Dans un communiqué en dix points, Jacques Diouf, Directeur général de la FAO, répond aux récentes critiques du Président de la République du Sénégal contre la FAO
Le Directeur général de la FAO s’efforce, sur les différents continents, de faire face actuellement à une crise alimentaire planétaire en coopération avec les Etats Membres de l’Organisation, ses partenaires au développement et les autres institutions du système des Nations Unies. S’il a le devoir de défendre une Institution de 190 pays membres, dont la direction lui a été confiée de nouveau en 2005 lors d’une élection sans opposition, il n’a pas l’intention de se laisser distraire de ses responsabilités en se laissant entraîner dans une polémique motivée par des raisons de politique intérieure sénégalaise avec le Chef d’Etat de son pays auquel il doit respect et considération.
Il convient cependant de répondre objectivement aux différents points soulevés :
1. Les « institutions qui, au Niger, ont dit qu’il y avait une famine », quelles sont elles ? Est-ce que la FAO en fait partie ? Rappelons à ce propos que dans un article du "Quotidien" du 27/11/2007, le journaliste Paul Diene Faye, se référant à une vidéo conférence, avait écrit avec un certain humour : « Le Sénégal n’est peut-être pas encore un pays de famine, du moins, le Directeur général de la FAO, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, ne veut pas le dire. C’est parce que, explique M. Jacques Diouf, la FAO n’a pas pour rôle de déclarer les lieux dans le monde où sévit la famine. Mais son rôle, ajoute-t-il, est de publier un document intitulé « L’Etat de l’insécurité alimentaire dans le monde ». Le Directeur de la FAO insiste sur le fait que ce document n’est pas instantané, au contraire il se prépare sur une longue période, avec beaucoup de précautions. »
2. « La nourriture aux pauvres c’est de l’aumône… » Est-ce que la FAO distribue de la nourriture ? Quelles sont les institutions bilatérales, régionales et multilatérales qui font ce travail ?
3. « L’assistance technique à l’agriculture, c’est l’assistance à des hommes et femmes debout ». L’assistance technique, c’est justement le travail que fait la FAO avec:
* des actions de formation sur le terrain, notamment avec le Programme de coopération technique (PCT) et le concours de la coopération sud-sud (1 473 experts mis à la disposition des pays en développement),
* le renforcement des services vétérinaires (lutte contre la fièvre aphteuse, la fièvre de la Vallée du Rift, la peste porcine africaine, la péripneumonie contagieuse bovine, la grippe aviaire, la maladie de Newcastle, la peste des petits ruminants, la fièvre catharrale ovine, etc.) et des services phytosanitaires (renforcement des capacités de détection et de traitement contre le criquet pèlerin, la rouille noire du blé, etc.)
* le recours à la lutte biologique intégrée, avec pour résultat une diminution de 50% des quantités de pesticides avec une augmentation de 15% de la production de riz,
* la vulgarisation des pompes à main et à pédale, de la construction de canaux d’irrigation, de petits barrages, de silos métalliques de stockage, etc.,
* des projets de production de riz, de maïs, de manioc, de cultures maraîchères, d’aviculture, d’élevage ovin et caprin, etc., sans oublier l’introduction de microjardins et le développement de l’aquaculture,
* la reconstitution des capacités productives des cultivateurs, pasteurs et pêcheurs après ces catastrophes naturelles (inondations, sécheresse, tsunami, tremblements de terre, ouragans, typhons, etc.)
* la mise à la disposition des agriculteurs, spécialistes, chercheurs, enseignants, étudiants, etc., d’un site Internet WAICENT qui reçoit 4 millions de visites d’usagers par mois pour l’accès aux informations et aux statistiques sur la production et le commerce agricoles ainsi que sur l’eau et les sols, les intrants agricoles, etc.
* l’établissement avec l’OMS de plus de 200 normes internationales du Codex Alimentarius pour la protection des consommateurs et l’arbitrage dans l’application des règles sanitaires et phytosanitaires de l’OMC.
