En cette rentrée fortement marquée par l'actualité liée à l’environnement, le Collège des Directeurs du Développement Durable a souhaité, dans le cadre du Grenelle de l'Environnement, donner la parole aux grands acteurs du domaine à l'intérieur des entreprises dans le but d'émettre une série d'opinions et de priorités.
L'objectif de cette consultation menée par l’Ifop était de recueillir l'opinion et les attentes des responsables du Développement Durable sur ce que le Grenelle devrait impliquer pour les entreprises. Les résultats de cette consultation apportent un éclairage unique sur « le vécu de l'intérieur » exprimé par 38 responsables développement durable de grands groupes français.
Au-delà de la diversité des contextes dans lesquels évoluent ces professionnels du Développement Durable qui se sont exprimés, cette consultation révèle une cristallisation très consensuelle des points de vue et des attentes qui ont été recueillis auprès de ces responsables et Directeurs de Développement Durable sur la plupart des points discutés.
L'analyse de leur point de vue à la lumière du regard posé par l'Opinion publique sur les entreprises, démontre par ailleurs l'existence d'une appréciation à la fois homogène et extrêmement lucide des besoins et positions à adopter pour l'avenir pour relever les défis du Développement Durable.
Le Grenelle de l’Environnement est notamment perçu comme un événement à la légitimité indiscutable. L’utilité du Grenelle de l’Environnement au regard des enjeux qu’il concerne est unanimement reconnue par les Directeurs et Responsables du Développement Durable dont plus de la moitié l’estiment même « très utile ».
Toutefois, l’implication des entreprises apparaît au regard de ces enjeux déterminante. Or, si de nombreuses initiatives et actions mises en oeuvre témoignent de la volonté des entreprises de s’engager en faveur du développement durable, si 71% reconnaissent à ce titre que des efforts ont été consentis sur ce terrain, près d’un Directeur du Développement Durable sur trois estime néanmoins que la mobilisation des entreprises d’une manière générale demeure à l’heure actuelle insuffisante.
Au-delà d’un jugement globalement positif, l’Ifop relève la même fragilité de conviction au sein de ces professionnels qu’au sein de l’Opinion (66% des Français jugent que les entreprises sont peu mobilisées en matière d’environnement même si une majorité d’entre eux reconnaît que ces dernières ont déjà commencé à prendre ces aspects en considération) : dans les deux cas en effet, le curseur se place davantage sur l’idée d’un certain engagement (« assez » / « peu mobilisées ») que sur celle d’une forte mobilisation, témoignant du sentiment indéniable qu’une marge de manœuvre importante existe encore à ce niveau même si un mouvement est d’ores et déjà amorcé.
Le défi en terme de communication pour les entreprises engagées en faveur du Développement Durable est double. Au-delà de l’interne, l’entreprise, acteur dont la légitimité est par ailleurs très massivement reconnue pour agir sur ce terrain mais souffrant d’un déficit de crédibilité évident à l’heure actuelle (seuls 36% des Français font confiance aux entreprises pour relever les défis du Développement Durable, les plaçant loin derrière les collectivités locales et mêmes les pouvoirs publics) doit maintenant gagner en visibilité sur ce terrain auprès du grand public et créer par ce biais les bases d’un rapprochement et in fine d’une reconnaissance de son engagement auprès des citoyens.
Si 97% des Français s’accordent à penser que les entreprises « devraient y consacrer demain des moyens encore plus importants » (dont 64% « tout à fait d’accord »), ce qui démontre « l’évidence » de cet impératif pour l’opinion publique, seuls 30% estiment à l’heure actuelle que les entreprises agissent efficacement dans cette direction, 29% qu’elle informent bien sur les actions menées et les projet en cours.
La nécessité d’aller au-delà des obligations de « compte-rendu » et de « reporting » prévues initialement par la loi NRE, pour imposer peu à peu une obligation de « résultats » aux entreprises, semble s’imposer aujourd’hui comme une évidence du point de vue de ces professionnels.
« L’intégration du Développement Durable dans la gouvernance des entreprises » et « L’engagement à faire de la publicité responsable et à n’utiliser le développement durable que sur des bases sérieuses et reconnues, avec un contrôle déontologique » constituent avec « le conditionnement de la commercialisation des produits nouveaux à leur innocuité pour la santé » les trois mesures les plus prioritaires à mettre en oeuvre du point de vue des responsables qui se sont exprimés.
Ceci traduit sans doute le désir exprimé par des Directeurs du Développement Durable, professionnellement et personnellement impliqués de longue date sur ce terrain, de ne pas voir la thématique Développement Durable et environnementale être galvaudée le jour où elle se diffuse largement dans l’opinion et au sein des entreprises.
