Le pétrole a démarré l'année 2008 sur les chapeaux de roue, hier à New York, le baril touchant le seuil historique de 100 dollars en séance et clôturant à un niveau record, largement au-dessus de 99 $.
Sur le New York Mercantile Exchange (Nymex), le baril de « light sweet crude » pour livraison en février a terminé la séance en hausse de 3,64 dollars à 99,62 $, effaçant ainsi son précédent record de clôture qui datait du 23 novembre (96,55 $).
À mi-séance, le baril a grimpé très brièvement au prix exact de 100 $ pour la première fois de son histoire.
À Londres, le baril de Brent de la mer du Nord s'est aussi envolé, atteignant successivement les 97 $ le baril pour la première fois, puis un nouveau record absolu, à 98$. Il a aussi clôturé à des sommets, à 97,84 $ (+ 3,99 $).
Après le Pakistan, les troubles au Nigeria ont contribué à aiguiser la nervosité du marché. Au moins 12 personnes ont été tuées pendant les festivités du Nouvel An à Port Harcourt, le centre pétrolier du sud du Nigeria, qui est le premier producteur africain et le 5e fournisseur des États-Unis. Ces nouveaux signes d'instabilité géopolitique viennent s'ajouter aux inquiétudes concernant la situation au Pakistan, qui poussent les cours.
Le risque de perturbations accrues sur le marché mondial du pétrole intervient à une période où le niveau de l'offre inquiète, de nombreux experts jugeant l'approvisionnement précaire par rapport à la demande, tirée par la croissance chinoise alors que les stocks US sont au plus bas depuis trois ans.
Pourtant, selon Didier Houssin, chargé du marché pétrolier et des mesures d'urgence à l'Agence internationale de l'énergie, « 100 dollars, c'est symbolique, ce n'est pas forcément le signe d'une nouvelle tendance ».
Une hausse du prix du pétrole, c'est d'abord un impact direct sur les prix à la pompe et des automobilistes qui voient leur plein d'essence peser de plus en plus lourd dans leur budget. Le prix du litre d'essence ou de gazole pourrait ainsi augmenter de plusieurs centimes à la mi-janvier si le prix du baril de pétrole se maintenait à environ 100 dollars, vient d'avertir l'Union française des industries pétrolières (Ufip).
"Si on se maintient à 98, 100 dollars le baril de brut, il y aura un impact à la mi-janvier. Ca correspondrait à 3 à 4 centimes de plus pour chaque litre de carburant", que ce soit le gazole, l'essence ou le fioul domestique, par rapport à la moyenne de décembre, a indiqué Jean-Louis Schilansky, délégué général de l'Ufip.
Lagarde : il faut "s'habituer"
La ministre de l'Economie et de l'Emploi Christine Lagarde a estimé que le monde allait "devoir s'habituer" à vivre avec un pétrole cher jugeant que le niveau élevé des prix de l'or noir serait "durable" (Retrouvez ici notre infographie sur l'évolution du prix du baril). Interrogée sur d'éventuelles mesures fiscales, elle a indiqué qu'elle présenterait dans l'année "une révision des prélèvements obligatoires" qui prendrait en compte "à la fois les taxes sur les produits pétroliers et les taxes ou les incitations sur les nouveaux types d'approvisionnement".
Par ailleurs, conformément à ce qu'elle avait annoncé début décembre, elle a rappelé que les ménages modestes qui se chauffaient au fioul pourraient bénéficier d'une "prime exceptionnelle à la cuve" doublée, de 150 euros, et financée par les opérateurs pétroliers.
Hausse excessive?
"Je suis contente qu'on ait négocié avec les producteurs-distributeurs de pétrole au mois de novembre pour obtenir de leur part un engagement de répercuter les baisses immédiatement et de lisser les hausses. C'est ce qu'ils font actuellement", a encore déclaré la ministre de l'Economie. "On va être extrêmement vigilant pour s'assurer que c'est bien le cas",
Pour l'UFC-Que Choisir, au contraire, les distributeurs de carburant n'auraient "pas tenu les engagements" pris en novembre auprès du gouvernement. L'association de consommateurs dénonce une hausse de leur marge de plus de 2 centimes par litre alors les stations services s'étaient engagées à la geler auprès de la ministre de l'Economie. Cette hausse leur aurait déjà rapporté 35 millions d'euros et représenterait une perte annuelle de 400 millions d'euros pour le consommateur français même si elle ne touche pas chacun de la même manière.
30% d'augmentation pour le fuel
"Il y a une injustice avec la hausse du pétrole", reconnaît François Carlier, le directeur adjoint des études à l'UFC-Que Choisir. "Pour un couple en milieu rural qui a deux voitures et se chauffe au fuel domestique, l'impact est violent alors que pour un jeune actif parisien qui utilise les transports en commun et se chauffe à l'électrique, il est presque indolore". Selon ses calculs, le prix du fuel domestique - moins taxé que l'exssence et donc plus sensible à la hausse du baril - a augmenté de plus de 30 % entre l'hiver 2006 et l'hiver 2007.
L'impact de cette hausse sur la vie quotidienne n'est plus à prouver mais elle touche aussi les vacances. Les compagnies aériennes qui voient leurs marges s'amenuiser sont contraintes de répercuter la hausse de leur facture de kérosène sur le prix des billets d'avion. Cet été, Air France avait ainsi procédé à plusieurs augmentations en les justifiant par la hausse des cours.
Veaux, vaches, poissons
D'autres effets sur le pouvoir d'achat sont indirects et donc plus difficiles à mesurer. Tous les autres secteurs gourmands en pétrole et carburant, et dont la facture énergétique s'alourdit, comme l'industrie, la pêche, l'agriculture en général et même le textile justifient parfois les hausses des prix par la hausse incessante du baril.
Les marins pêcheurs viennent d'obtenir une taxe de 2%, payée par les distributeurs sur la vente des poissons face à l'augmentation du prix du carburant. "Un mauvais coup pour le pouvoir d'achat des Français", a dénoncé la Fédération du commerce et de la distribution (FCD) qui n'hésite pas à parler de "quasi-TVA sur les poissons" perçue depuis le 1er janvier.
"L'ensemble de ces secteurs nous expliquent qu'ils ne font que répercuter la hausse de leur facture malheureusement aucune étude en France ne permet de mesurer cet impact pour chacun", explique de son côté François Carlier. Les consommateurs n'ont donc d'autre choix pour l'instant que de les croire.