D'une façon générale, les dépenses en carburant croissent en fonction des revenus. Hervé Nifenecker plaide pour un mécanisme d'allocation universelle de bons de détaxation. Alain Grandjean et Jean-Marc Jancovici, dans leur ouvrage "Le plein SVP" ont proposé une taxe carbone progressivement croissante pour assurer "automatiquement" l'obtention d'une diminution suffisante des émissions. Ce type d'approche "économiste" ne s'appesantit pas sur les conséquences des inégalités sociales. Par Hervé Nifenecker, président de "Sauvons le climat"
Un certain nombre de mécanismes fiscaux ont été proposés pour inciter à réduire notre consommation de combustibles fossiles. Le système de permis d'émission, créé par l'Union européenne, ne s'applique qu'au secteur des grosses entreprises. En ce qui concerne les PME et les particuliers, Alain Grandjean et Jean-Marc Jancovici, dans leur ouvrage "Le plein SVP" (Points Seuil, février 2007), ont proposé une taxe carbone progressivement croissante pour assurer "automatiquement" l'obtention d'une diminution suffisante des émissions. Ce type d'approche "économiste" ne s'appesantit pas sur les conséquences des inégalités sociales.
Pour les plus favorisés, la taxe carbone serait à peine remarquée. Il n'est que de constater le succès des opérations du type "je passe mes vacances aux antipodes mais je plante un arbre". Au contraire, elle aurait des conséquences lourdes sur la majorité de nos concitoyens qui ont déjà du mal à payer leurs charges de chauffage ou à faire face aux dépenses de trajet domicile-travail lorsqu'ils n'ont pas accès à des transports en commun adaptés (pensez, par exemple, aux travailleurs postés ou travaillant en zone rurale).
Faut-il pour autant renoncer à la taxation des émissions de CO2 ? Non, sans doute, et nous y reviendrons. Mais les premières mesures à prendre sont d'abord d'ordre réglementaire. Dans le domaine du logement, il faut rendre obligatoire les compteurs et les moyens de régulation individuels sur tous les appartements HLM. Il faudrait probablement moduler les charges de chauffages en fonction de l'emplacement des appartements. Il faut interdire l'installation de nouvelles chaudières à gaz, fioul ou charbon.
Ainsi, les locataires seront protégés des augmentations de prix et de taxe. De nombreuses possibilités existent : chauffage collectif au bois, pompes à chaleur, chauffage solaire partiel, chauffage électrique avec stockage et effacement aux heures de pointes. Il faut aussi, et de bonnes mesures ont été ou seront prises dans ce sens, en particulier en application des conclusions du Grenelle de l'environnement, encourager financièrement les opérations d'isolation, de remplacement des chaudières et d'équipements individuels et, aussi, de remplacement des vieilles voitures fortement émettrices.
Nous retrouvons ici l'intérêt d'une taxe carbone pour financer ces aides. Elle devra être élevée pour avoir un effet dissuasif sur les émissions, mais elle peut également favoriser la recherche de solutions non émettrices par un mécanisme semblable à celui des permis d'émission négociables déjà mis en place pour les entreprises. Il s'agit de faire en sorte que les consommateurs "vertueux" soient récompensés de leur vertu.
Chaque résident en France se verrait remettre des bons lui permettant de se procurer des combustibles fossiles hors taxes pour le transport, pour le chauffage, pour la cuisine, etc. Un résident dont les achats de combustibles fossiles dépasseraient le montant alloué par ses bons devrait soit racheter des bons, soit payer la taxe pour tout nouvel achat. Inversement, un résident dont les achats seraient inférieurs au montant autorisé par ses bons pourrait les vendre, recevant ainsi une rémunération du fait que ses émissions sont faibles.
Pour obtenir une diminution significative des émissions de CO2 par les particuliers, il faudrait, d'une part, que l'ensemble des "bons de détaxation carbone" émis représente des émissions inférieures à la consommation annuelle moyenne de combustibles fossiles au moment de leur mise en place, disons la moitié pour fixer les idées et, d'autre part, que la taxe soit élevée afin que l'achat de bons de détaxation soit plus avantageux que le paiement de la taxe. On aurait alors un vrai marché des bons de détaxation et un véritable encouragement à la recherche de solutions non émettrices de CO2 puisqu'elles seraient rémunérées.
D'une façon générale, les dépenses en carburant croissent en fonction des revenus. Les enfants et les personnes âgées sont peu consommateurs. Ainsi, par le mécanisme d'une allocation universelle de bons de détaxation, la lutte contre le réchauffement climatique deviendrait un moyen de réduire les inégalités sociales, ce qui la rendrait d'autant mieux comprise et populaire.
Hervé Nifenecker, président de "Sauvons le climat"