Ce n'est un secret pour personne : les débats organisés le mercredi 3 octobre à l'Assemblée nationale et le jeudi 4 octobre au Sénat ont pour objectif principal d'apaiser les nombreux parlementaires mécontents d'être tenus à l'écart du Grenelle de l'environnement.
Seuls neuf sénateurs et six députés (sur 300 personnes) ont participé - en général en tant qu'élus locaux - aux groupes de travail qui ont rendu leur copie le 27 septembre. A l'exception des sénateurs Marie-Christine Blandin (Verts, Nord) et Jean-François Legrand (UMP, Manche), qui ont animé la réflexion sur la biodiversité, les élus ont été absents des débats. Les deux assemblées, plus habituées à discuter en amont des projets de loi avec les cabinets ministériels, ont été contraintes de constituer des groupes de suivi pour se tenir au courant. "Quelle est la place du Parlement dans ce grand débat national ? Pour l'instant nulle part, constate Jean-Louis Léonard (UMP, Charente-Maritime), membre du groupe de suivi de l'Assemblée. La phase de vol du Grenelle se passe plutôt bien. Notre rôle, c'est de préparer l'atterrissage, qui va avoir lieu de nuit et par gros temps." "A trop ignorer les lois et règlements en place, les groupes de travail enfoncent parfois des portes ouvertes, affirme l'élu. Il va falloir trier."
Jérôme Bignon (UMP, Somme) parle aussi d'un "atterrissage compliqué". "Tout ce bouillonnement d'idées ne cadre pas avec le fonctionnement institutionnel classique de la France", explique-t-il. Il est cependant favorable à la méthode. "On n'a pas toujours besoin des parlementaires, affirme M. Bignon. L'idée est justement de faire émerger de nouveaux points de vue. Et les élus sont en train d'entrer dans le jeu." "Le Parlement monte en puissance, assure également Bruno Sido (UMP, Haute-Marne), responsable du groupe de suivi du Sénat. Les décisions du Grenelle auront des traductions budgétaires et législatives, à nous de les préparer."
En fait, les élus veulent peser dès maintenant. A quelques mois des municipales, ils redoutent l'impact qu'aurait l'adoption de mesures impopulaires. Lors de rencontres avec le ministre de l'écologie Jean-Louis Borloo, certains ont exprimé leurs réticences sur les mesures concernant le monde agricole (agriculture biologique, pesticides). Autre sujet de tension : le possible gel des OGM, qui pourrait provoquer un tir de barrage de certains parlementaires. Mardi 2 octobre, le président du groupe UMP de l'Assemblée, Jean-François Copé, a aussi mis en garde contre "une approche simplement de coercition, de sanctions, notamment fiscales".
L'environnement a longtemps été considéré par les parlementaires comme un obstacle au développement économique. "Lorsque Nicolas Hulot a été invité à l'Assemblée il y a deux ans, seulement 25 députés se sont déplacés", se souvient M. Bignon. Depuis, 325 députés et 48 sénateurs de toutes tendances ont signé son Pacte écologique. Un changement perceptible, selon Fabienne Labrette-Ménager (UMP, Sarthe) : "Je pensais être l'une des seules à m'intéresser à l'environnement, et c'est loin d'être le cas, j'en suis la première surprise."
François Grosdidier (UMP, Moselle) ne partage pas cette appréciation. "Le Pacte écologique, c'est oublié, affirme-t-il. Les collègues sont sur la défensive. On voit ressurgir les vieux réflexes. La défense d'intérêts économiques est légitime, mais elle ne peut pas toujours primer." L'élu redoute un "décalage" avec les attentes de l'opinion. "Comme Jacques Chirac a mis tout son poids pour faire adopter la Charte de l'environnement, Nicolas Sarkozy devra peser pour la réussite du Grenelle", affirme M. Grosdidier. "Il y a de la biodiversité aussi à l'UMP !, sourit Jean-François Le Grand. On trouve d'un côté un groupe conservateur, très méfiant, de l'autre un groupe partant pour les réformes, et au milieu la majorité silencieuse. Aura-t-elle le courage de s'exprimer en faveur de l'environnement ? Tout dépend de l'opinion. Si elle fait pression, les élus suivront."
Gaëlle Dupont
Article paru dans l'édition du 04.10.07.