À peine créé, déjà marginalisé ? Le Fonds d'adaptation au changement climatique, lancé à l'occasion de la conférence des Nations unies sur le climat de Bali, en décembre 2007, a de bonnes raisons de se poser la question, alors qu'il est réuni pour la première fois, du mercredi 26 au vendredi 28 mars, à Bonn en Allemagne. La Banque mondiale vient en effet d'annoncer son intention de créer sa propre enveloppe de financement pour traiter de l'adaptation au réchauffement.
55 milliards d'euros par an, c'est le montant qu'il faudrait mobiliser, selon l'ONU, pour parer aux effets du réchauffement climatique.
178 millions d'euros ont été engagés depuis 2001 dans les pays en développement, afin de financer des projets d'adaptation, par le Fonds pour l'environnement mondial, rattaché aux Nations unies.
L'Afrique du Sud, se faisant l'écho de nombreux pays en développement, a dénoncé ce qui est perçu comme une tentative de contournement du dispositif onusien. Aux yeux de ces derniers, l'initiative de la Banque mondiale pose problème à deux titres.
Financier d'abord : l'institution dirigée par l'Américain Robert Zoellick va se tourner vers les mêmes pays donateurs que le Fonds d'adaptation pour lever des capitaux. Le mécanisme de financement approuvé à Bali doit recevoir l'équivalent de 2 % des investissements générés par les Mécanismes de développement propre (MDP), ces projets qui permettent aux entreprises d'obtenir des quotas d'émission de gaz carbonique en utilisant des technologies moins polluantes dans les pays en développement.
Or, explique Monique Barbut, du Fonds mondial pour l'environnement, qui assure le secrétariat du Fonds d'adaptation, "avant que les MDP ne montent en puissance, ces 2 % ne nous procureront pas plus de 70 millions de dollars (44,5 millions d'euros), quand nous estimons qu'il en faudrait entre 200 et 500 millions d'ici à fin 2009 pour entreprendre un travail sérieux."
Mais l'essentiel n'est pas là. Les pays les plus pauvres redoutent surtout de voir la lutte contre le changement climatique s'inscrire dans le schéma traditionnel de l'aide au développement, où quelques pays donateurs décident des politiques à mener par les récipiendaires de l'aide. Or le Fonds d'adaptation a brisé cette règle en donnant aux pays du Sud davantage de voix au sein de son conseil d'administration. Les pays les plus exposés aux effets du réchauffement revendiquent la maîtrise des projets qui seront engagés pour remédier à une situation dont ils ne sont pas responsables.
"PROJET TRÈS DIFFÉRENT"
Pour sa part, la Banque mondiale se défend de vouloir affaiblir le processus engagé à Bali. "Notre projet est très différent, explique Warren Evans, directeur environnement de l'institution. Il est ciblé sur moins d'une dizaine de pays où nous voulons mettre en oeuvre des programmes pilotes qui nous permettront d'affiner les meilleures réponses au changement climatique." Cela pour répondre au manque de connaissances auquel sont confrontés les experts pour pouvoir agir. "Le réchauffement est un problème central pour le développement, nous devons le prendre en compte maintenant", insiste-t-il.
Le fonds de la Banque mondiale, baptisé "Programme pilote pour faire face aux changements climatiques", ambitionne de lever entre 300 et 500 millions de dollars (190 à 320 millions d'euros). Le Royaume-Uni aurait déjà répondu à l'appel. Son architecture sera débattue au lendemain de l'assemblée de printemps de la Banque mondiale, mi-avril à Washington.
Un autre Fonds pour les technologies propres, doté de 5 milliards de dollars (3,2 milliards d'euros), est aussi sur les rails. Les Etats-Unis y contribueraient à hauteur de 2 milliards de dollars, le Royaume-Uni pour 1,6 milliard. Le Japon, qui n'a pas encore précisé le montant de sa participation, figurerait parmi les principaux bailleurs.
Cette polémique intervient alors que la Banque mondiale cherche à se positionner comme un acteur incontournable de la question du climat. M. Evans a entrepris une tournée des grands pays en développement pour apaiser leurs inquiétudes.
LE MONDE | 27.03.08 |
Laurence Caramel
Article paru dans l'édition du 28.03.08.