4. « L’hivernage arrive à grands pas dans le Sahel, fin mai début juin. Sa durée moyenne est de trois mois. Saisissons cette opportunité qui ne se présentera plus que dans un an ». Dès le 17 décembre 2007, dans une conférence de presse à Rome, la FAO a attiré l’attention de la communauté internationale sur la nécessité de donner la priorité à la campagne agricole 2008, et a lancé une "Initiative pour lutter contre la flambée des prix des denrées alimentaires". Il était vital pour les agriculteurs pauvres des pays en développement d’avoir accès aux semences, engrais et aliments du bétail qui sont nécessaires et dont les prix ont aussi fortement augmenté. C’est dans ce cadre que le Directeur général de la FAO a annoncé la contribution de 17 millions de dollars E.U. de la FAO à cette initiative bien qu’elle ne soit pas une institution financière (…) et lancé un appel pour que 1,7 milliard de dollars soient mobilisés. Ces ressources financières ou en nature, conformément aux règles de l’aide au développement, passent par les canaux bilatéraux ou multilatéraux dans le cadre d’accords spécifiques avec chaque gouvernement. Il est donc inexact de dire que « la FAO à son tour a annoncé qu’elle avait besoin de 1,7 milliard de dollars ». Cet appel de la FAO a été approuvé par l’ensemble du système des Nations Unies et des Institutions de Bretton Woods au cours de la réunion qui s’est tenue à Berne en Suisse, du 28 au 29 avril dernier. Il figure dans le communiqué présenté le 29 avril à la presse internationale par le Secrétaire général de l’ONU.
Au Sénégal, en décembre 2007, avec les partenaires au développement, en présence des Ministres de l’agriculture, de l’hydraulique, etc., le 22 décembre 2007 avec la presse, et ensuite le 17 mars 2008 avec les Ministères techniques et économiques, le Directeur général de la FAO a tenu des réunions pour alerter les autorités nationales et l’opinion sur les risques de crise alimentaire et discuter des mesures à prendre pour présenter ce programme. Ces réunions ont été largement couvertes par la presse nationale. Pourquoi les actions appropriées n’ont pas été lancées à ce moment là ?
5. « Le chemin est donc tout tracé pour la communauté internationale qui veut réellement aider, celui de l’investissement innovant dans le domaine de l’agriculture en Afrique ». Dès la première année de son mandat en juin 1994, le Directeur général de la FAO a lancé les Programmes spéciaux de sécurité alimentaire (PSSA) qui sont opérationnels dans plus de 100 pays. La priorité est accordée aux petits ouvrages de collecte d’eau et d’irrigation réalisés par les communautés rurales. Des programmes nationaux comportant des mesures de politique agricole, de renforcement institutionnel et des programmes d’investissement (dans le cadre d’une approche village par village) ont été initiés dans 15 pays et sont en cours de formulation dans 36 autres pays. Le Directeur général de la FAO répète depuis 14 ans que "la loterie agricole" doit cesser (en Afrique 96 % des terres ont une agriculture pluviale alors que le continent n’utilise que 4 % de ses réserves en eau renouvelable). Il n’a cessé de répéter qu’il fallait investir prioritairement dans les ouvrages d’irrigation, dans les moyens de stockage et de conditionnement (les pertes après-récolte sont de 40 à 60 %), dans les routes rurales, les centres d’abattage, les ports de pêche, les chaînes de froid, etc… Ces éléments figurent dans le Programme détaillé de développement agricole (PDDAA) préparé en coopération avec la FAO et adopté au Sommet de l’Union africaine en juillet 2003. Les différents coûts ont été évalués pour faciliter leur financement. A la demande de gouvernements africains, la FAO a aussi apporté son assistance pour traduire le PDDAA en programmes nationaux dans 51 pays.
Depuis 2001 la FAO aide plusieurs Organisations économiques régionales pour l'élaboration de programmes régionaux de sécurité alimentaire (PRSA). En Afrique, il s’agit des programmes régionaux de sécurité alimentaire de l’UEMOA (2002), la CEDEAO (2002), la SADC (2002, pas encore approuvé), la COMESA (2002), l’UMA (2001), l’IGAD (2002), la CEEAC (préparé en 2003 et adopté en 2004), la CEMAC (2003) et la CEN-SAD (en cours de formulation). Des programmes similaires ont été préparés pour d’autres régions du monde, à savoir pour les pays des Caraïbes (CARICOM, 2002), les pays du Pacifique (PIF, 2002), l’Asie du Sud (SAARC, en cours de formulation), l’Asie Centrale (ECO, en cours de formulation) et l’Amérique du Sud (MERCOSUR, esquisse préparée en 2005).
