Enjeux économiques, enjeux environnementaux, transparence... la pause décrétée sur les explorations de gaz de schiste en France n'a pas calmé le débat. Les ministres tentent de rassurer à la fois les opposants et les industriels, tandis que les régions et des députés UMP et PS montent au créneau. Au Québec aussi la tension monte.
Photo : Pierre Morel, Pascal Terrasse
Nouvelle manne énergétique pour ses partisans, catastrophe écologique pour ses opposants, le gaz de schiste continue de faire débat. La France, au début du mois, a décidé de suspendre les explorations sur le territoire. L'équivalent d'un moratoire en attendant les conclusions d'une mission sur « les enjeux économiques, sociaux et environnementaux ». Elles doivent être remises avant juin.
La France, pour autant, « n'a pas fermé la porte aux gaz de schiste ». C'est ce qu'assurait Eric Besson le 16 février sur Europe 1. Le ministre de l'Énergie juge nécessaire de mener des explorations pour déterminer le potentiel du sous-sol français. Tout en jurant que, si exploitation il y a, elle doit se faire « conformément à nos valeurs et au respect de l'environnement ».
La veille à l'Assemblée, la ministre de l'Écologie jugeait « légitime » l'inquiétude des opposants et assurait « solennellement : il n’est pas question d’autoriser en France une exploitation à l’américaine », autrement par la technique de fracturation, gourmande en eau et en produits chimiques. Et Nathalie Kosciusko-Morizet de renvoyer la balle aux industriels, qui « assurent pouvoir exploiter proprement les éventuels gisements. À eux de le prouver ! ».
Enjeux économiques contre enjeux écologiques. Au Québec aussi, le débat autour du gaz de schiste est apparu particulièrement vif cette semaine. Les trois-quarts des répondants à un sondage mené par le Réseau des ingénieurs du Québec se prononcent pour un moratoire. Jeudi 17 février, l'Institut de recherche et d'informations socioéconomiques publiait une note à charge contre l'exploitation des gaz de schiste. Ce choix énergétique, engagé l'an dernier par le gouvernement québécois, « n’est pas justifiable dans une perspective de lutte aux changements climatiques ni d’indépendance énergétique », estime l'Institut. La Fédération des chambres de commerce du Québec s'est aussitôt portée au secours des gaz de schiste, jugeant que l'IRIS « pollue le débat avec de faux arguments économiques ».
La Fédération démonte par exemple l'argument selon lequel « le coût du traitement des eaux serait à la charge du secteur public et serait significativement augmenté étant donné les 'risques de contamination'. Pourtant au Québec, le traitement des eaux est à la charge de l’entreprise ».
Régions et parlementaires entrent en jeu
Les régions françaises, elles, auraient la charge « d’organiser le transit, le retraitement et l’élimination des eaux polluées », qui s'apparentent à des déchets dangereux. C'est l'un des arguments qu'elles soulèvent pour s'opposer unanimement à l'exploitation des gaz de schiste. L'association des régions de France (ARF), dans une position adoptée le 16 février, soutient les quatre régions concernées par les actuels permis d'exploration, sur une surface totale de 10 000 km2 : Midi-Pyrénées, Rhône Alpes, PACA et Languedoc Roussillon.
Si l’ARF dit son inquiétude face aux risques pour l'environnement et la santé publique, elle remet aussi en cause le manque de transparence qui a prévalu jusque là. Le communiqué « regrette notamment l’absence totale d’information aux élus locaux lors de l’octroi de ces permis d’exploration, qui portent sur des surfaces de plusieurs milliers de km2, parfois situées dans des zones protégées comme les parcs naturels régionaux. » Les régions dénoncent par ailleurs la récente réforme du code minier qui a largement simplifié les procédures et entendent « être désormais systématiquement consultées pour tout nouveau permis qui ne pourrait être accordé sans leur avis conforme ».
Une « totale transparence », c'est aussi ce que demandent le député UMP Pierre Morel et son confrère socialiste Pascal Terrasse. Preuve que l'opposition politique aux gaz de schiste dépasse désormais les rangs des écologistes, ils ont créé un comité de surveillance parlementaire, jugeant que « ce combat transcende le clivage gauche droite ». Ils ont soumis aux députés et sénateurs une motion parlementaire contre l’exploitation du gaz de schiste, et n'excluent pas la création une commission d’information, voire d’enquête.
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