Un casse-tête chinois pour le Mali. L’Afrique, en particulier le Mali, a peu de moyens de venir à bout des pesticides obsolètes. Mais elle compte sur une nouvelle législation internationale qui permet de confondre pesticides anciens et actuels. http://www.temoust.org/spip.php?article4455
Les pesticides se définissent comme toute substance ou association de substances qui est destinée à repousser, détruire ou combattre les ravageurs, y compris les vecteurs de maladies humaines et animales et les espèces indésirables de plantes ou d’animaux causant des dommages ou se montrant autrement nuisibles durant la production, la transformation, le stockage, le transport ou la commercialisation des denrées alimentaires, des produits agricoles, du bois et des produits ligneux, ou des aliments pour animaux, ou qui peut être administrée aux animaux pour combattre les insectes, les arachnides et les autres endo ou ectoparasites.
Près de 70 000 produits chimiques sont commercialisés un peu partout dans le monde et malgré cette très grande variété, 1500 molécules nouvelles sont mises sur le marché chaque année. Pour la seule année 2007, le Mali a importé 1 930 551 litres de pesticides en raison de 4560 F CFA le litre.
Elles sont utilisées en agriculture, en santé humaine, animale et dans la conservation de denrées et biens. En 1999, l’importation des pesticides représentait 2,6 % des importations totales du pays.
Et pourtant, ces produits représentent pour l’espèce humaine et animale de même que la végétation un danger aux conséquences incalculables : cancers, malformations congénitales, troubles neurologiques, maladies chroniques, stérilité.
A Gao, le Programme africain relatif aux stocks de pesticides obsolètes (PASP-Mali) a dénombré en 2005, 65 000 litres de pesticides dont 42 000 litres de dieldrine, un polluant organique persistant hautement dangereux.
L’inventaire a révélé un écoulement de plus de 2000 litres de dieldrine infiltrés dans le sol. Une situation préoccupante pour le gouvernement qui avait fait appel à ses partenaires notamment la Banque mondiale et la FAO pour circonscrire le mal.
Le problème des pesticides obsolètes n’existe pas qu’à Gao, il est presque partout où la lutte contre les criquets, les insectes ou les granivores a nécessité la constitution et l’utilisation d’un stock.
Il a sévi dans les zones de Niogomera et Youwarou où l’on a enregistré des victimes. S’il s’agit d’un stock à Niogomera, ce sont des emballages de pesticides, des bidons vides qui ont causé la mort des personnes à Youwarou. Deux morts dans une famille en décembre 2004.
La Convention de Rotterdam, en vigueur depuis 2004, reconnaît désormais le danger potentiel de ces produits, leur gestion représentant un défi pour les gouvernements, notamment en matière de contrôle.
Le traité met également l’accent sur le fait que parmi tous ces produits chimiques, un grand nombre de pesticides sont désormais interdits dans les pays industrialisés.
D’autres sont encore utilisés mais de manière très réglementée. D’autres enfin continuent d’être commercialisés et utilisés dans les pays en développement.
50 000 tonnes de pesticides périmés en Afrique
« Dans beaucoup de pays en développement, les conditions ne permettent pas aux petits paysans d’utiliser sans danger des pesticides à haute toxicité. Il en résulte de dégâts permanents aussi bien sur la santé des agriculteurs que pour l’environnement » , déclarait Jacques Diouf, directeur général de la FAO, au moment de l’entrée en vigueur du traité.
« La mise en œuvre de la Convention aidera les pays à réglementer l’accès aux pesticides reconnus pour leurs graves effets sur la santé et l’environnement, ainsi qu’aux pesticides extrêmement toxiques, que les petits paysans des pays en développement ne peuvent pas manipuler en toute sécurité », affirmait encore Jacques Diouf.
Officiellement, la FAO dénombre 100 000 tonnes de pesticides en Afrique dont 50 000 périmés. « Les 50 000 tonnes de pesticides périmées en Afrique sont stockés dans de mauvaises conditions, des puits sont contaminés, les aliments et les cours d’eau aussi. Il y a danger, il faut faire vite », a indiqué Abou Thiam, coordonnateur régional de Pesticide Action Network, une ONG internationale en réseau ayant un bureau à Dakar. « Ces pesticides obsolètes tuent, il y a des intoxications, il faut rassembler les stocks, les détruire par les moyens les plus modernes », a-t-il conseillé.
Les organisations internationales ne se sont pas encore attelées au devenir de ces nouvelles décharges, mais dans le cadre de la Convention de Rotterdam, le Programme des Nations unies pour l’environnement (Pnue), le Réseau d’action contre les pesticides (Pan), le Fonds mondial pour la nature (WWF), ont commencé à travailler à l’élimination de ces pesticides, dont l’existence est reconnue dans l’inventaire officiel.
La Banque mondiale est impliquée dans ces projets. La FAO a également demandé aux fabricants de financer le processus d’élimination car, estime l’organisation agricole, les agences d’aide des pays donateurs ne sont pas à même de couvrir la totalité des coûts. L’industrie s’est engagée il y a plusieurs années déjà à participer à l’incinération de ces substances périmées mais jusqu’à présent sa contribution est restée dérisoire.
Les pays africains n’ont pas les fours nécessaires à la destruction de ces substances, il faut les transporter dans des pays industrialisés, ce qui entraîne la protestation des écologistes locaux et pose le problème du coût. L’une des solutions à ce fléau passe également par la formation des agriculteurs.
Au Mali, il y a une montée inexorable de l’utilisation des pesticides dans l’agriculture notamment dans les grandes exploitations agricoles, les périmètres cultivés périurbains et les plantations de cultures de rente.
Sidiki Y. Dembélé
Les Echos du 7 février 2008