organise la controverse et les pouvoirs publics ne tirent les leçons que lorsque les conséquences se font jour et que la catastrophe sanitaire est arrivée.
De nombreux pays Européens mais aussi les Etats-Unis et le Canada considèrent que la prise en compte des facteurs environnementaux dont les pollutions toxiques est essentielle dans la prévention des cancers.
Pour Corinne Lepage, il faut mettre en perspective le calendrier de la publication du rapport et de ses conclusions avec la préparation du Grenelle de l’Environnement : n’arriverait-il pas à point nommé pour s’opposer à tout plan gouvernemental de réduction de pesticides ou à une application rigoureuse du règlement REACH qui vise à évaluer et autoriser les produits cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques. Dans le doute, faisons des études !
Pour Eric Delhaye, porte-parole de CAP 21, la vérité c’est qu’aujourd’hui, personne n’est en mesure d’établir le pourcentage réel de cancers induits par une exposition à des facteurs environnementaux mais qu’il existe un faisceau suffisant de présomptions au travers des publications scientifiques pour demander l’application stricte du principe de précaution et de REACH. A ce titre, CAP 21 espère que les décisions qui seront prises à l’issue du Grenelle de l’Environnement marqueront la rupture avec l’inertie et l’aveuglement de ces dernières décennies.