Si, comme les faits l’ont établi, les investissements nécessaires n’ont pas été effectués, est-ce la FAO qui est responsable ? Quelles sont les institutions bilatérales, régionales et internationales qui ont diminué, jusqu’à des niveaux critiques leur engagement en faveur de l’agriculture? Est ce que le mandat de la FAO inclut le financement des investissements dans l’agriculture ? Qui a pris les décisions qui ont abouti au fait que la part de l’agriculture dans l’aide au développement est passée de 17 % au début des années 80 à 3 % en 2005 ? La FAO n’a-t-elle pas organisé dès 2002 un Sommet mondial de l’alimentation pour attirer l’attention de la communauté internationale sur cette situation et mis en évidence le manque de volonté politique et de ressources pour lutter contre l’insécurité alimentaire ? Au Sommet des chefs d’Etat du G8 de 2001 à Gênes auquel le Directeur général a participé, ainsi qu’à l’Assemblée générale des Nations Unies, à l’ECOSOC, au Sommet extraordinaire de l’Union africaine sur l’eau et l’agriculture en 2004 à Syrte, la FAO n’a-t-elle pas aussi attiré l’attention des autorités mondiales sur cette situation et proposé des solutions ?
6. « C’est l’institution FAO qui doit être mise en cause. La situation actuelle est largement son échec ». Les spécialistes de l’agriculture, les économistes et journalistes du monde qui ont analysé les causes de la crise alimentaire ont identifié les facteurs suivants :
- Au niveau de l’offre, la production agricole a été affectée par le changement climatique (inondations, sécheresses, hivers plus rigoureux, typhons, ouragans, tremblements de terre, etc.). Ensuite, les stocks de céréales sont à leur plus bas niveau depuis 1980. Est ce que la FAO a un territoire national avec des terres arables et des citoyens, dont des agriculteurs, pour produire des denrées alimentaires ? Est ce qu’elle détient des stocks de produits alimentaires ?
- Au niveau de la demande, la population mondiale croissante va passer de 6 milliards actuellement à 9 milliards en 2050. La FAO peut-elle être rendue responsable de la naissance de 78,5 millions d’enfants supplémentaires chaque année? En outre, la demande des pays émergents croît très vite, notamment en Chine et en Inde qui, avec des taux de croissance de leur produit intérieur brut de 8 à 12 % grâce aux politiques nationales et au travail des populations, ont pu générer des revenus supplémentaires pour améliorer l’alimentation de leurs citoyens. La FAO ne regrette pas son excellente coopération avec ces pays. Enfin, la demande nouvelle de biocarburants a orienté vers l’énergie des produits agricoles qui auparavant allaient à l’alimentation humaine. Est ce la FAO qui décide des politiques incitatives de subventions et de protection tarifaire pour développer les bioénergies au niveau national ?
- Au niveau du marché international, les soutiens des pays de l’OCDE à leur agriculture, en termes d’« estimations du soutien total », ont atteint 372 milliards de dollars en 2006, les droits et régimes tarifaires ainsi que les barrières techniques au commerce ont aussi défavorisé l’agriculture dans les pays en développement. Ces questions font l’objet d’âpres négociations dans le cadre de la « Ronde de Doha » de l’OMC. Est ce la FAO qui négocie et applique les décisions dans les relations commerciales internationales? De plus, les politiques agricoles des pays en développement ont été libéralisées et leurs structures d’appui au monde rural (vulgarisation, fourniture d’intrants, stockage et commercialisation, crédit, stabilisation des prix) ont été progressivement éliminées et ont laissé leurs petits agriculteurs sans défense face aux forces du marché international. Est ce la FAO qui a fait pression sur les pays en développement pour l’adoption de telles politiques ? Ajoutons aussi, aujourd’hui, la spéculation financière. Les fonds de placement spéculent sur les marchés à terme et contribuent actuellement à la hausse des prix des produits de base, notamment les produits agricoles. Est-ce la FAO qui contrôle ces fonds de placement ?
7. « La FAO est un gouffre d’argent ». Le budget (biennium) de la FAO est adopté par la Conférence de l’ensemble des Etats Membres. Il est équivalent, à titre d’exemple, à celui du Ministère de l’agriculture de l’Afrique du Sud. Les différents pays contribuent en fonction du barème des Nations Unies (la part du Sénégal est ainsi de 0,004% du total). Il sert à mettre en oeuvre le programme de travail de l’Organisation. Ce budget est approuvé après examen par les Comités des Finances et du Programme. Il présente de manière détaillée tous les postes budgétaires en personnel, équipement et fonctionnement. Les comptes font régulièrement l’objet d’un audit. Ils ont toujours été approuvés pour chaque exercice biennal. Entre 1994/95 et 2006/07, les ressources de la FAO ont baissé en termes réels de 22% et le personnel de la FAO a diminué de 24,6%, bien que le nombre des Etats Membres de l’Organisation soit passé de 169 à 191 durant la même période.
