Le boom mondial de l'électricité solaire, principalement produite par des cellules photovoltaïques à base de silicium, est le secret le mieux gardé de France. En Allemagne, grâce à un soutien public jamais démenti depuis 2000, on s'apprête à franchir le seuil des 4 gigawatts installés (soit l'équivalent d'autant de centrales thermiques ou nucléaires), cent fois plus qu'en France.
L'Espagne et l'Italie suivent depuis deux ans la voie tracée outre-Rhin. En Californie, on assiste à une véritable mobilisation. Le gouverneur Arnold Schwarzenegger met en place un programme d'un million de toits solaires photovoltaïques. La Silicon Valley se passionne pour l'électricité solaire et investit plusieurs centaines de millions de dollars dans des sociétés pionnières des technologies à couches minces. Trois grandes compagnies d'électricité viennent d'annoncer des programmes d'investissements solaires pour plus de 2 gigawatts. En Chine, une industrie puissante et rentable a surgi de zéro en trois ans grâce aux sommes levées en Bourse aux Etats-Unis, créant plus de 50.000 emplois et contribuant ainsi à reléguer notre champion national, Photowatt, du troisième au vingtième rang mondial. A Abu Dhabi, une ville entièrement solaire de 50.000 habitants va sortir de terre et une part importante des surplus du pétrole va être investie pour créer une industrie solaire de taille mondiale. A Thalheim enfin, en Allemagne, les dirigeants de Q-Cells, société devenue le numéro deux mondial de l'industrie photovoltaïque, se préparent à investir un marché qu'ils chiffrent en milliers de gigawatts, en travaillant à réduire les coûts de l'électricité solaire au niveau de ceux des autres énergies, ce qu'ils envisagent d'ici quelques années. Et en France ? Comme les nuages de Tchernobyl, les nouvelles sur le boom de l'électricité solaire semblent s'être arrêtées sur la ligne bleue des Vosges. On se congratule en s'imaginant, comme dans un rêve, en pointe sur les énergies de demain et la lutte contre le changement climatique. Pourtant, au même moment, loin des projecteurs, et à la faveur de dispositifs mis en place en 2006 (tarif de rachat, crédit d'impôts), la vague de l'électricité solaire est en train de gagner le pays profond. A Vinon-sur-Verdon, Oraison, Sainte-Tulle, Narbonne ou Torreilles, des équipes municipales volontaires lancent en concertation avec leurs concitoyens des projets de parcs solaires de plusieurs hectares. En Provence, en Corse, dans le Roussillon, en Savoie, en Alsace, à la Réunion, en Guyane et même à Paris, les acteurs des territoires (élus, agences de développement, chambres consulaires, parcs naturels, organismes financiers régionaux, associations professionnelles du solaire...) s'organisent pour faire de l'électricité solaire un axe du développement de leurs territoires. Partout, des agriculteurs, qui ont plus que tous les autres pris conscience du réchauffement climatique, s'apprêtent à remplacer leurs vieilles toitures amiantées par des toitures photovoltaïques. Du Nord au Midi, des entreprises de toutes tailles, logisticiens, industriels, distributeurs, exploitants de parcs immobiliers veulent faire de leurs toitures une source d'utilité collective, d'image - et de revenus - en les couvrant de systèmes photovoltaïques. Et depuis le début de cette année, plus de 3.000 foyers, bravant les inerties du système, ont décidé de passer à la production d'électricité solaire. En fait, si on est bien assisté, c'est simple (et ça peut rapporter sans mise de fonds), quand on a une maison individuelle bien orientée, d'installer sur son toit un système photovoltaïque connecté au réseau électrique. On peut ainsi réduire instantanément ses émissions de gaz à effet de serre de 20 %, autant que si l'on arrêtait de circuler en voiture. Comment ne pas le faire, quand on peut enfin conjuguer écologie et économie ? Alors oui, sans qu'on s'en rende compte, les Français se sont lancés dans la course à l'électricité solaire, une ressource considérable, inépuisable, propre, sans nuisance, que chacun peut produire, et on sait aujourd'hui qu'elle est la réponse durable au défi du réchauffement climatique et à l'épuisement, évident et inéluctable, de toutes les sources d'énergies fossiles et minières. Simultanément, c'est toute une filière, industrielle et de services, qui est en train de naître ici, avec, à la clef, comme en Allemagne, des dizaines de milliers d'emplois. Chacun, particulier ou organisation, du public ou du privé, peut agir dès maintenant et prendre sa part à ce mouvement si prometteur pour l'avenir de la planète et de notre économie. THIERRY LEPERCQ est président de Solaire Direct.