Chine en tête, les pays en développement se sont querellés avec les Occidentaux sur les réductions obligatoires d'émissions de gaz à effet de serre lors de la conférence des Nations unies sur le changement climatique à Bali, tandis que des associations de défense de l'environnement accusaient samedi le Canada de saper les négociations en insistant sur les objectifs à fixer aux nations moins industrialisées.
La Chine, désormais considérée par certains comme le premier émetteur mondial de dioxyde de carbone et autres gaz à effet de serre (GES) devant les Etats-Unis, s'est interrogée sur l'équité de réductions contraignantes à l'heure où ses émissions par habitant équivalent un sixième des émissions américaines. Pékin a aussi fait valoir que ses rejets de polluants dans l'atmosphère ne dataient que de quelques décennies tandis que ceux provenant de l'Occident remontaient à des centaines d'années.
"La Chine est dans le processus d'industrialisation et la croissance économique doit répondre aux besoins fondamentaux des gens", a avancé Su Weï, de la délégation chinoise à Bali. "Je me demande simplement s'il est juste de réclamer aux pays en développement (PVD) comme la Chine d'accepter des objectifs contraignants", soulignait-il vendredi, en renvoyant implicitement les Etats-Unis à la nécessité de s'interroger sur un changement de leurs modes de consommation pour contribuer à la protection du climat.
Par la voix de leur négociateur en chef, Harlan Watson, les Etats-Unis ont répondu samedi que Bali n'était pas le lieu pour discuter d'objectifs contraignants de réduction d'émissions. "Nous ne sommes pas prêts à le faire ici", a-t-il dit. Une position qui fait craindre à certains qu'on aura peu d'espoir de voir inscrits dans le document final l'obligation pour tous les pays industrialisés de réduire leurs émissions de GES de 25 à 40% d'ici 2020.
Les délégués de près de 190 pays participent jusqu'au 14 décembre à la conférence de Bali, qui s'est ouverte le 3. Ils devraient convenir de lancer des négociations destinées à aboutir à un accord international succédant au Protocole de Kyoto de 1997. On s'attend également à ce qu'ils fixent une date-butoir pour la fin des négociations et s'accordent sur certains sujets.
Le Protocole, rejeté par les Etats-Unis, fixe à une trentaine de pays industrialisés un objectif de réduction de leurs gaz à effet de 5% en moyenne par rapport aux niveaux de 1990 durant la période 2008/2012, date d'expiration du traité.
Le ministre indonésien de l'Environnement Rachmat Witoelar, président de la conférence, a souligné que les discussions sur l'ouverture des pourparlers post-Kyoto étaient en cours et qu'"avec de la chance", un accord serait trouvé le week-end prochain. "Il n'y a pas d'impasse", a-t-il assuré.
Yvo de Boer, secrétaire exécutif de la CCNUCC (Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques), a de son côté fait état du bon déroulement de la première semaine et s'est montré optimiste quant à un accord. "J'ai observé une forte volonté de la part des pays à aboutir à une issue couronnée de succès à Bali", a-t-il dit.
Cependant, Climate Action Network Canada, une coalition de groupes canadiens de défense de l'environnement, a affirmé que les négociateurs canadiens à Bali avaient reçu pour consigne d'"exiger que les nations les plus pauvres acceptent les mêmes critères contraignants de réduction d'émissions que les pays industrialisés". "Le Canada tente de réécrire l'histoire en plaçant le fardeau des réductions d'émissions sur les pays les plus pauvres", a accusé Steven Guilbeault, de l'association Equiterre.
Un document provenant, selon la coalition, d'une fuite sur la position des négociateurs canadiens, a été fourni à la presse mais son authenticité n'a pu être vérifiée.
D'après Rajendra Pachauri, président du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), il est "absolument essentiel" que les pays industrialisés prennent des engagements et conviennent d'actions, afin de fournir une "base morale" aux Etats en développement. Sinon, il est peu probable pour lui que ces derniers acceptent des objectifs de réduction d'émissions.