8. « Je leur (les responsables de la FAO) ai dit que si vous continuez…, je vais vous traduire devant la justice, il faut rembourser les 20 % de l’argent collecté en notre nom ». Ces propos se passent de tout commentaire. En effet, la FAO est une organisation des Nations Unies dont les modalités de gestion collective intergouvernementale sont définies et protégées par un ensemble de traités internationaux garantissant son indépendance et immunité par rapport aux interventions unilatérales des Etats. Le Sénégal a ratifié ces traités et s’est engagé à respecter le statut de l’Organisation.
9. Enfin, dans le système des Nations Unies, les activités des agences, fonds et programmes sont complémentaires et le Secrétaire général en assure la coordination. En 2005 et 2006, un « Groupe d’experts de haut niveau sur la cohérence du système des Nations Unies », présidé par les Premiers Ministres de Norvège, du Pakistan et du Mozambique, a étudié avec sérieux le fonctionnement de l’ONU et présenté un rapport avec des propositions pour que le système agisse encore plus efficacement sur le terrain dans une plus grande unité. Les ambassadeurs et représentants permanents des 192 pays membres de l’ONU discutent à l’Assemblée générale, de manière méthodique, les mesures proposées tant au niveau global que national. La FAO naturellement a été associée à cet exercice et y participe pleinement, notamment dans le cadre des huit projets pilote sur le terrain.
10. Le Sénégal dispose d’intellectuels de valeur internationale ; certains sont partis à l’étranger et enseignent dans les plus grandes universités occidentales. La FAO est prête, si le Gouvernement le souhaite, à travailler avec les experts qui sont dans les ministères techniques et économiques, à l’Institut sénégalais de recherches agricoles, à l’Université de Dakar et celle de Saint-Louis ainsi qu’à l’Académie des Sciences du Sénégal notamment, afin de réfléchir aux causes de la crise alimentaire mondiale, les solutions envisageables à court, moyen et long terme, les risques et les opportunités pour le Sénégal. Le Gouvernement pourrait ainsi bénéficier de la réflexion approfondie de personnes compétentes et obtenir des analyses et conclusions pertinentes qui seraient les bases solides d’une action concertée pour assurer le développement agricole et la sécurité alimentaire du Sénégal.
Il convient cependant de répondre objectivement aux différents points soulevés :
1. Les « institutions qui, au Niger, ont dit qu’il y avait une famine », quelles sont elles ? Est-ce que la FAO en fait partie ? Rappelons à ce propos que dans un article du "Quotidien" du 27/11/2007, le journaliste Paul Diene Faye, se référant à une vidéo conférence, avait écrit avec un certain humour : « Le Sénégal n’est peut-être pas encore un pays de famine, du moins, le Directeur général de la FAO, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, ne veut pas le dire. C’est parce que, explique M. Jacques Diouf, la FAO n’a pas pour rôle de déclarer les lieux dans le monde où sévit la famine. Mais son rôle, ajoute-t-il, est de publier un document intitulé « L’Etat de l’insécurité alimentaire dans le monde ». Le Directeur de la FAO insiste sur le fait que ce document n’est pas instantané, au contraire il se prépare sur une longue période, avec beaucoup de précautions. »
2. « La nourriture aux pauvres c’est de l’aumône… » Est-ce que la FAO distribue de la nourriture ? Quelles sont les institutions bilatérales, régionales et multilatérales qui font ce travail ?
3. « L’assistance technique à l’agriculture, c’est l’assistance à des hommes et femmes debout ». L’assistance technique, c’est justement le travail que fait la FAO avec:
* des actions de formation sur le terrain, notamment avec le Programme de coopération technique (PCT) et le concours de la coopération sud-sud (1 473 experts mis à la disposition des pays en développement),
* le renforcement des services vétérinaires (lutte contre la fièvre aphteuse, la fièvre de la Vallée du Rift, la peste porcine africaine, la péripneumonie contagieuse bovine, la grippe aviaire, la maladie de Newcastle, la peste des petits ruminants, la fièvre catharrale ovine, etc.) et des services phytosanitaires (renforcement des capacités de détection et de traitement contre le criquet pèlerin, la rouille noire du blé, etc.)
