Les produits en matériaux réutilisés investissent tous les secteurs et trouvent un vrai écho auprès du public. Le recyclé s'affiche partout. Vestes en polaire issu du plastique, tapis de souris réalisés à partir de vieux pneumatiques, assiettes en verre refondu, pouf redonnant vie à des boîtes à oeufs : les produits à base de matériaux réutilisés se multiplient et annoncent la couleur haut et fort. D'une relative confidentialité il y a encore peu, ils sont en train de trouver une place plus grand public.
Le Salon Maison & Objet, qui se tient jusqu'à demain à Villepinte, ne s'y est pas trompé. Pour cette édition, son parcours de tendance 2008 intitulé « US(e) » et décliné en trois chapitres met en avant toutes les formes de récupération. Les exposants ne sont pas en reste. Comme la jeune marque Bilum qui métamorphose des bâches publicitaires en sacs, avec des anses issues d'anciennes ceintures de sécurité et une réalisation confiée à des structures d'insertion sociale. « En le retravaillant, on donne une deuxième vie à un matériau tout en créant des pièces uniques. Le glamour est aussi important que le sens donné à l'achat », note Hélène de La Moureyre
Décoration et mode jouent largement la carte du détournement où le matériau d'origine contribue à l'originalité du produit. Alors que dans la majeure partie des objets, la provenance de la matière n'est pas perceptible à l'oeil nu. A la Camif la Camif.
Nombreuses communications
Chez Handy Bag, la gamme de sacs-poubelle à base d'au moins 80 % de plastique recyclé existe depuis 1996. Avec quelque 2 % des ventes de la marque, elle reste une niche. « Mais elle a une vraie place, car une partie des consommateurs se montre sensible à cette dimension », indique Sylvie Bergero, directrice marketing de Cofresco (Albal et Handy Bag). La marque, qui vient également de développer des produits biodégradables, a réalisé en décembre 2006 une étude qualitative. « Le consommateur sait ce qu'est un produit recyclé. Dans son esprit, cependant, il se doit d'être moins cher qu'une référence issue de matière vierge, puisque le matériau sert plusieurs fois », poursuit-elle. Ce qui est loin d'être le cas dans de nombreux secteurs. Les sacs-poubelle en plastique recyclé de la marque sont ainsi un peu plus chers, notamment car il s'agit de plus petites séries.
« A force d'expliquer aux gens qu'ils doivent trier pour ne pas gaspiller, ils ont acquis une maturité réelle et se disent qu'il y a des débouchés pour ces matériaux. Mais ils ont besoin de comprendre lesquels », souligne Bernard Hérodin, directeur général d'Eco-Emballages qui organise et accompagne le tri des emballages ménagers en France. Avec l'Association des maires de France, l'organisme déroule donc une communication en plusieurs axes. Articulée autour du slogan « Trier, c'est créer », la première vague d'affichage de l'année indiquait clairement que 10 bouteilles de plastique recyclées = 1 veste de ski ou 1 brique alimentaire recyclée = 1 serviette en papier. Tandis que la deuxième, intitulée « Trier, c'est préserver », met l'accent sur la contribution que peut apporter chacun.
Les 15 à 30 ans ont peut être plus de mal à passer de l'intention à la réalité. Alors que les enfants jouent un vrai rôle de prescripteurs auprès de leurs parents. Pour mieux décrypter les comportements, Eco-Emballages a d'ailleurs mené une étude sur « l'image du recyclé » qui sera rendue publique le 20 septembre.
La réceptivité au sujet s'inscrit dans un mouvement global de la société. « Le consommateur a changé d'ère. Au-delà du discours culpabilisant autour de l'environnement, il apprécie les messages d'espoir lui donnant le sentiment qu'il peut encore changer les choses. Même si les catégories les plus aisées y croient moins que les autres », analyse Laurence Bethines, planneur stratégique à l'agence de design Team Créatif.
« Il existe une réelle prise de conscience dans l'esprit du public que ce qu'il fait a des conséquences. La notion de recyclage n'a plus les connotations péjoratives d'autrefois mais apparaît plutôt comme un acte de valorisation », relève Geneviève Reynaud, directrice innovation de l'institut d'études Research International, dont le dernier carnet de tendances s'article autour des grands mouvement actuels comme la consommation en conscience.
En B to B, le phénomène prend aussi une ampleur particulièrement nette. « La problématique du recyclé n'intéresse plus seulement les spécialistes du développement durable dans l'entreprise. Les responsables des achats s'y montrent de plus en plus sensibles. Nous avons aujourd'hui un volant de clients plus large et tout le monde a une vraie soif d'informations », constate Bruno Sevin, directeur marketing d'InterfaceFLOR, spécialiste des dalles textile qui a fait du développement durable le coeur de sa stratégie.
Produits « citoyens »
Chez Bruneau, qui distribue mobilier et fournitures de bureau par catalogue, le nombre de références à base de matériaux recyclés est d'à peu près 900, allant de stylos Pilot à des bacs de manutention, sur les 1.500 considérées comme produits « citoyens ». Ces derniers, bien balisés dans le catalogue, comptent d'ailleurs pour environ 18 % du chiffre d'affaires. « En trois ans, les ventes de papiers recyclés ont été multipliées par trois. Le développement de l'offre nous permet de proposer des alternatives à nos clients dans les différents univers », remarque Dominique Aimé, directrice produits.
En matière de mobilier, HÅG, société norvégienne, utilise des pare-chocs et des bouchons de bouteille recyclés pour ses sièges ergonomiques. « Revendeurs et architectes s'intéressent de près au sujet et demandent des preuves et certificats », note Ewa Ybring-Diot, cofondatrice de Nordic Design qui diffuse la marque en France. Tous les champs d'action ne sont cependant pas ouverts. Dans son étude, Handy Bag a pu constater les réticences des Français dès qu'il s'agit d'un produit en contact avec les aliments. Chez Eco Emballages, Bernard Hérodin souligne qu'il existe des freins par rapport aux objets proches des jeunes enfants.
Autre écueil pour les marques : l'habillage. « Gare à ne pas transformer le recyclé en simple argument de vente. Il ne faut pas perdre de vue la globalité de la solution vis-à-vis de l'environnement », avertit Laurence Bethines.
Mais l'attrait pour le recyclage ne se limite pas à la réutilisation des matériaux. L'idée de récupération prend des allures de style de vie. Geneviève Reynaud estime qu'aujourd'hui elle se fait à tous les niveaux, y compris en matière créative, comme le montre le travail des DJ. Sur Internet, les sites spécialisés dans les objets que l'on donne plutôt que de les jeter se multiplient, de Consorecup à Recupe.net. Et les marques elles-mêmes commencent à inciter les consommateurs au recyclage. Patagonia, spécialiste de l'outdoor et pionnier dans le textile recyclé, leur demande de déposer leurs polaires usagés dans ses magasins. Quant à la marque de linge de maison Jalla, elle s'associe du 15 octobre au 15 janvier 2008 à l'organisme de collecte Le Relais pour proposer aux Français, après inscription, de déposer leur vieux linge dans les points de vente de la griffe participant à l'opération Carit'Actifs. En échange, ils obtiendront des bons de réduction. De quoi obtenir du neuf avec du vieux à moindre coût.