En finir, le plus vite possible. Une semaine après les trente-six heures de débats tendus sur les OGM à l'Assemblée nationale, ponctuées par une crise sérieuse entre les parlementaires UMP, Nathalie Kosciusko-Morizet, et Jean-Louis Borloo, les discussions en deuxième lecture du texte au Sénat ont été bouclées à toute allure, mercredi 16 avril. Le député PCF André Chassaigne a fait part de sa "forte déception" après le sort réservé à son amendement au projet de loi sur les OGM que la droite sénatoriale a, selon lui, vidé de son contenu "sur injonction du gouvernement".
"L'amendement Chassaigne" prévoyait que "les OGM ne peuvent être cultivés, commercialisés ou utilisés que dans le respect de l'environnement et de la santé publique, des structures agricoles, des écosystèmes locaux et des filières de production et commerciales qualifiées +sans OGM+ et en toute transparence".
Dans la nuit du 16 au 17 avril, le Sénat a adopté un sous-amendement au texte sur les OGM précisant que "la définition du +sans OGM+ se comprend nécessairement par référence à la définition communautaire (...)".
"Je souhaite faire aujourd'hui état de ma forte déception", souligne M. Chassaigne, pour qui la formule adoptée par le Sénat "témoigne d'une interprétation tendancieuse de la législation européenne".
L'UE "établit un seuil d'étiquetage à partir duquel la présence d'OGM est indiquée, à savoir 0,9% de présence fortuite d'OGM dans le produit. Cet étiquetage a pour effet de tromper le consommateur en lui faisant croire qu'en dessous de ce seuil, aucun OGM n'est présent", affirme l'élu PCF.
"Le sous-amendement du Sénat rejette les zones sans OGM et se défausse sur le pouvoir réglementaire", conclut M. Chassaigne.
Cinq heures de discussion ont suffi avant le vote du texte, qui organise la coexistence entre la filière OGM et les agricultures conventionnelle et biologique sur le territoire. L'amendement 252 adopté par l'Assemblée nationale, qui restreint les possibilités de cultiver des plantes génétiquement modifiées en protégeant les écosystèmes locaux et les cultures sans OGM, a été au centre des discussions. Nombreux étaient ceux qui, à droite, souhaitaient sa suppression pure et simple : le premier ministre, François Fillon, le président du groupe UMP de l'Assemblée nationale, Jean-François Copé, et la plus grande partie des députés et sénateurs UMP.
AMENDEMENT MAINTENU
Ils n'ont pas obtenu gain de cause. Le compromis imposé par Nicolas Sarkozy maintient l'amendement. Les sénateurs ont toutefois ajouté une précision : la définition du sans-OGM "se comprend nécessairement par référence à la définition communautaire". "Dans l'attente d'une définition au niveau européen, le seuil correspondant sera fixé par voie réglementaire, sur avis du Haut Conseil des biotechnologies, espèce par espèce", est-il précisé.
Pour le rapporteur de la commission des affaires économiques Jean Bizet (UMP, Manche), favorable aux OGM, la précision rend l'amendement 252 "compatible avec la réglementation européenne". "Pour l'instant, la définition du sans-OGM n'existe pas au niveau européen, c'est donc le seuil d'étiquetage de 0,9 % qui s'applique par défaut, en attendant les décisions du Haut Conseil", ajoute-t-il. Le futur Haut Conseil, qui éclairera les autorités sur les questions relevant des biotechnologies, donnera un avis "au cas par cas", a précisé M. Borloo.
L'enjeu est important, car des seuils choisis dépendront les distances de sécurité entre les champs et les modalités d'indemnisation des agriculteurs contaminés, donc la viabilité économique des cultures OGM. Les écologistes plaident pour que le sans-OGM corresponde au seuil de détection technique, soit moins de 0,1 % d'OGM, et non au seuil d'étiquetage européen, soit 0,9 %. Mais pour garantir une telle pureté, la culture d'OGM deviendrait impossible sur de larges zones du territoire.
Selon Marie-Christine Blandin (Verts, Nord-Pas-de-Calais), l'amendement Chassaigne est "affaibli" par la précision du Sénat, "qui renvoie au réglementaire et à sa part d'arbitraire". Greenpeace juge que cet ajout "risque d'ouvrir la voie à de nombreux contentieux, compte tenu de son caractère totalement flou".
Les autres dispositions du texte - création du Haut Conseil des biotechnologies, transparence des cultures au niveau de la parcelle, délit de fauchage, régime de responsabilité des cultivateurs d'OGM - n'ont pas été retouchées par la majorité sénatoriale, qui avait annoncé son intention de les voter "conforme". Les sénateurs socialistes, communistes et Verts ont quitté l'Hémicycle, dénonçant un "débat fantoche", et n'ont pas pris part au vote.
Adopté de justesse à l'Assemblée, le texte a été voté par quasiment tous les sénateurs présents. Un seul, Philippe Darniche (Vendée, non inscrit) a voté contre. Fabienne Keller (UMP, Bas-Rhin) s'est abstenue. Le texte reviendra devant les députés en mai pour une dernière lecture.