Viennent ensuite des mesures qui prévoiraient la mise en place de contraintes sur le plan énergétique (visant l’efficacité énergétique), environnemental (en faveur du recyclage et de valorisation des déchets ; visant les émissions de CO² et les GES) et social (en faveur de la formation des salariés au développement durable). Le souci de transparence et d’information vis-à-vis du consommateur apparaît également essentiel avec l’obligation de fournir des éléments relatifs à la sécurité sanitaire des produits.
D’autres mesures dotées d’une dimension fiscale, visant notamment à récompenser les entreprises vertueuses ou encore à soutenir l’ISR, quoique jugées nécessaires par une majorité de personnes interrogées, revêtent un caractère plus secondaire.
Cette hiérarchie des mesures prioritaires à mettre en oeuvre pour agir en faveur de la protection de l’environnement et du Développement Durable démontre la nécessité d’une dynamique complémentaire entre d’une part des actions qui relèvent avant tout de la volonté propre de l’entreprise, et d’autre part de contraintes qui émanent d’une source réglementaire.
Si certains responsables croient avant tout au potentiel interne de leur entreprise pour mener à bien les démarches en faveur du Développement Durable, nombreux sont ceux qui appellent de leurs vœux un renforcement du cadre réglementaire et de la législation actuellement en vigueur pour l’atteinte de ces objectifs. 61% des personnes s’étant exprimé jugent souhaitable que l’Etat encadre par la réglementation ce type de démarches et lie la fiscalité aux résultats des entreprises en matière de développement durable pour stimuler le progrès. 84% d’entre eux sont à ce titre favorables à ce que le Grenelle de l’Environnement débouche sur des mesures contraignantes pour les entreprises, renforçant l’idée du besoin d’inscrire ces projets dans un cadre « contraignant ».
Ce constat démontre une nouvelle fois la très grande proximité des positions partagées à la fois par l’Opinion et les Directeurs de Développement Durable eux-mêmes sur ce sujet. Alors même que les Français se disent majoritairement convaincus que les entreprises, qu’elles le veuillent ou non, se préoccuperont toutes demain d’environnement (75%), une proportion quasiment équivalente (73%) estiment que seule la contrainte par la loi peut obliger entreprises et consommateurs à changer leurs habitudes3.
En complément, les Directeurs de Développement Durable ayant exprimé leur opinion dans le cadre de cette consultation se prononcent à l’unanimité en faveur d’une multiplication des initiatives visant à stimuler les efforts fournis par les entreprises : tous estiment que l’Etat devrait prendre en compte dans ses appels d’offre publics les performances de développement durable de ses fournisseurs, dont 92% le pensent fermement ; De la même manière ils soulignent massivement la nécessité pour l’Etat d’encourager l’innovation et la recherche dans le Développement Durable.
Autre signe d’une évolution significative du contexte, et de l’existence de conditions favorables à la mise en oeuvre de ces politiques par les entreprises, plus des deux tiers des responsables interrogés affirment que le Développement Durable et la problématique environnementale sont aujourd’hui perçus au sein de leur entreprise comme des opportunités plus que comme des contraintes.
Mais si des consensus massifs autour des grands enjeux du Développement Durable existent, la diversité du contexte des entreprises génèrent néanmoins sur certains points particuliers des opinions plus partagées. Ainsi, 42% des responsables interrogés souhaiteraient que le dialogue avec les parties prenantes en matière de Développement Durable, au sein de l’entreprise, soit institué dans le cadre de l’évaluation des politiques de développement durable, 37% au niveau de la direction générale de l’entreprise.
Les autres alternatives sont plébiscitées dans des proportions beaucoup plus
marginales. Le besoin de respecter au plus près les spécificités professionnelles propres à chaque secteur explique sans doute le souhait des responsables d’associer les entreprises aux mesures du Grenelle de l’Environnement au niveau de leurs branches. Les contrats sectoriels apparaissent en effet pour 66% des répondants comme le niveau la plus adéquat dans ce contexte, loin devant les possibilités d’association directe ou négociées via leur instance de représentation nationale.
Finalement, les Directeurs et Responsables du Développement Durable des grands groupes interrogés sont convaincus (à 92%) que le Grenelle de l’Environnement va faciliter leur mission dans les années à venir, peut-être par les mesures sur lesquelles il débouchera, d’ores et déjà sûrement par le soutien institutionnel et médiatique qu’il apporte.
Un Grenelle de l’Environnement qui sera d’autant plus réussi qu’il sera un point de départ et non un point d’arrivée ; qu’il débouchera sur quelques mesures phares, très concrètes et réalistes ; qu’il s’inscrira dans une obligation de résultats mesurables ; que l’Etat soit exemplaire et s’engage également; que les mesures soit consensuelles, contraignantes, mais également incitatives et pédagogiques.
Cette consultation a été réalisée par l'Ifop pour le C3D (Collège des Directeurs de développement durable engagés) auprès de Responsables et Directeurs de Développement Durable. 38 personnes se sont exprimées. Les interviews ont été réalisées on line, terrain du 17 septembre au 10 octobre 2007.