Plusieurs élus martiniquais et guadeloupéens ont exigé, le 18 septembre, que toute la lumière soit faite sur l'utilisation des pesticides dans l'agriculture antillaise. Ils ont réclamé "des certitudes scientifiques" pour réagir à un problème sanitaire et socio-économique.
"Il ne faut pas que l'omerta française étouffe cette affaire-là", a déclaré Victorin Lurel, secrétaire national du PS à l'Outre-mer, député et président du conseil régional de Guadeloupe, lors de la présentation à l'Assemblée nationale du rapport du cancérologue Dominique Belpomme, qui évoque un risque de "désastre sanitaire", dû à l'utilisation massive des pesticides.
Victorin Lurel a, de nouveau, réclamé une commission d'enquête parlementaire, à laquelle le secrétaire d'Etat à l'Outre-mer, Christian Estrosi, s'était déclaré le 17 septembre "tout à fait favorable".
Les élus antillais sont partagés entre "éthique de vérité et éthique de responsabilité", a estimé Victorin Lurel, selon qui "il faut dire les choses avec sobriété", en s'appuyant sur des "certitudes scientifiques".
Pour sa part, Jeanny Marc, députée de la Guadeloupe apparentée au groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauches (RSC), a réclamé que le gouvernement fasse du problème "une priorité nationale", afin que la vie économique "puisse continuer".
L'enjeu économique concerne la filière banane et les autres productions agricoles, sans oublier l'activité touristique.
"Si on sait et que l'on se tait, on devient complice", a déclaré Jeanny Marc, tout en souhaitant rassurer la population, parce que "toutes les terres ne sont pas polluées". "Nos territoires ne sont pas maudits", a-t-elle ajouté. Elle a également mis en garde contre de possibles spéculations immobilières.
"La situation est grave", a jugé Louis-Joseph Manscour, député de la Martinique apparenté au groupe RSC, appelant à une "double exigence de vérité et de responsabilité". "Il faut qu'on ait des certitudes", a-t-il martelé.
"Il ne faudrait pas que l'on fasse passer la Martinique pour une terre infréquentable", a renchéri Serge Letchimy, député apparenté PS de l'île, soulignant que les produits vendus sur les marchés "font l'objet d'analyses".
De son côté, le Pr Belpomme s'est défendu de tenir des "propos alarmistes", mais il a mis en garde contre la "politique de l'autruche", réclamant la mise en place d'"un plan de sauvetage des Antilles" pour éviter non seulement un "désastre sanitaire, mais aussi un désastre socio-économique".
Faisant la part entre "ce qui est certain et ce qui est incertain", le Pr Belpomme a présenté son rapport comme "un état des lieux". La pollution chimique des sols et des eaux en Martinique (où il a enquêté au printemps dernier) est "multiple, diffuse, énorme", a-t-il déclaré, soulignant que "l'alimentation sous toutes ses formes est polluée".
Le lien entre le cancer de la prostate, "en augmentation foudroyante", et le chlordécone (utilisé jusqu'en 1993 contre le charençon de la banane) "n'est pas démontré", a-t-il admis, réclamant des études toxicologiques sur le rôle de cet insecticide notamment. Selon lui, "si on extrapole, on peut prévoir qu'un homme sur deux fera un cancer de la prostate".
Le Pr Belpomme a appelé à "réactiver" le registre du cancer en Martinique et à en créer un en Guadeloupe. Il a également réclamé "des preuves que la banane est propre", le chlrodécone étant considéré comme se fixant dans la peau du fruit non-consommée.
Selon lui, "le terme de désastre sanitaire n'est pas trop fort pour désigner ce qui risque d'arriver".