* le recours à la lutte biologique intégrée, avec pour résultat une diminution de 50% des quantités de pesticides avec une augmentation de 15% de la production de riz,
* la vulgarisation des pompes à main et à pédale, de la construction de canaux d’irrigation, de petits barrages, de silos métalliques de stockage, etc.,
* des projets de production de riz, de maïs, de manioc, de cultures maraîchères, d’aviculture, d’élevage ovin et caprin, etc., sans oublier l’introduction de microjardins et le développement de l’aquaculture,
* la reconstitution des capacités productives des cultivateurs, pasteurs et pêcheurs après ces catastrophes naturelles (inondations, sécheresse, tsunami, tremblements de terre, ouragans, typhons, etc.)
* la mise à la disposition des agriculteurs, spécialistes, chercheurs, enseignants, étudiants, etc., d’un site Internet WAICENT qui reçoit 4 millions de visites d’usagers par mois pour l’accès aux informations et aux statistiques sur la production et le commerce agricoles ainsi que sur l’eau et les sols, les intrants agricoles, etc.
* l’établissement avec l’OMS de plus de 200 normes internationales du Codex Alimentarius pour la protection des consommateurs et l’arbitrage dans l’application des règles sanitaires et phytosanitaires de l’OMC.
4. « L’hivernage arrive à grands pas dans le Sahel, fin mai début juin. Sa durée moyenne est de trois mois. Saisissons cette opportunité qui ne se présentera plus que dans un an ». Dès le 17 décembre 2007, dans une conférence de presse à Rome, la FAO a attiré l’attention de la communauté internationale sur la nécessité de donner la priorité à la campagne agricole 2008, et a lancé une "Initiative pour lutter contre la flambée des prix des denrées alimentaires". Il était vital pour les agriculteurs pauvres des pays en développement d’avoir accès aux semences, engrais et aliments du bétail qui sont nécessaires et dont les prix ont aussi fortement augmenté. C’est dans ce cadre que le Directeur général de la FAO a annoncé la contribution de 17 millions de dollars E.U. de la FAO à cette initiative bien qu’elle ne soit pas une institution financière (…) et lancé un appel pour que 1,7 milliard de dollars soient mobilisés. Ces ressources financières ou en nature, conformément aux règles de l’aide au développement, passent par les canaux bilatéraux ou multilatéraux dans le cadre d’accords spécifiques avec chaque gouvernement. Il est donc inexact de dire que « la FAO à son tour a annoncé qu’elle avait besoin de 1,7 milliard de dollars ». Cet appel de la FAO a été approuvé par l’ensemble du système des Nations Unies et des Institutions de Bretton Woods au cours de la réunion qui s’est tenue à Berne en Suisse, du 28 au 29 avril dernier. Il figure dans le communiqué présenté le 29 avril à la presse internationale par le Secrétaire général de l’ONU.
Au Sénégal, en décembre 2007, avec les partenaires au développement, en présence des Ministres de l’agriculture, de l’hydraulique, etc., le 22 décembre 2007 avec la presse, et ensuite le 17 mars 2008 avec les Ministères techniques et économiques, le Directeur général de la FAO a tenu des réunions pour alerter les autorités nationales et l’opinion sur les risques de crise alimentaire et discuter des mesures à prendre pour présenter ce programme. Ces réunions ont été largement couvertes par la presse nationale. Pourquoi les actions appropriées n’ont pas été lancées à ce moment là ?
5. « Le chemin est donc tout tracé pour la communauté internationale qui veut réellement aider, celui de l’investissement innovant dans le domaine de l’agriculture en Afrique ». Dès la première année de son mandat en juin 1994, le Directeur général de la FAO a lancé les Programmes spéciaux de sécurité alimentaire (PSSA) qui sont opérationnels dans plus de 100 pays. La priorité est accordée aux petits ouvrages de collecte d’eau et d’irrigation réalisés par les communautés rurales. Des programmes nationaux comportant des mesures de politique agricole, de renforcement institutionnel et des programmes d’investissement (dans le cadre d’une approche village par village) ont été initiés dans 15 pays et sont en cours de formulation dans 36 autres pays. Le Directeur général de la FAO répète depuis 14 ans que "la loterie agricole" doit cesser (en Afrique 96 % des terres ont une agriculture pluviale alors que le continent n’utilise que 4 % de ses réserves en eau renouvelable). Il n’a cessé de répéter qu’il fallait investir prioritairement dans les ouvrages d’irrigation, dans les moyens de stockage et de conditionnement (les pertes après-récolte sont de 40 à 60 %), dans les routes rurales, les centres d’abattage, les ports de pêche, les chaînes de froid, etc… Ces éléments figurent dans le Programme détaillé de développement agricole (PDDAA) préparé en coopération avec la FAO et adopté au Sommet de l’Union africaine en juillet 2003. Les différents coûts ont été évalués pour faciliter leur financement. A la demande de gouvernements africains, la FAO a aussi apporté son assistance pour traduire le PDDAA en programmes nationaux dans 51 pays.
