Compte-rendu de la conférence qui s'est déroulée dans le cadre du Séminaire développement durable et économie de l'environnement, organisé par la chaire Développement durable Ecole polytechnique - EDF et par l'IDDRI. Voir la version pdf de la présentation
Changement climatique et tourisme : répondre à un enjeu global, compte-rendu |
Compte-rendu de la conférence de Jean-Paul Céron et Ghislain Dubois, le 29 janvier 2008 et version pdf de la présentation. | |||
publié le 4 février 2008 | |||
Thématique: | Changement climatique / climatic change, Développement durable / Sustainable development, Environnement, Impact du tourisme, Impact sur le tourisme, Tourisme durable |
Voir la version pdf de la présentation Elle a réuni plus d'une cinquantaine de personnes issues de divers milieux, notamment du tourisme et des transports. L'objectif de la conférence était de rendre compte des travaux du réseau de recherche eCLAT qui regroupe la majorité des chercheurs qui travaillent aujourd'hui sur les interactions entre le tourisme et le changement climatique au niveau mondial, ainsi que des travaux des deux chercheurs français, membres de ce réseau, Jean Paul Céron et Ghislain Dubois. Ghislain Dubois souligne que le tourisme est concerné à double titre par le changement climatique : · Au titre de l'impact qu'il subit par le changement climatique · Au titre de sa contribution au changement climatique I. Les impacts du changement climatique sur le tourisme Il s'agit · D'impacts dans les destinations, · D'impacts sur la demande touristique. Les impacts dans les destinations, sous la forme d'impacts directs comme par exemple des étés et des hivers plus chaud, des précipitations, des évènements extrêmes, etc. Ils se présentent également sous forme d'impacts indirects via l'environnement avec l'éventuelle diminution des ressources en eau (enneigement écourté), les pertes de biodiversité (l'impact sur la forêt et le tourisme de nature), la hausse des niveaux de mer. Les impacts indirects via les sociétés (déstabilisation, perte de revenus, etc.)...et enfin un troisième type d'impact est à relever relatif, celui-ci, aux politiques de réduction des émissions sur les mobilités touristiques. Les implications sur la demande touristique Elles se traduisent par des impacts directs avec modification des flux touristiques, des impacts indirects via l'environnement, des impacts sur la société au niveau des régions et destinations et sur la croissance et les revenus disponibles, et enfin des impacts des politiques de réduction des émissions sur les mobilités touristiques avec l'augmentation des coûts des voyages et les surtaxes. Les conférenciers insistent cependant, en l'état actuel des connaissances sur le caractère « spéculatif » et encore grossier des modèles. De même les incertitudes sur les réactions des touristes à des modifications des paramètres climatiques restent considérables. Les capacités d'adaptation des destinations et des acteurs du tourisme sont potentiellement très variables. II. Les impacts du tourisme sur l'environnement Ghislain Dubois fait le point sur les travaux évaluant les émissions de gaz à effet de serre du tourisme, dominées par les émissions liées au transport. Il utilise les conclusions du rapport « Changement climatique et tourisme » remis en octobre 2007 par un groupe d'experts internationaux (dont les deux conférenciers), à l'OMT, le PNUE et l'Organisation météorologique mondiale. Les impacts bruts des activités touristiques mondiales, (y compris tourisme de la journée), sont ainsi chiffrées à 5 % des émissions (GES), dont 75 % dues aux Transports, et au sein de ce poste à 55 % au transport aérien. Ces chiffres restent à affiner : du fait en particulier que n'ont pas été pris en compte les effets de « forçage radioatif » (formation de cirrus) entraînés par les vols des avions modernes à haute altitude. Il se pourrait qu'il faille multiplier en fait les chiffres existants par 3 ou 4 pour s'approcher de la réalité. Ces émissions sont en fait très différenciées selon le mode transport et le type de séjour., avec une forte concentration des émissions : ainsi, le voyage aérien est la source de 40 % de