Pourtant, il faudra bien, un jour, non seulement nourrir les 850 millions d'êtres humains qui souffrent encore de la faim, mais aussi alimenter les 9 milliards d'habitants que la planète bleue comptera en 2030. Du coup, voici à nouveau l'agriculture placée sous les feux de la rampe.
Les attentes de la société à son égard se sont élargies. Elle ne demande plus seulement aux paysans de nourrir le monde, d'entretenir les paysages et de rendre la nature habitable. Elle souhaite aussi qu'ils produisent de l'énergie renouvelable, fournissent des matériaux biodégradables et développent une chimie verte.
La société veut encore, comme l'ont montré les débats au Grenelle de l'environnement, que l'agriculture contribue à la lutte contre le réchauffement climatique, à la préservation de l'environnement, de la biodiversité et de la ressource en eau. Il lui faudra enfin reconquérir des surfaces de terres arables. Car, pour satisfaire tous ces besoins, il sera nécessaire de doubler la production végétale et d'accroître les surfaces cultivées qui, pour l'heure, reculent devant la progression des villes et des routes, l'avancée des déserts et l'érosion provoquée par certaines pratiques culturales.
Il faudra donc produire plus, mais avec moins d'eau, de chimie, et d'énergie. L'agriculteur est appelé à devenir le gestionnaire des écosystèmes, pour le compte de la société.
L'agriculture peut-elle relever de tels défis ? Oui, répondent Edgar Pisani et des agronomes, comme Marc Dufumier, Bruno Parmentier, Michel Griffon et Louis Malassis (1).
Les réponses techniques existent. Ici même, à l'Ouest, quelques paysans, encore très minoritaires, s'efforcent de devenir autonomes en énergie, tentent de reconquérir la fertilité de la terre grâce à des techniques agraires respectueuses de la vie du sol et réduisent l'usage d'engrais et de pesticides pour protéger l'environnement, leur santé et celle des consommateurs.
Les grandes filières agroalimentaires de l'Ouest peuvent y jouer leur partition si elles infléchissent leur modèle historique de production et se réorganisent. Car leur petite taille et leur éparpillement les fragilisent, face à leurs concurrents hollandais, danois et allemands, et les handicapent dans leur commerce avec la grande distribution. Ouest-France se penche, à partir d'aujourd'hui, sur les forces et les faiblesses de l'agriculture de l'Ouest dans ce contexte.
Restent les conditions politiques. L'agriculture ne saurait relever de tels défis sans le soutien de la société et de l'aide publique. Aides qui seront légitimes et socialement acceptées, si elles sont justes, équitablement réparties et bien expliquées. Nombre d'agriculteurs attendent de Bruxelles un aménagement de la Politique
Les toutes récentes déclarations de Mariann Fischer Boel, la commissaire européenne à l'Agriculture, sur le « bilan de santé de la Pac
Trop tôt pour le dire. Autre condition : que les paysans du Sud soient protégés et puissent vivre de leur travail. L'avenir de l'agriculture et celui du monde se joueront en grande part dans ces pays.
Jean LE DOUAR.
(1) Louis Malassis : « Ils vous nourriront tous, les paysans du monde, si... » éditions Cirad-Inra. Un colloque lui est consacré, mardi 27 novembre, à Rennes.Michel Griffon, « Nourrir la planète, la révolution doublement verte », chez Odile Jacob.Bruno Parmentier : « Nourrir l'humanité », éditions La Découverte.
Jean LE DOUAR