Depuis 2001 la FAO aide plusieurs Organisations économiques régionales pour l'élaboration de programmes régionaux de sécurité alimentaire (PRSA). En Afrique, il s’agit des programmes régionaux de sécurité alimentaire de l’UEMOA (2002), la CEDEAO (2002), la SADC (2002, pas encore approuvé), la COMESA (2002), l’UMA (2001), l’IGAD (2002), la CEEAC (préparé en 2003 et adopté en 2004), la CEMAC (2003) et la CEN-SAD (en cours de formulation). Des programmes similaires ont été préparés pour d’autres régions du monde, à savoir pour les pays des Caraïbes (CARICOM, 2002), les pays du Pacifique (PIF, 2002), l’Asie du Sud (SAARC, en cours de formulation), l’Asie Centrale (ECO, en cours de formulation) et l’Amérique du Sud (MERCOSUR, esquisse préparée en 2005).
Si, comme les faits l’ont établi, les investissements nécessaires n’ont pas été effectués, est-ce la FAO qui est responsable ? Quelles sont les institutions bilatérales, régionales et internationales qui ont diminué, jusqu’à des niveaux critiques leur engagement en faveur de l’agriculture? Est ce que le mandat de la FAO inclut le financement des investissements dans l’agriculture ? Qui a pris les décisions qui ont abouti au fait que la part de l’agriculture dans l’aide au développement est passée de 17 % au début des années 80 à 3 % en 2005 ? La FAO n’a-t-elle pas organisé dès 2002 un Sommet mondial de l’alimentation pour attirer l’attention de la communauté internationale sur cette situation et mis en évidence le manque de volonté politique et de ressources pour lutter contre l’insécurité alimentaire ? Au Sommet des chefs d’Etat du G8 de 2001 à Gênes auquel le Directeur général a participé, ainsi qu’à l’Assemblée générale des Nations Unies, à l’ECOSOC, au Sommet extraordinaire de l’Union africaine sur l’eau et l’agriculture en 2004 à Syrte, la FAO n’a-t-elle pas aussi attiré l’attention des autorités mondiales sur cette situation et proposé des solutions ?
6. « C’est l’institution FAO qui doit être mise en cause. La situation actuelle est largement son échec ». Les spécialistes de l’agriculture, les économistes et journalistes du monde qui ont analysé les causes de la crise alimentaire ont identifié les facteurs suivants :
- Au niveau de l’offre, la production agricole a été affectée par le changement climatique (inondations, sécheresses, hivers plus rigoureux, typhons, ouragans, tremblements de terre, etc.). Ensuite, les stocks de céréales sont à leur plus bas niveau depuis 1980. Est ce que la FAO a un territoire national avec des terres arables et des citoyens, dont des agriculteurs, pour produire des denrées alimentaires ? Est ce qu’elle détient des stocks de produits alimentaires ?
- Au niveau de la demande, la population mondiale croissante va passer de 6 milliards actuellement à 9 milliards en 2050. La FAO peut-elle être rendue responsable de la naissance de 78,5 millions d’enfants supplémentaires chaque année? En outre, la demande des pays émergents croît très vite, notamment en Chine et en Inde qui, avec des taux de croissance de leur produit intérieur brut de 8 à 12 % grâce aux politiques nationales et au travail des populations, ont pu générer des revenus supplémentaires pour améliorer l’alimentation de leurs citoyens. La FAO ne regrette pas son excellente coopération avec ces pays. Enfin, la demande nouvelle de biocarburants a orienté vers l’énergie des produits agricoles qui auparavant allaient à l’alimentation humaine. Est ce la FAO qui décide des politiques incitatives de subventions et de protection tarifaire pour développer les bioénergies au niveau national ?