toutes les émission dues au tourisme. Les transports touristiques (agréments ou d'affaires) représentent 6 à 8% des émissions de la France, dont 62% du fait des voyages aériens ; 5% des touristes français contribuent en fait, à eux seuls, à 50% des émissions liées aux déplacements touristiques. Ghislain Dubois : « Si le tourisme était un pays, en terme d'émission, il se situerait entre la Russie et l'Inde. » Les principales modalités envisageables pour la réduction de ces émissions Jean Paul Ceron présente les principales options d'atténuation · Améliorer l'efficacité énergétique, · Développer des énergies renouvelables ou neutre en carbone, · Séquestrer le CO (projets de compensation / reforestation) Jean-Paul Céron présente, à partir d'une recherche effectuée en 2006 par les conférenciers pour le PREDIT, les travaux effectués sur la place du tourisme dans les scénarios de stabilisation des émissions de gaz à effet de serre (scénarios de type « facteur 4 »). Il est possible d'envisager un scénario de développement durable à 2050 pour la France avec une diminution par 3 des émissions pour le tourisme. Mais quel tourisme serait possible dans un tel scénario ? La question posée est également celle du tourisme socialement « désirable » et de sa compatibilité avec les impératifs ou contraintes du « durable ». Les contraintes adoptées pour ce scénario facteur 4 et pour le tourisme portent sur : · une répartition de la mobilité à très longue distance plus égalitaire, · une baisse de la mobilité à longue distance (compensée par des séjours de proximité) · une répartition par mode de transport privilégiant train et bus au détriment de l'avion. Quel leviers pour y arriver ? · Des innovations technologiques dans le transport aérien ? Sans doute insuffisantes, sachant que la hausse du trafic aérien est prévue au rythme de 5 %, alors que l'efficacité énergétique de l'aviation ne progressera elle qu'au rythme de 1 % par an. · Un investissement considérable dans le train ? Une comparaison entre la carte des lignes SNCF en 1930 et celle d'aujourd'hui montre l'ampleur considérable des abandons de réseau intervenue depuis. Pourquoi l'effort fait au XIX ème siècle ne pourrait-il être réactivé ? · La fin du modèle « low cost » ? Elle est en fait dès aujourd'hui « programmée », notamment lorsque viendra l'obligation d'internaliser les coûts aujourd'hui cachés (supportés par les collectivités par ex). · La modification indispensable de la culture actuelle du voyage ? Un renversement s'imposera, forcément progressif, des comportements d'hyper-mobilité « compulsionnelle » des touristes à qui on propose encore aujourd'hui d'aller le plus loin possible et le plus vite possible, avec comme phantasme ultime la programmation des voyages dans l'espace. Il s'agit de privilégier dès aujourd'hui le « slow tourisme », de réhabiliter le temps du voyage, comme faisant partie des vacances et même des « escapades » (courts séjours), en s'appuyant sur le changement des attitudes d'une partie des nouvelles générations. Toutes ces inflexions de trajectoires seront cependant d'autant moins faciles que le tourisme est sans doute le secteur le plus prêt à payer (des taxes, des compensations carbone) pour continuer en l'état sa croissance. Ce avec les tensions qui pourraient en résulter vis à vis d'autres secteurs économiques moins à même de s'inscrire dans une éventuelle surenchère : des quotas spécifiques pourraient s'avérer nécessaires. A un participant qui s'étonnait de l'envergure de ce qu'il fallait mettre en œuvre pour adapter le tourisme au changement climatique, Jean-Paul Céron répond : « Notre étude remet en cause la continuité territoriale de la France,...mais peut-on négocier avec les lois de la physique ! » 1. L'adaptation du tourisme au changement climatique, est-elle une priorité ? 2. Le tourisme devrait-il se voir accorder un traitement de faveur en matière d'atténuation ? 3. La compensation carbone est-elle la « solution miracle » ? (à voir prochainement le dossier que consacrera la revue « Espaces », spécialisée sur le Tourisme, sur cette question.) 4. Comment inventer un avenir du tourisme durable et /mais désirable ? |