La CRIIRAD (Commission de Recherche et d'Information indépendante sur la Radioactivité) a mis en évidence la contamination radioactive d'un petit village du Cantal, Saint Pierre, qui a abrité une mine d'uranium entre 1958 et 1981 et une usine de retraitement des déchets de 1976 à 1985.
Depuis 2003, la Crrirad a mené des recherches et des analyses dans le secteur, avec le soutien des associations locales et au financement du Conseil régional d’Auvergne et du Conseil général du Cantal. Après 4 ans d'enquête, la Commission indépendante a pu démontrer que les installations ont laissé un "héritage de plus de 530 000 tonnes de déchets radioactifs non conditionnés, enfouis directement dans les excavations minières." Les prélèvements ont confirmé les premiers doutes émis par les associations locales : le plan d'eau situé en contrebas est bel et bien contaminé, de même que sont relevés des niveaux de radioactivités inquiétants sur le terrain de foot, le terrain de tir, ou dans un lotissement. Ces déchets constituent pour le très long terme – environ un million d’années – une source de contamination considérable pour l’environnement, et notamment pour le plan d’eau. Les mesures de la Criirad ont été confirmées par l'Institut de Radioprotection et de Sûreté nucléaire. Bruno Chareyron, responsable de l'étude pour la CRIIRAD, a déclaré à l'Associated Press qu'il "est urgent d'agir, notamment pour ce qui concerne les maisons du lotissement communal où les niveaux de radon sont à terme dangereux pour la santé des habitants." D'autre part il lui semble "impératif de ne plus rien construire sur les parcelles de la commune contaminées. Il faut également revoir les conditions de stockage des déchets radioactifs miniers". La Criirad note un certain nombre de questions que soulève ce dossier, concernant : 1/ les conditions de remise dans le domaine public des parcelles issues d’anciens sites miniers ou nucléaires ; 2/ le manque de fiabilité des états des lieux officiels, qu’il s’agisse de l’autocontrôle de l’exploitant ou des contrôles des services de l’Etat ; 3/ l’absence de critères d’assainissement des sols ; 4/ les conditions de stockage des déchets radioactifs miniers et des résidus d’extraction de l’uranium, conditions totalement dérogatoires aux règles habituelles de sécurité et de confinement des matières radioactives. Selon la Criirad, ces questions ne sont pas propres à st Pierre, mais concernent de très nombreux autres sites. Elle a en effet relevé des anomalies similaires en Haute-Vienne (La Crouzille, Jouac…), en Loire-Atlantique (L’Ecarpière), dans l’Héraut (Lodève), dans la Loire et l’Allier (Bois Noirs) ou encore en Saône-et-Loire (Gueugnon). Les conclusions de l'étude de la Criirad : Présence de déchets radifères dans le domaine public y compris le sol d’un lotissement communal : Niveaux de radium 226 supérieurs à 47 000 Bq/kg dans le sol du terrain de foot, à 10 000 Bq/kg dans le sol devant une villa du lotissement, 76 000 Bq/kg dans le sol au nord du terrain de camping, 29 000 Bq/kg dans le bois au nord du stand de tir, soit de l’ordre de 100 fois à 700 fois plus que le niveau naturel des sols de la région. Il s’agit le plus souvent de résidus de traitement de minerai d’uranium. La plupart des parcelles contaminées ne sont soumises à aucune servitude : rien ne permet de limiter l’exposition des personnes qui y vivent ou qui les fréquentent. A l’intérieur du site, dans le secteur de l’usine, théoriquement démantelé et assaini, les quelques contrôles réalisés ont permis de repérer des contaminations résiduelles inacceptables dont la présence de matières de type « yellow cake » avec une activité massique de plus de 3 millions de Bq/kg en uranium 238 (soit plus de 30 000 fois le niveau naturel de référence). Ces matériaux radifères ou uranifères méritent la qualification de « déchets radioactifs » de type TFA à vie longue et pour certains de type FA à vie longue et devraient être entreposés sur un site de stockage spécifique avec des garanties de confinement appropriées. A Saint-Pierre, certains de ces déchets sont à même le sol. Ils entrainent de ce fait une irradiation gamma anormalement élevée et une exhalation de gaz radioactif (radon 222), 5 à plus de 100 fois supérieure à celle mesurée sur des terrains naturels du secteur. La présence de ces déchets radioactifs en surface ou à très faible profondeur entraine également une contamination radiologique et chimique des eaux de ruissellement et des eaux souterraines qui s’écoulent en particulier du site minier vers le plan d’eau (attestée notamment par des prélèvements au niveau du puits Gérémy). Cette contamination conduit à de fortes accumulations d’uranium 238 dans les fossés du plan d’eau (jusqu’à 144 000 Bq/kg). Des anomalies sont également détectées dans une prairie à l’ouest du site minier (39 800 Bq/kg) et dans les sédiments du Combret au Nord avant confluence avec la Dordogne (7 800 Bq/kg). Environ 530 000 tonnes de résidus radioactifs issus du traitement des minerais ont été simplement déversés dans l’ancienne carrière : déversés bruts sans conditionnement, et dans une excavation dépourvue de confinement . Ils constituent un terme source considérable et pour le très long terme. La période du thorium 230, un radionucléide clé, étant de 75 000 ans, les résidus d’extraction de l’uranium constituent une source de pollution considérable sur environ un million d’années. Si les déchets ne sont pas retirés, les transferts vont s’opérer sur le très long terme et pourront s’accélérer en fonction des évolutions climatiques. L’autorisation de l’aménagement du plan d’eau touristique à cet emplacement est une aberration et témoigne d’un grave dysfonctionnement au niveau des autorités concernées. Faute de l’interdire, il faudra maintenir une surveillance permanente (y compris sur la destination des boues de curage) et aussi longtemps qu’il sera utilisé. Dans les zones contaminées ouvertes au public, le cumul des expositions externes et internes révèle des niveaux de dose (certes dans le domaine dit des « faibles doses ») mais qui ne sont pas négligeables sur le plan sanitaire, y compris pour des temps d’exposition courts de quelques minutes par jour, cumulés sur toute l’année. Enfin, des niveaux de radon très élevés ont été mesurés dans certains bâtiments avec des dépassements du seuil de 1 000 Bq/m3 qui impose d’intervenir d’urgence dans les bâtiments qui accueillent du public. Or le temps de présence dans les bâtiments accueillant du public est généralement nettement inférieur au temps de présence dans les habitations (le risque dépend du taux de radon dans l’air et du temps de présence). Dans une chambre d’un pavillon du lotissement communal construit sur des terrains contaminés par le radium 226, la CRIIRAD a mesuré 5 000 Bq/m3 alors qu’à quelques centaines de mètres, dans un autre pavillon du lotissement voisin (construit sur terrain naturel), la concentration en radon n’était que de 62 Bq/m3). La moyenne de la concentration en radon dans les habitations du Cantal est estimée par l’IRSN à 161 Bq/m3. Certains groupes de population peuvent donc subir des expositions annuelles ajoutées bien supérieures à la dose maximale annuelle admissible.