- Au niveau du marché international, les soutiens des pays de l’OCDE à leur agriculture, en termes d’« estimations du soutien total », ont atteint 372 milliards de dollars en 2006, les droits et régimes tarifaires ainsi que les barrières techniques au commerce ont aussi défavorisé l’agriculture dans les pays en développement. Ces questions font l’objet d’âpres négociations dans le cadre de la « Ronde de Doha » de l’OMC. Est ce la FAO qui négocie et applique les décisions dans les relations commerciales internationales? De plus, les politiques agricoles des pays en développement ont été libéralisées et leurs structures d’appui au monde rural (vulgarisation, fourniture d’intrants, stockage et commercialisation, crédit, stabilisation des prix) ont été progressivement éliminées et ont laissé leurs petits agriculteurs sans défense face aux forces du marché international. Est ce la FAO qui a fait pression sur les pays en développement pour l’adoption de telles politiques ? Ajoutons aussi, aujourd’hui, la spéculation financière. Les fonds de placement spéculent sur les marchés à terme et contribuent actuellement à la hausse des prix des produits de base, notamment les produits agricoles. Est-ce la FAO qui contrôle ces fonds de placement ?
7. « La FAO est un gouffre d’argent ». Le budget (biennium) de la FAO est adopté par la Conférence de l’ensemble des Etats Membres. Il est équivalent, à titre d’exemple, à celui du Ministère de l’agriculture de l’Afrique du Sud. Les différents pays contribuent en fonction du barème des Nations Unies (la part du Sénégal est ainsi de 0,004% du total). Il sert à mettre en oeuvre le programme de travail de l’Organisation. Ce budget est approuvé après examen par les Comités des Finances et du Programme. Il présente de manière détaillée tous les postes budgétaires en personnel, équipement et fonctionnement. Les comptes font régulièrement l’objet d’un audit. Ils ont toujours été approuvés pour chaque exercice biennal. Entre 1994/95 et 2006/07, les ressources de la FAO ont baissé en termes réels de 22% et le personnel de la FAO a diminué de 24,6%, bien que le nombre des Etats Membres de l’Organisation soit passé de 169 à 191 durant la même période.
8. « Je leur (les responsables de la FAO) ai dit que si vous continuez…, je vais vous traduire devant la justice, il faut rembourser les 20 % de l’argent collecté en notre nom ». Ces propos se passent de tout commentaire. En effet, la FAO est une organisation des Nations Unies dont les modalités de gestion collective intergouvernementale sont définies et protégées par un ensemble de traités internationaux garantissant son indépendance et immunité par rapport aux interventions unilatérales des Etats. Le Sénégal a ratifié ces traités et s’est engagé à respecter le statut de l’Organisation.
9. Enfin, dans le système des Nations Unies, les activités des agences, fonds et programmes sont complémentaires et le Secrétaire général en assure la coordination. En 2005 et 2006, un « Groupe d’experts de haut niveau sur la cohérence du système des Nations Unies », présidé par les Premiers Ministres de Norvège, du Pakistan et du Mozambique, a étudié avec sérieux le fonctionnement de l’ONU et présenté un rapport avec des propositions pour que le système agisse encore plus efficacement sur le terrain dans une plus grande unité. Les ambassadeurs et représentants permanents des 192 pays membres de l’ONU discutent à l’Assemblée générale, de manière méthodique, les mesures proposées tant au niveau global que national. La FAO naturellement a été associée à cet exercice et y participe pleinement, notamment dans le cadre des huit projets pilote sur le terrain.
10. Le Sénégal dispose d’intellectuels de valeur internationale ; certains sont partis à l’étranger et enseignent dans les plus grandes universités occidentales. La FAO est prête, si le Gouvernement le souhaite, à travailler avec les experts qui sont dans les ministères techniques et économiques, à l’Institut sénégalais de recherches agricoles, à l’Université de Dakar et celle de Saint-Louis ainsi qu’à l’Académie des Sciences du Sénégal notamment, afin de réfléchir aux causes de la crise alimentaire mondiale, les solutions envisageables à court, moyen et long terme, les risques et les opportunités pour le Sénégal. Le Gouvernement pourrait ainsi bénéficier de la réflexion approfondie de personnes compétentes et obtenir des analyses et conclusions pertinentes qui seraient les bases solides d’une action concertée pour assurer le développement agricole et la sécurité alimentaire du Sénégal.